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Près de 36 millions d'Argentins étaient appelés aux urnes dimanche pour la présidentielle. Le ministre de l'Économie Sergio Massa fait face au candidat "anarcho-capitaliste" et climatosceptique Javier Milei. Un scrutin qui se déroule sur fond d'aggravation de la crise économique avec une hyperinflation et une hausse de la pauvreté.

En Argentine, le suspense est à son comble après la fermeture des bureaux de vote. Le décompte des votes de l'élection présidentielle a débuté, dimanche 19 novembre, dans une ambiance fébrile pour ce second tour qui oppose le centriste Sergio Massa à l'ultralibéral "antisystème" Javier Milei. Les premiers résultats officiels sont attendus dans la nuit de dimanche à lundi, mais une image claire pourrait tarder à émerger en cas d'écart infime.

Une inflation chronique à trois chiffres (143 % sur un an), une pauvreté à 40 % de la population malgré un dense filet social, un endettement pathologique et une monnaie qui dévisse dressent le paysage du second tour. Qu'en dépit d'un très léger avantage à Javier Milei, les analystes prédisent "au vote près".

Pour la troisième économie d'Amérique latine, difficile de trouver plus antagoniques projets d'avenir.

D'un côté, Sergio Massa, 51 ans, politicien accompli, ministre de l'Économie depuis 16 mois d'un exécutif péroniste (centre gauche) dont il s'est distancié. Le candidat promet un "gouvernement d'unité nationale" et un redressement économique graduel, préservant l'État providence, central dans la culture argentine.

Face à lui, Javier Milei, 53 ans, économiste "anarcho-capitaliste" comme il se décrit, polémiste des plateaux de télévision surgi en politique il y a deux ans. Dégagiste contre la "caste parasite", il est résolu à "tronçonner" l'"État ennemi" et à dollariser l'économie. Pour lui, le changement climatique est un "cycle", non la responsabilité de l'humain.

Des Argentins "au bord de la crise de nerfs"

Au milieu, les Argentins sont passés "de crise en crise", et il sont "au bord de la crise de nerfs", résume Ana Iparraguirre, analyste au cabinet d'opinions GBAO Strategies.

Éreintés par des prix qui grimpent de mois en mois, voire de semaine en semaine, quand les salaires décrochent, dont le salaire minimum à 146 000 pesos (400 dollars). Les loyers sont hors d'atteinte pour beaucoup et des mères de famille recourent au troc, comme après la crise économique traumatique de 2001. Quelque 68 % des jeunes de 18 à 29 ans émigreraient s'ils le pouvaient, selon une étude de l'Université de Buenos Aires publiée en début d'année.

Pour départager Sergio Massa (37 % au premier tour) et Javier Milei (30 %), les indécis, environ 10 % selon les estimations, détiennent la clef.

Javier Milei a aimanté au premier tour un vote "bronca" (de colère), mais sa rhétorique, sa volonté d'assécher la dépense publique dans un pays où 51 % des Argentins reçoivent une aide sociale, ou son projet de "déréglementer le marché des armes à feu", ont aussi effrayé. Le candidat "antisystème" a par ailleurs modulé son discours entre les deux tours avec moins d'apparitions, et des prises de parole moins tranchées.

"Ce qui joue désormais est moins l'adhésion que le rejet"

Dès lors, "ce qui joue désormais est moins l'adhésion que le rejet" de l'autre, estime Gabriel Vommaro, politologue de l'Université San Martin.

Seule certitude : quel que soit le vainqueur, il y aura "des décisions économiques rapides qui vont faire mal", affirme Ana Iparraguirre.

Le pays est sous la pression des objectifs de rééquilibrage budgétaire du Fonds monétaire international (FMI), auquel l'Argentine rembourse péniblement un prêt colossal de 44 milliards de dollars octroyé en 2018.

Ajoutant à la nervosité ambiante, le camp de Javier Milei a distillé ces dernières semaines des insinuations de fraude, sans pour autant qu'une plainte soit déposée. Cinq personnes ont été arrêtées vendredi et samedi pour avoir proféré des menaces contre Sergio Massa ou sa famille sur les réseaux sociaux.

Les premiers résultats du vote devraient être connus vers 21 h (0 h GMT). Le futur président sera investi le 10 décembre.

Avec AFP