logo

Favorite, la France vient pourtant de se faire souffler un juteux contrat nucléaire à Abou Dhabi, aux profit de la Corée du Sud. Prix élevé de l'EPR, dissensions au sein du consortium : les faiblesses françaises ont pesé lourd dans cet échec...

Championne du monde du nucléaire civil, la France vient de perdre un énorme contrat à Abou Dhabi, le 27 décembre. L'émirat, qui souhaite faire construire quatre centrales nucléaires sur son territoire, a préféré le projet de 20,4 milliards de dollars (14,11 milliards d’euros) que lui proposait l’électricien public sud-coréen Kepco.

La France était pourtant considérée comme la grande favorite pour décrocher ce marché lorsque l'appel d'offre a été lancé, en janvier 2008. Depuis longtemps en effet, Paris et Abou Dhabi entretiennent de bonnes relations culturelles et commerciales. En outre, le président français Nicolas Sarkozy n’a pas ménagé sa peine pour tenter de signer le contrat. Accompagné d’une importante délégation d'industriels, il s’était notamment fendu d’un voyage dans le Golfe en janvier 2008, à l'occasion duquel la signature d'un accord de coopération pour le développement de l’usage civil de l’énergie nucléaire entre les deux pays avait été annoncée. En vain...

Trop cher pour Abou Dhabi ? 

La technologie proposée par les Français aux Émiratis était celle des réacteurs de troisième génération de type EPR, le must de l’énergie nucléaire qui revendique les standards de sécurité les plus élevés du monde. Une prouesse qui n’a toutefois pas suffi à convaincre Abou Dhabi...

Outre les inquiétants retards qu'enregistrent les chantiers de l’EPR en Finlande et à Flamanville et la dérive budgétaire qui les caractérise, cette technologie possède un autre point faible : son prix. Chaque réacteur EPR coûte 8 milliards de dollars, contre 5 milliards pour l'AP1000 coréen. Certes, ce dernier ne peut résister à une attaque aérienne, mais, dans le contexte économique actuel, Abou Dhabi a fait le choix de l’économie. Le plus riche des sept Émirats arabes unis vient en effet de débloquer 10 milliards de dollars pour secourir Dubaï, son voisin, touché de plein fouet par une crise des investissements...

Or, si les prix proposés par les différents concurrents en lice - parmi lesquels General Electric-Hitachi - ne sont pas connus, le projet français aurait été 30 % plus cher que le projet sud coréen, selon le quotidien économique français "Les Échos".

Relations tendues au sein du consortium

Les relations tendues qui prévalaient au sein du consortium français composé de Areva, GDF-Suez, Total, Vinci, Alstom et, plus tardivement, EDF, n’ont pas joué en sa faveur non plus. "L’ambiance au sein de l’équipe de France du nucléaire est à peu près aussi bonne que celle qui prévaut dans l’équipe [de France de football] de Raymond Domenech", commentait Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, en novembre dernier, à l’issue d’une réunion sur ce dossier.

Et, dans le Golfe, la mésentente française n’est pas passée inaperçue... À tous les niveaux, des dissensions sont apparues : Total, bien implanté dans le secteur, et Areva n'ont cessé de s’écharper sur la stratégie à adopter dans la région ; EDF et Areva ne sont jamais parvenues à s’accorder sur la composition de l’équipe de France du nucléaire ; enfin, cerise sur le gâteau, le PDG de GDF-Suez, Gérard Mestrallet et le tout nouveau patron d’EDF, Henri Proglio, ne peuvent pas se voir en peinture...

Retraitement des déchets radioactifs

Le manque de cohésion présenté par la candidature française a sans doute sauté aux yeux des Émiratis, comparé à l’organisation sud-coréenne. Ainsi, Séoul n'a proposé qu'un seul et unique chef de file pour la construction et l’exploitation des quatre centrales - comme l’exigeait d'ailleurs l'Agence émiratie de l'énergie nucléaire Enec.

Le contrat qui vient de passer sous le nez des Français était le plus important de ces deux dernières années dans le secteur. La déception est donc grande à Paris, où l'on cherche à se rassurer en misant sur les besoins en électricité d'Abou Dhabi, qui devraient doubler d'ici à 2030. En outre, l’Émirat n’a pas encore décidé quelle sera sa politique de retraitement de déchets radioactifs. Un marché qui, évidemment, intéresse Areva...