logo

L'ONU adopte une résolution marquant un pas de plus pour la justice climatique

L'Assemblée générale des Nations unies a voté mercredi une résolution demandant à la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction mondiale, de définir les obligations des États en matière de lutte contre le changement climatique. Un avis juridique, non contraignant, qui pourrait toutefois inciter les pays à prendre des mesures plus strictes et à clarifier le droit international.

Après des années de campagne du Vanuatu, en première ligne face aux dévastations du réchauffement climatique, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté mercredi 29 mars, sous les applaudissements, une résolution qualifiée d'"historique" par le secrétaire général des Nations unies. Elle vise à faire clarifier par la justice internationale les "obligations" des États dans la lutte contre le changement climatique.

Avec l'adoption par consensus de cette résolution cosponsorisée par plus de 130 États, la Cour internationale de justice (CIJ) devra répondre à la question des "obligations qui incombent aux États" dans la protection du système climatique, "pour les générations présentes et futures". "Un défi sans précédent de portée civilisationnelle", insiste le texte.

"Ensemble, vous écrivez l'Histoire", a lancé le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres à la tribune, estimant que même non contraignant, le futur avis de l'organe judiciaire des Nations unies pourrait aider les dirigeants de la planète à "prendre les mesures climatiques plus courageuses et plus fortes dont le monde a si désespérément besoin".

C'est "un message clair et fort non seulement à travers le monde mais aussi loin dans le futur, que en ce jour, les peuples des Nations unies (...) ont décidé de mettre leurs différences de côté et travailler ensemble pour s'attaquer au défi principal de notre époque, le changement climatique", a déclaré le Premier ministre du Vanuatu, Ishmael Kalsakau, dont l'archipel vient d'être ravagé par deux puissants cyclones en quelques jours.

Un "guide" pour les tribunaux nationaux saisis de recours contre les États

Le gouvernement vanuatais a lancé cette "initiative historique" en 2021, après une campagne initiée par des étudiants d'une université des Fidji deux ans plus tôt.

Il y a une semaine, les experts climat de l'ONU (Giec) ont encore averti que le réchauffement devrait atteindre dès 2030-2035 le seuil de +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris. Un rappel brutal de l'urgence à agir radicalement durant cette décennie pour assurer un "futur vivable" à l'humanité.

"Décrire (la résolution) comme l'avancée la plus importante au niveau mondial depuis l'accord de Paris (non contraignant également) semble exact", a commenté auprès de l'AFP Shaina Sadai, du groupe de réflexion Union for concerned Scientists. L'experte a décrit cette résolution comme un "pas incroyablement important", notamment comme "guide" pour les tribunaux nationaux à travers le monde de plus en plus saisis de recours contre les États.

Hasard du calendrier, cette résolution est adoptée au moment où la Cour européenne des droits de l'Homme tient une audience sur un premier recours climatique contre des États, en l'occurrence la France et la Suisse. 

Même si les avis de la CIJ, organe judiciaire de l'ONU, ne sont pas contraignants, ils portent un poids légal et moral important, souvent pris en compte par les tribunaux nationaux.

Un avis rendu dans environ deux ans

Le Vanuatu et ses soutiens espèrent donc que le futur avis, attendu d'ici environ deux ans, encouragera les gouvernements à accélérer leur action, par eux-mêmes ou via les recours en justice contre les États. Cet enthousiasme ne fait toutefois pas l'unanimité.

"Je ne vois pas ce que la Cour pourrait dire d'utile. Par contre, je vois des scénarios où cette requête serait contre-productive", a déclaré à l'AFP Benoît Mayer, spécialiste de droit international à l'Université chinoise de Hong Kong. Il évoque même un risque de "scénario catastrophe", avec un avis de la CIJ "clair et précis mais contraire à ce que désiraient les tenants de la requête".

Avec AFP et Reuters