En Équateur, il est l'ennemi public numéro un. Fine barbe, bouche serrée et regard noir : voici le portrait qui apparait sur l'avis de recherche d'Adolfo Macias, alias "Fito", devenu le criminel le plus recherché du pays depuis son évasion dimanche 7 janvier de la prison d'où il commandait l'un des principaux gangs criminels du pays.
Les autorités n'ont pas encore établi le montant qui sera versé à ceux qui fourniront des informations sur le chef de Los Choneros, gang de narcotrafiquants apparu dans les années 1990 dans la province côtière de Manabi (sud-ouest), stratégique pour l'exportation de la cocaïne vers les États-Unis et l'Europe.
Le narco de 44 ans, également photographié avec des cheveux hirsutes et une barbe proéminente lors d'un récent transfert de prison, purgeait depuis 2011 une peine de 34 ans de privation de liberté pour crime organisé, trafic de drogue et meurtre.
Mais dimanche, à la veille d'une opération de police dont il a visiblement été préalablement informé, il s'est volatilisé de la prison de haute sécurité de Guayaquil (sud).
Le parquet a ouvert une enquête contre deux fonctionnaires pénitentiaires "qui auraient participé à l'évasion" de "Fito", qui s'était déjà évadé en 2013 d'une prison de haute sécurité avant d'être capturé à nouveau trois mois plus tard.
Un chef de gang diplômé en droit
On sait peu de choses sur l'actuel chef de Los Choneros, si ce n'est son humble passé de chauffeur de taxi et une capacité de nuisance qui a poussé le gouvernement équatorien à le décrire comme un "criminel aux caractéristiques extrêmement dangereuses".
Dans le quartier du centre pénitentiaire de Guayaquil, où les peintures murales à sa gloire côtoient des dessins d'armes, de dollars et de lions, c'était aussi lui le chef. Des vidéos le montrent en train de faire la fête à l'intérieur de la prison avec des musiciens et des engins pyrotechniques.
Derrière les hauts murs où l'administration pénitentiaire ne fait pas toujours la loi, il a même enregistré un clip vidéo sur un "narcorroccido" (chanson populaire en l'honneur des narcotrafiquants) à sa gloire : "El corrido del Leon".
Il y apparaît coiffé d'un large chapeau, saluant et riant avec quatre détenus dans la cour de la prison, caressant un coq de combat, le tout sur un air chanté par sa fille, connue sous le nom de "Queen Michelle".
"Fito" exerçait "un contrôle interne important sur la prison", a souligné la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) dans un rapport en 2022. Elle a observé qu'Adolfo Macias, ainsi que Junior Roldan – un autre dirigeant de Los Choneros, tué l'année dernière en Colombie –, bénéficiaient en prison d'un "traitement différencié et préférentiel de la part des autorités". Réputé très charismatique, "Fito" a suivi derrière les barreaux des études de droit jusqu'à obtenir son diplôme d'avocat.
Luttes intestines du narcotrafic
Le nom de "Fito" a fait ces derniers mois la une de la presse après l'assassinat début août de l'un des principaux candidats à l'élection présidentielle. Fernando Villavicencio, ancien journaliste et parlementaire abattu par un tueur à gages colombien, avait fait état peu avant son exécution de menaces de mort de la part du chef des Choneros.
Le caïd a fait sien l'adage : "Le roi est mort, vive le roi". Son ascension à la tête du gang, composé de quelque 8 000 membres selon les experts, est due aux décès successifs des chefs précédents. Elle s'est accompagnée de la fragmentation du gang qui, jusqu'à récemment, était composé d'une myriade de petits gangs réunis.
Les récents changements à la tête de Los Choneros "ont entraîné des luttes intestines au sein du groupe et de ses sous-groupes", selon le centre de recherches Insight Crime. Les Tiguerones et les Chone Killers se sont ainsi désolidarisés et sont devenus de puissants rivaux.
Connections en Colombie, Mexique et Europe du Sud
Insight crime affirme même que Los Choneros "ont progressivement perdu le pouvoir au profit d'une alliance menée par Los Lobos", dont le chef à Quito, Fabricio Colon Pico, s'est également échappé mardi d'une prison de la province de Chimborazo (centre) où il avait été transféré en raison d'accusations de complot visant à assassiner un procureur.
Los Choneros ont établi des liens avec les puissantes organisations criminelles colombiennes (Clan del Golfo) et mexicaines (Cartel de Sinaloa) et des réseaux des Balkans, selon l'Observatoire équatorien du crime organisé.
Mais sur les réseaux sociaux, Los Choneros se présentent comme des bienfaiteurs, des sortes de Robin des Bois, avec des clips vidéo vantant le trafic de drogue.
En ligne, ils menacent les journalistes et, sur des rythmes de musique urbaine, lancent des avertissements aux autres gangs rivaux. "Choneros, nous sommes des lions. Avec l'oncle Fito contrôlant le quartier, nous sommes les patrons", dit l'une des nombreuses chansons sur leur chaîne YouTube JF Music Entertainment.
Avec AFP