Alors que les pays médiateurs poursuivent au Caire leurs négociations en vue d'une trêve entre Israël et le Hamas, l'armée israélienne a lancé jeudi 15 février un assaut sur l'hôpital Nasser de Khan Younès. Voici ce que l'on sait sur l'opération en cours dans le plus grand établissement du sud de la bande de Gaza.
Pourquoi l'armée est-elle entrée dans l'hôpital Nasser ?
L'assaut lancé par l'armée israélienne est le point culminant d'une opération militaire en cours depuis trois semaines. Les combats se sont progressivement rapprochés de l'hôpital Nasser jusqu'à la semaine dernière.
Avant jeudi, les troupes israéliennes, les chars et les tireurs d'élite ont encerclé l'hôpital Nasser. Au moins 23 Palestiniens auraient étés tués pendant ce laps de temps par des tirs de snipers près ou dans l'enceinte de l'hôpital, selon le bureau humanitaire des Nations unies (Ocha) – qui s'appuie sur des chiffres du ministère de la Santé du Hamas.
Le 13 février, l'armée a ordonné l'évacuation de l'établissement avant d'y pénétrer deux jours plus tard. Elle a annoncé mener une "opération ciblée et limitée" dans cet hôpital, après avoir reçu des "renseignements crédibles" indiquant que le Hamas y avait retenu des otages "et qu'il y aurait peut-être des corps d'otages" sur place.
Une otage israélienne libérée a déclaré en janvier à l'agence de presse AP qu'elle et plus de deux douzaines d'autres captifs avaient été détenus à l'hôpital Nasser. Selon Israël, 130 otages sont encore détenus à Gaza, dont 30 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées sur son territoire le 7 octobre.
L'armée israélienne n’a "pas encore trouvé de preuves" confirmant la présence d’otage dans le complexe hospitalier, mais affirme y avoir saisi "des armes, des grenades et des obus de mortier". Vendredi, elle a indiqué avoir par ailleurs arrêté "plus de 20 terroristes qui ont participé" aux attaques du Hamas en Israël le 7 octobre, parmi des "dizaines de suspects" interpellés dans l'enceinte de l'hôpital Nasser.
Pour sa part, le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole en chef de l'armée, a déclaré jeudi soir que des troupes avaient trouvé sur place des grenades et des obus de mortier, et que les radars israéliens avaient déterminé que des militants avaient tiré des mortiers depuis le terrain de l'hôpital il y a un mois. Des affirmations qui n'ont pas pu être confirmées de manière indépendante.
Un membre du bureau politique du Hamas, Izzat al-Rishq, a qualifié vendredi de "mensonge" les accusations israéliennes selon lesquelles l'hôpital Nasser, comme d'autres dans le territoire, serait utilisé comme une base par le Hamas.
Plusieurs patients morts, des centaines encore sur place
Des milliers de personnes – dont des patients – qui avaient trouvé refuge au sein de l'établissement hospitalier ont dû l'évacuer, selon le ministère de la Santé du Hamas. Le porte-parole de l'armée israélienne, Daniel Hagari, a démenti jeudi vouloir faire évacuer l'établissement. "Nous avons insisté sur le fait que les patients et le personnel n'étaient pas obligés d'évacuer l'hôpital", a-t-il dit en référence à des discussions récentes avec les responsables médicaux.
"Mon mari et mon fils Mohammad sont partis mercredi avec des milliers de personnes mais je ne sais pas ce qu'ils sont devenus", a raconté à l'AFP une déplacée à l'hôpital Nasser, Jamila Zidane. "Nous avons peur", a confié cette femme de 43 ans restée dans l'hôpital avec ses six filles.
Plusieurs centaines de personnes sont encore présentes à l'intérieur dans des conditions difficiles, selon le ministère de la Santé du Hamas. L'encerclement de l'établissement a eu des conséquences sur les patients et le personnel hospitalier : une personne évacuée vers Rafah a témoigné auprès d'AP que les jours de siège ont laissé l'établissement sans eau ni nourriture. "Il y a des ordures partout. Les eaux usées ont inondé le service des urgences", a ajouté Raed Abed.
