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De notre correspondante à Washington – Plus rien ne semble arrêter Donald Trump vers l'investiture républicaine. Pas même sa rivale Nikki Haley, qui s'obstine à rester dans la course après des scores encourageants mais pas suffisants dans l'Iowa et le New Hampshire. Mais si l'ancien président américain crie victoire après ces premiers rendez-vous des primaires, le détail des résultats laisse entrevoir certaines de ses vulnérabilités face au démocrate Joe Biden, notamment auprès des électeurs indépendants.

Aux États-Unis, cette saison des primaires républicaines se déroule, comme prévu, sans gros suspense. Le grand favori Donald Trump, qui rêve de reconquérir la Maison Blanche, a déjà remporté facilement les premiers rendez-vous de l'Iowa et du New Hampshire. Celui qui était présenté comme son plus grand rival, le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, a abandonné juste après les caucus de l'Iowa. Il ne reste que l'ancienne ambassadrice à l'ONU Nikki Haley pour tenter de lui barrer la route vers l'investiture.

Mais la tâche s'annonce difficile pour elle, voire impossible. Certes, Nikki Haley a réalisé un score honorable le 23 janvier dans le New Hampshire, en récoltant 43,3 % des voix contre 54,3 % pour Donald Trump. Elle a donc décidé de rester dans la course pour les prochaines étapes, le Nevada le 6 février et surtout la Caroline du Sud, son fief, le 24 février. Mais il est peu probable qu'elle déjoue les sondages au point de ravir la couronne à l'ancien président américain, toujours adulé par sa base.

Les bons résultats de Nikki Haley dans le New Hampshire s'expliquent notamment par la particularité de cet État : il dispose d'un bloc très robuste d'électeurs indépendants, peu adeptes de la mouvance MAGA (Make America Great Again, le cri de ralliement des trumpistes). Le profil plus modéré de Nikki Haley a donc su séduire cet électorat. Or il s'agit moins d'un bon augure pour la suite de la carrière politique de cette dernière que d'un avertissement pour Donald Trump. Car ce groupe d’électeurs reflète l'humeur des États indécis (Pennsylvanie, Géorgie, Arizona, etc.) qui joueront un rôle-clé lors de la présidentielle de novembre.

Désamour

Les chiffres rapportés par le New York Times sont éloquents. Dans le New Hampshire, 44 % des électeurs des primaires républicaines sont indépendants. Nikki Haley a empoché le vote de 58 % d'entre eux. Selon les sondages de sortie des urnes, quatre électeurs de Nikki Haley sur dix ont expliqué que leur vote était surtout motivé par leur hostilité envers Donald Trump. Plus de 90 % d'entre eux ont dit qu'ils seraient déçus s'il remportait la nomination du Parti républicain.

Que feront ces électeurs en novembre prochain ? Les équipes de campagne de Joe Biden et Donald Trump paieraient cher pour connaître la réponse. Dans le New Hampshire, quelque 40 % des électeurs de Nikki Haley ont déclaré qu’ils ne voteraient pas Trump, rapporte le New York Times. Dans l’Iowa, près de la moitié des partisans de Nikki Haley voteront pour Joe Biden, selon un sondage du journal local Des Moines Register. Des chiffres à prendre avec précaution, mais qui soulignent à quel point le désamour entre Donald Trump et les indépendants et les républicains modérés persiste. Or il est extrêmement difficile de gagner sans eux.

"Même s'il arrive à faire rentrer dans le rang 80 à 90 % (des votants), nos scrutins présidentiels ont été si serrés ces derniers temps que la moindre petite défection au sein de son parti pourrait être fatale", estime auprès de l’AFP le politiste Nicholas Creel, de la Georgia College and State University.

"On a un problème"

Même Ron DeSantis, qui soutient désormais Donald Trump après sa candidature ratée aux primaires, s'inquiète : "Quand des gens qui ont voté pour (l'ancien président Ronald) Reagan en 1976 viennent me voir - des gens qui ont été conservateurs toute leur vie - et disent qu'ils ne veulent pas revoter pour Donald Trump, alors on a un problème", a-t-il prévenu, mardi, lors d’une interview à un média conservateur. L’un des arguments clés de la campagne de Nikki Haley est justement de dire que la candidature de Donald Trump est synonyme de défaite pour le parti.

En 2020, Joe Biden avait réussi à rallier à la fois la gauche progressiste et une partie des électeurs indépendants rebutés par le populisme de Donald Trump. Les bons résultats démocrates aux élections de mi-mandat de 2022 sont aussi en partie imputables au vote des indépendants et de certains républicains modérés, effarés par l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021 et par la fin du droit fédéral à avorter. Or les thèmes de l’avortement et de la démocratie seront, une fois de plus, au cœur de la campagne du démocrate.

Pour le moment, Donald Trump enchaîne les victoires dans son camp et ne semble guère inquiet pour la suite. Certains sondages le donnent d'ailleurs gagnant face à Joe Biden : l’heure est donc plutôt à l’auto-célébration qu’à l’introspection. Mardi soir, lors de son discours après la primaire du New Hampshire, il a répété que l’élection de 2020 avait été truquée en sa défaveur. Il a même dit, à la surprise générale, qu’il avait gagné le New Hampshire cette année-là, alors que c’est Joe Biden qui a remporté cet État. Des remarques qui ne risquent pas de faire revenir ceux qui ont dit adieu au Parti républicain à cause de lui.