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L'apaisement voulu par Emmanuel Macron mis à mal par la guerre d'usure de ses opposants

Si Emmanuel Macron est parvenu jeudi à éviter une nouvelle journée de huées, les opposants à la réforme des retraites ont entamé une guerre d’usure visant à perturber les déplacements du président et des membres du gouvernement.

Les images de la veille avaient frappé les esprits. Il y avait urgence à en produire de nouvelles et, surtout, de plus belles. Des images racontant une autre histoire que celle écrite en Alsace   : celle d’une France appréciant son président et favorable à la réforme des retraites ou, a minima, comprenant la nécessité de reculer l’âge légal de départ de 62 ans à 64 ans.

L’Élysée a donc fait le nécessaire, jeudi 20 avril, pour qu’Emmanuel Macron ne soit pas importuné. Les opposants à sa réforme des retraites qui l’attendaient de pied ferme à Ganges, dans l’Hérault, ont été tenus à l’écart des abords du collège Louise-Michel où se rendait le chef de l’État. Et pour être certain d’éviter tout fond sonore indésirable, le préfet du département avait pris un arrêté interdisant l’usage des "dispositifs sonores portatifs". Autrement dit   : pas de casseroles autorisées.

Cette séquence tournée par @PaulLarrouturou et@AdriianAko est surréaliste 😳🤨

On y voit des gendarmes confisquer des #casseroles à des femmes venues manifester à #Ganges pour la venue de #Macron.#ReformeDesRetaites #casserolades #MacronHérault pic.twitter.com/VhOFtelFmC

— Antoine Llorca (@antoinellorca) April 20, 2023

Emmanuel Macron a ainsi pu échanger en toute quiétude avec des collégiens ravis de le rencontrer. Et, plus tard dans la journée, le président de la République a marqué un arrêt non prévu sur le déroulé officiel de la journée à Pérols, petite ville d’un peu moins de 10   000 habitants située à proximité de l’aéroport de Montpellier.

À l’évidence, tout avait été soigneusement préparé. Alors que l’Hérault a placé Emmanuel Macron en troisième position, avec 22,28   % des voix, du premier tour de l’élection présidentielle 2022, les Péroliens l’ont porté à la première place en votant pour lui à 28,52   %. Le président de la République a pu déambuler dans la ville avant de s’installer en terrasse pour siroter une bière et manger quelques tapas, prenant des selfies avec enfants et adolescents, puis échangeant avec des habitants lui demandant de tenir bon.

Emmanuel Macron déambule dans les rues de Pérols, dans l'Hérault pic.twitter.com/4v0lQxS2V6

— BFMTV (@BFMTV) April 20, 2023

De quoi dépeindre pour les chaînes d’information en continu et les 20   h de TF1 et France   2 un tableau très éloigné des huées et des insultes de la veille. Permettront-elles pour autant de tourner la page de la séquence des retraites   ? Rien n’est moins sûr, tant ses opposants semblent déterminés à poursuivre des formes d’action s’apparentant à une guerre d’usure.

Car voilà l’enseignement principal des quelques jours ayant suivi l’allocution d’Emmanuel Macron   : alors qu’il souhaitait "100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service des Français", le chef de l’État voit ces derniers redoubler de colère et multiplier les actions coup de poing. Après les grandes journées de grèves et de manifestations à plusieurs millions de personnes, les syndicats sont désormais passés à une forme de harcèlement permanent avec des comités d’accueil visant à perturber les déplacements du président et des membres du gouvernement.

"S’il veut être à portée d’engueulades, il va être servi", affirmait mercredi Fabien Villedieu, délégué syndical Sud-Rail, sur BFMTV. "Quels que soient les déplacements qu’il fera, y compris ses ministres, il y aura du monde", promettait-il, annonçant "un effet d’entraînement" à travers le pays.

💬 "S'il veut être à portée d'engueulades, il va être servi"

➡ Fabien Villedieu, délégué syndical Sud Rail, réagit à la visite chahutée d'Emmanuel Macron à Sélestat, dans le Bas-Rhin pic.twitter.com/PB2HEA3z5G

— BFMTV (@BFMTV) April 19, 2023

Déplacements de ministres perturbés ou annulés

Promesse tenue. La liste des déplacements de ministres perturbés ne cesse de s’allonger. Jeudi matin, des militants CGT ont interpellé le ministre de l'Industrie Roland Lescure, en déplacement à Garges-les-Gonesse, dans le Val-d'Oise. La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra est, elle, passée par une autre entrée pour son déplacement consacré à l'inclusion dans le sport.

