Onze nouveaux otages bi-nationaux libérés par le Hamas, lundi 27 novembre, dont trois Français, deux Allemands et six Argentins. Un chiffre qui porte le nombre total d’otages libérés à 69 depuis le début de la trêve, le 24 novembre. Dans le même temps, Israël a libéré 150 prisonniers palestiniens, dont trois femmes et 30 mineurs lundi soir.
En mettant de côté les 19 libérations d’otages négociées en-dehors de l’accord avec Israël – un Russo-Israélien, dix-sept Thaïlandais, un Philippin –, le Hamas n’a libéré jusqu’à présent que des femmes, des enfants et des personnes âgées.
"Ce n’est pas étonnant, car il ne faut pas oublier que ce sont les personnes les plus compliquées à garder en termes de logistique, analyse Wassim Nasr, spécialiste des questions de terrorisme à France 24. En les libérant, le Hamas se libère en fait d’une charge, car s’occuper de jeunes enfants ou de personnes âgées qu’il faut déplacer régulièrement représente tout de même des difficultés."
"Le Hamas est un mouvement cynique, donc il a bien entendu choisi sa liste de manière à optimiser l’effet médiatique à son avantage", ajoute Yonathan Arfi, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), interrogé le 24 novembre par Europe 1. "Bien entendu il a choisi des enfants pour se donner un visage honorable et charitable d’une certaine manière, mais ne soyons pas dupes, cette émotion qui nous traverse tous à ce moment-là participe de la stratégie de communication du Hamas."
"Des otages dont la valeur est moindre"
Par ailleurs, les quelque 240 otages enlevés par le Hamas lors de son attaque du 7 octobre qui a fait 1 200 morts en Israël ont chacun une valeur marchande. Or, tous les otages ne se valent pas lors de ce type de négociation.
"Le Hamas libère pour le moment des otages dont la valeur est moindre, souligne Wassim Nasr. Pour preuve, on est pour l’instant sur un ratio de un otage pour trois prisonniers palestiniens libérés par Israël, alors que le dernier ratio, au moment de la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit, était de un otage pour plus de 1 000 détenus palestiniens libérés. Le Hamas sait qu’il détient beaucoup d’autres otages qu’il pourra monnayer autrement, en particulier les militaires, gradés voire hauts gradés, de l’armée israélienne."
Côté israélien, conformément à l’accord conclu avec le Hamas, les 150 prisonniers libérés ne sont que des femmes et jeunes de moins de 19 ans, accusés ou condamnés pour avoir attaqué des Israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem, mais sans les avoir tués.
"On voit que pour les deux parties aujourd’hui, les personnes qui sont libérées des deux côtés sont celles pour qui 'cela va de soi', pour qui c’est simple, souligne Wassim Nasr. On n’est pas encore entré dans le dur des négociations. Car quand Israël commencera à envisager la libération de personnages qui ont beaucoup plus de valeur pour le Hamas, ce sera beaucoup plus dur à justifier vis-à-vis de l’opinion publique israélienne et de l’armée israélienne elle-même."
"Le Hamas gagne en popularité en Cisjordanie"
Car l’homme derrière l’attaque du 7 octobre et qui dirige le Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinouar, faisait justement partie des 1 027 prisonniers libérés en 2011 en échange de Gilad Shalit. Et si le Hamas a pu obtenir autant de libérations il y a 12 ans contre un seul soldat, il est facile d’imaginer qu’ils voudront en demander au moins autant pour chaque soldat qu’ils détiennent aujourd’hui. "On n’est qu’au début du processus", convient Wassim Nasr, alors qu’il y a plus de 7 000 Palestiniens emprisonnés en Israël.
En attendant, les libérations obtenues depuis quatre jours permettent au Hamas, sur fond de marasme politique, de développement de la colonisation en Cisjordanie, de raids israéliens sur Gaza et de normalisation des relations entre pays arabes et Israël, de marquer des points.
"Même s’il n’y a pas eu pour le moment de prisonniers importants libérés par Israël, ceux-ci représentent une valeur ajoutée pour le Hamas dans le cadre de sa compétition avec le Fatah, souligne Wassim Nasr. Après avoir chassé son rival de toujours de Gaza en 2007, le Hamas gagne désormais en popularité en Cisjordanie."
Un récent sondage relayé par le quotidien israélien Ha'Aretz, réalisé du 21 octobre au 7 novembre par le Groupe de recherche et de développement du monde arabe (Awrad) en Cisjordanie et dans trois villes du sud de la bande de Gaza, montre ainsi que près de 59,3 % des personnes interrogées soutiennent "pleinement l’opération militaire menée par la résistance palestinienne dirigée par Hamas le 7 octobre".
"Les prisonniers, c'est ce qui rassemble les Palestiniens depuis toujours", résume à l'AFP Qaddoura Farès, patron de la Commission des prisonniers de l'Autorité palestinienne. Pourtant bien silencieuse sur le sujet, celle-ci apparaît comme la grande perdante, à l'image de son président Mahmoud Abbas, absent des célébrations en Cisjordanie pour fêter le retour des prisonniers libérés.