L'assaut de l'armée israélienne semble aussi avoir compliqué la tâche des médecins sur place. Au cours de leurs recherches, les troupes ont ordonné aux 460 membres du personnel, aux patients et à leurs proches de s'installer dans un bâtiment plus ancien qui n'est pas équipé pour traiter les patients, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Ce qui a eu des conséquences mortelles, selon la même source, qui a annoncé vendredi que cinq patients étaient morts après des coupures d'électricité ayant provoqué l'arrêt de la distribution d'oxygène dans l'hôpital. Le ministère a ajouté craindre pour la vie de neuf autres patients dans le service de soins intensifs et dans la pouponnière, et tenir "les forces israéliennes pour responsables de la vie des patients et des équipes" sur place.
"Situation chaotique" et des entraves constatées par l'OMS et MSF
Sur les réseaux sociaux, un médecin et une ONG décrivent une situation intenable dans l'hôpital. Plusieurs vidéos montrent des conditions difficiles, notamment lors de son évacuation.
Le docteur Mohammed Harara a notamment filmé des couloirs de l'hôpital saturés de poussière et de débris après une explosion, vidéo dans laquelle on peut aussi entendre des tirs d'armes en fond. Le Monde fait aussi le récit d'une autre vidéo tournée par le journaliste palestinien Mohammed Salama "montrant des patients évacués dans le chaos, après une frappe sur le service d’orthopédie, qui a tué un malade".
Des témoignages qui rejoignent ceux d'ONG présentes sur place, comme Médecins sans frontières (MSF), qui a fait état jeudi sur X d'une "situation chaotique" : "Après les bombardements de ce matin, notre personnel a fait état d'une situation chaotique, avec un nombre indéterminé de morts et de blessés."
Following shelling this morning, our staff reported a chaotic situation, with an undetermined number of people killed and injured.
Since the attack, one of our colleagues remains unaccounted for...
Dans un autre message, l'ONG a expliqué qu'une partie de son personnel médical "avait dû fuir l'hôpital, laissant les patients derrière lui". Elle a par ailleurs affirmé qu'une de ses équipes continuait à travailler dans l'hôpital Nasser "dans des conditions quasi impossibles".
Par ailleurs, le directeur général de l’OMS a rapporté mercredi que deux missions de l'organisation onusienne avaient été interdites d'accès à l'hôpital. "Nasser est la colonne vertébrale du système de santé dans le sud de Gaza. Il doit être protégé. L’accès humanitaire doit être autorisé", a écrit sur X Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Civilians killed, orders to evacuate people seeking shelter, the northern wall demolished: I am alarmed by what is reportedly happening at Nasser Medical Complex in #Gaza after being under siege for around a week.
Hostilities have reportedly destroyed storage facilities for…
Les civils qui ont fui l'assaut depuis jeudi ont dû passer par un point de contrôle mis en place par les forces israéliennes pour filtrer les personnes quittant l'hôpital Nasser. Plusieurs personnes ont été arrêtées, dont un collaborateur de MSF, a rapporté l'ONG.
Jeudi, le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a dénoncé sur X la "tendance des forces israéliennes à attaquer des infrastructures essentielles pour sauver des vies à Gaza, notamment des hôpitaux". Et l'agence onusienne d'ajouter : "Ces attaques sont interdites par le droit international humanitaire."
Avec AFP et AP
Le ministère recueille les informations fournies par les hôpitaux de l'enclave et par le Croissant-Rouge palestinien.
Le ministère de la Santé à Gaza n'indique pas comment les Palestiniens ont été tués, que ce soit par des frappes aériennes et/ou des tirs de barrage israéliens ou des tirs de roquettes palestiniens ratés. Il décrit toutes les victimes comme des victimes de "l'agression israélienne" et ne fait pas non plus de distinction entre les civils et les combattants.
Au cours des quatre guerres et des nombreux accrochages entre Israël et le Hamas, les agences des Nations Unies ont régulièrement cité les chiffres du ministère de la Santé dans leurs rapports. Le Comité international de la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge palestinien utilisent également ces chiffres.
Au lendemain des précédents épisodes de guerre, l'Office humanitaire des Nations Unies a publié des chiffres des victimes sur la base de ses propres recherches dans les dossiers médicaux. Les chiffres de l'ONU concordent largement avec ceux du ministère de la Santé de Gaza, à quelques différences près.
Pour en savoir plus sur les bilans du ministère de la Santé de Gaza, cliquez ici ou ici.
France 24 avec AP