En déplacement à Agen mercredi soir, le ministre du Numérique Jean-Noël Barrot a été accueilli par des dizaines de personnes munies de casseroles et par une longue coupure de courant dans une brasserie où il devait animer une conférence.

Même concert de casseroles pour le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, mercredi dans la Sarthe, où une vingtaine de manifestants ont déployé une banderole "Le gouvernement s'obstine, nous aussi", a raconté le quotidien régional Ouest-France.

On en a peu parlé mais le ministre de l'écologie Christophe Béchu poursuivi aujourd'hui par le bruit des casseroles jusque dans une forêt en Sarthe, c'est tout de même dingue.

(🎥@arrgrrr) pic.twitter.com/pC0oyAR2JV

— Mickaël Correia (@MickaCorreia) April 19, 2023

Et lundi, c’est le ministre de la Santé François Braun qui subissait les huées de 150 manifestants à sa sortie de l’hôpital de Langon, en Gironde.

Pour éviter de subir le même sort, d’autres ministres préfèrent tout simplement annuler leur déplacement. Jeudi à Dijon, une conférence sur la fin de vie à laquelle devait participer la ministre déléguée aux Professions de santé, Agnès Firmin-Le Bodo, a été annulée.

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a lui reporté "de quelques semaines" son déplacement prévu jeudi au centre pénitentiaire de Valence. Son entourage explique toutefois que la décision a été prise en raison des "vacances judiciaires" et pas du tout en raison de la journée de protestation de la CGT-cheminots.

A Nantes, le discours de Sarah El-Haïry est annulé et la tournée du SNU plie bagage.
Quand ça ne veut pas…
🎥@MarionLpz #ReformeDesRetraites pic.twitter.com/z68kPI6d5k

— Marcel (@realmarcel1) April 19, 2023

La secrétaire d’État à la Jeunesse, Sarah El Haïri, a renoncé mercredi au déplacement consacré au Service national universel (SNU) qu’elle devait faire à Nantes. Un "village SNU" avait été installé pour l’occasion dans le centre-ville, tout était prêt, mais la présence de manifestants a dissuadé la secrétaire d’État de s’y rendre.

Même chose pour la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, qui a annulé sa venue, mardi, à l’Université Paris Saclay, où un comité d’accueil de la CGT l’attendait.

"On ne les lâche pas"

Les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant pour relayer les appels aux actions. Les mots d’ordre et autres hashtags s’y multiplient   : "C’est partout, tout le temps, jusqu’au bout", "Plus jamais tranquilles", "On ne les lâche pas", #MacronChallenge, #CasseroleChallenge ou encore #IntervillesMacron. L’association Attac, à l’origine de l’appel aux concerts de casseroles durant l’allocution présidentielle, a même mis en ligne une "carte des mobilisations" répertoriant l’ensemble des déplacements passés et à venir d’Emmanuel Macron et des membres du gouvernement.

#OnNeLesLachePas | Nous appelons à ne pas lâcher Macron et ses ministres et à rejoindre les comités de non-accueil partout en France.

Vous trouverez ici la carte illustrée des déplacements de E.Macron et ses ministres 👇https://t.co/PZ04IP96FZ

— Attac France (@attac_fr) April 20, 2023

À ces comités d’accueil s’ajoutent d’autres types d’action. Emmanuel Macron a ainsi expérimenté des coupures de courant dans l’entreprise visitée à Muttersholtz , à l’aéroport de Montpellier et dans le collège de Ganges, où il fut contraint de tenir sa réunion sur des chaises installées en urgence dans la cour de récréation de l’établissement.

Et déjà, lors de sa visite à Notre-Dame le 14 avril, la CGT était parvenue à mener des actions visibles malgré l’évacuation d’une partie de l’île de la Cité en faisant circuler des véhicules sur lesquels étaient accrochées des banderoles "Macron Démission" ou depuis un bateau-mouche navigant sur la Seine.

La CGT Paris accueille @EmmanuelMacron à Notre-Dame

Depuis trois mois, le @gouvernementFR s’entête contre la population à imposer sa #réforme des #retraites antisociale. 👇 pic.twitter.com/FfeEm9YAHJ

— UD CGT PARIS (@UdCgtParis) April 14, 2023

Combien de temps ces actions vont-elles durer et perturber l’action du gouvernement   ? La finale de la Coupe de France de football au Stade de France, le 29 avril, où le président de la République salue traditionnellement les joueurs des deux équipes, et la grande journée de mobilisation du 1er mai sont déjà dans toutes les têtes.

Si la détermination des opposants à la réforme des retraites l’emporte sur la résignation des Français espérée par l’Élysée, les 100 jours d’apaisement voulus par Emmanuel Macron risquent alors de se transformer en un long chemin de croix jusqu’au 14 juillet.