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Dans une cour de récréation à Londres, des fillettes s'entendent dire qu'elles sont des "juives puantes" et qu'elles doivent rester à l'écart du toboggan. En Allemagne, une synagogue située au cœur de Berlin est visée par des cocktails Molotov. Depuis l'attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre et le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, les actes antisémites se multiplient en Europe. Des étoiles de David sont dessinées au pochoir sur les façades d'immeubles parisiens.
Croix gammées, injures, agressions…
Mardi 1er novembre, le parquet de Paris a ouvert une enquête après la découverte de plusieurs dizaines d'étoiles de David, symbole de la religion juive, taguées en bleu sur la façade de bâtiments de la capitale. Des tags similaires sont aussi apparus dans plusieurs villes franciliennes, à Vanves et Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), ainsi qu'à Aubervilliers et Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), parfois accompagnés d'inscriptions comme "De la mer au Jourdain, Palestine vaincra". En dehors de la capitale, des croix gammées, des injures contres les juifs et l'État d'Israël ont été taguées au Petit-Quevilly, en Normandie, à Grenoble, Nice ou encore Libourne, en Gironde.
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Des étoiles de David ont aussi été dessinées sur des maisons habitées par des personnes de confession juive en Allemagne, alertait la police de Berlin dans un communiqué le 14 octobre. Depuis, d’autres tags antisémites ont été relevés par la police berlinoise, notamment sur les vestiges du mur de Berlin. Au-delà des menaces, des cocktails Molotov ont été lancés contre une synagogue de la capitale, sans faire de blessés. La plus grande synagogue de Madrid a quant à elle été profanée par un tag "Palestine libre" à côté d'une étoile juive barrée.
As part of an intimidation campaign, some people in Berlin have started marking the buildings where Jews live pic.twitter.com/DapVPnIJ6v
— Visegrád 24 (@visegrad24) October 14, 2023En France, qui compte la plus grande communauté juive d'Europe, 819 actes antisémites ont ainsi été enregistrés depuis le 7 octobre, donnant lieu à 425 interpellations, selon le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Un chiffre qui équivaut à "une ou deux années d'actes antisémites", selon le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.
Au Royaume-Uni, le Community Security Trust (CST), une organisation caritative dont le but est d’assurer la sécurité de la communauté juive, a, de son côté, dénombré au moins 893 incidents antisémites entre le 7 et le 31 octobre - contre 126 à la même période en 2022. "Du jamais-vu depuis 1984", estime-t-il. Quant à l’Allemagne, ce ne sont pas moins de 1 800 actes antisémites qui ont été recensés, souligne Der Spiegel.
"Les choses n'ont jamais été aussi graves de mon vivant"
Face à cette vague d'antisémitisme, plusieurs membres de la communauté juive témoignent de leur inquiétude. "Je parle souvent en hébreu au téléphone, j'écoute de la musique hébraïque, mon téléphone est en hébreu. J'ai peur que quelqu'un s'en rende compte à un moment où je ne fais pas attention et que je sois victime d'une agression verbale ou physique", s'inquiète Samuel*, un illustrateur de 36 ans qui vit à Paris. "Je suis conscient qu'il y a un danger plus grand qu'avant et je ne suis pas à l'aise."
À lire (en anglais) France's Jewish community faces a surge in anti-Semitism
"Les gens sont démoralisés, ils ont peur de sortir faire leurs courses", abonde à l'AFP Jacques Isaac Azeroual, propriétaire d'une boucherie casher dans le 19e arrondissement de Paris. Si lui porte la kippa dans sa boutique, il admet préférer désormais sortir "avec une casquette".
En France, la communauté juive reste traumatisée par les attentats de 2015 à Paris, qui avaient fait quatre morts au supermarché Hyper Cacher, et de 2012 dans une école juive de Toulouse.
"C'est la période la plus effrayante pour un juif depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous avons déjà eu des problèmes, mais les choses n'ont jamais été aussi graves de mon vivant", ajoute depuis le Royaume-Uni Anthony Adler, 62 ans. "Wir Haben Angst" (Nous avons peur), titrait ainsi mi-octobre le journal allemand Der Spiegel avec les photos de quatre juifs allemands, dont un survivant de l'Holocauste âgé de 90 ans qui déplore : "Nous, les juifs, sommes une fois de plus des cibles faciles".
Ce n'est en effet pas la première fois que le conflit israélo-palestinien entraîne des tensions en Europe. Cela "avait déjà été perceptible en 2012 [lors d'une précédente période de confrontations entre le Hamas et Israël dans la bande de Gaza]", analyse auprès l'AFP Yonathan Arfi. Le président du Crif estime, par ailleurs, que "ce n'est pas l'indignation par rapport aux images de Gaza qui a servi de déclencheur" aux actes antisémites, ceux-ci ayant commencé "avant la riposte israélienne". Le phénomène a cependant été exacerbé "par une identification à la cause palestinienne", souligne-t-il.
En d'autres termes, devant les images des bombardements israéliens dans la bande de Gaza et la crise humanitaire qui en découle, la frontière entre l'antisionisme - l'opposition à l'État d'Israël - et l'antisémitisme - la haine des juifs - semblent venir se troubler.
"Toute une génération a grandi avec la haine d'Israël et des juifs", abonde sur l'antenne de France 24 Levi Salomon, porte-parole du Forum juif pour la démocratie et contre l'antisémitisme. "Ce que l'on voit aujourd'hui dans les rues de Berlin ne date pas d'hier, mais personne ne voulait y prêter attention auparavant."
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"Tolérance zéro" contre l'antisémitisme
Pour tenter de rassurer, les gouvernements multiplient les prises de parole et les mesures de protection. "Personne ne touchera à un cheveu d’un juif de France sans attendre la réponse foudroyante de l’État", a ainsi déclaré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. En parallèle, les préfets français ont reçu l’ordre de renforcer la sécurité des synagogues, des écoles et des lieux communautaires juifs. En outre, après l’attaque terroriste d’Arras, le 13 octobre, le pays est passé au niveau "urgence attentat", le plus élevé du plan Vigipirate.
De son côté, le gouvernement britannique a annoncé, dès le 12 octobre, renforcer ses mesures de sécurité et débloquer 3 millions de livres (3,45 millions d'euros) pour appuyer le travail du Community Security Trust. Cet argent doit permettre notamment d'accroître la surveillance des écoles juives et des synagogues. Mêmes procédures en Espagne et en Allemagne où le chancelier, Olaf Scholz, a promis une "tolérance zéro" contre l'antisémitisme.
"Depuis le 7 octobre, il n'y a plus de vie juive en Allemagne. Tous nos événements ont été annulés à Berlin par mesure de sécurité", déplore cependant Konstantin Ganz, président du Forum des jeunes de la société germano-israélienne. "Il est devenu impossible de montrer qu'on est juifs. C'est insoutenable qu'en 2023, nous soyons encore obligés de discuter de la sécurité des communautés juives."
Avec AFP