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Réforme des retraites : à Paris, des manifestants décidés à "mettre la France à l'arrêt"

De notre envoyé spécial dans le cortège parisien – Des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes ont une nouvelle fois manifesté mardi à Paris à l'appel des syndicats contre la réforme des retraites. Face à un gouvernement qu'il considère comme "sourd" aux revendications de la rue, ils sont nombreux à soutenir les grèves reconductibles mais aussi le blocage du pays. 

Des manifestants prêts à "durcir" le mouvement. Ils étaient entre 81 000 (selon la police) et 700 000 (selon la CGT) à battre le pavé parisien, mardi 7 mars, pour demander au gouvernement d'abandonner son projet de réforme des retraites quitte à "bloquer le pays".

Sonos hurlantes, banderoles et camions bariolés, l'impressionnant cortège s'est ébranlé un peu après 14 h sur le boulevard Raspail. "Augmentez les salaires, pas l'âge de départ à la retraites", "Plus de retraités joviaux, moins d'évadés fiscaux" pouvait-on lire sur les pancartes, sans oublier le traditionnel "Tu nous mets 64, on te mai 68".

Réforme des retraites : à Paris, des manifestants décidés à "mettre la France à l'arrêt"

Parmi les manifestants, beaucoup espèrent "un tournant" en cette sixième journée d'action, censée faire monter d'un cran la pression sur le gouvernement notamment avec l'arme des grèves reconductibles. Des mouvements qui pourraient toucher de nombreux secteurs dans les prochaines jours en particulier l'énergie ou les transports.

"On est prêts à durcir le mouvement comme en 1995 et à se mettre en grève en illimitée. Il faut mettre l'économie à genoux. Pour obtenir un résultat, il faut un rapport de force", assure Yazid, en chasuble rouge de la CGT construction. Il est vent debout contre une réforme qui selon lui ne prend pas en compte la pénibilité de son travail : "la chaleur", "les espaces confinés", "les charges lourdes"...

Réforme des retraites : à Paris, des manifestants décidés à "mettre la France à l'arrêt"

Même son de cloche chez son collègue Hadj. "On parle de mettre à genoux l'économie. Cela nous fait mal au cœur. Mais si on ne lutte pas aujourd'hui, demain ils vont nous retirer d'autres choses", s'inquiète ce colosse qui s'emporte contre "les mensonges" du gouvernement, en particulier la revalorisation "minimale" à 1200 euros par mois "pour tous les retraités". En réalité, cette mesure ne concernera que 10 000 à 20 000 bénéficiaires par an, a récemment reconnu le ministre du Travail, Olivier Dussopt. 

"Bloquer, c'est la seule solution"

Au-delà des adhérents de la CGT, fidèles à la ligne dure prônée par la direction de la centrale de Montreuil, d'autres manifestants disent vouloir "mettre la France à l'arrêt"  face à un gouvernement qui fait la sourde oreille.

"Pour moi, il faut tout bloquer, c'est la seule solution", lance Vanessa, une infirmière de 47 ans qui porte pour l'occasion une blouse blanche sur laquelle est dessinée un cercueil. "On est crevés et c'est de pire en pire. Je travaille depuis l'âge de 16 ans, j'ai trois enfants et maintenant des parents qui vieillissent. Je me dis qu'on a aussi le droit ne pas se lever et d'aller bosser à plus de 60 ans", s'indigne la soignante, qui assure ne pas être syndiquée.

"Manifester plusieurs fois, visiblement cela n'apporte rien donc je pense qu'il faut bloquer car le gouvernement n'écoute pas", estime Christelle, de la CFDT, qui cite en exemple le cas des blocages des raffineries et des dépôts pétroliers survenus à l'automne 2022.

Réforme des retraites : à Paris, des manifestants décidés à "mettre la France à l'arrêt"

Officiellement, la direction du syndicat réformiste n'appelle pas au "blocage du pays", tout en se disant favorable à un durcissement du mouvement. La CFDT craint notamment de perdre le soutien de l'opinion publique en cas de pénuries de carburant ou de difficultés à répétition pour les usagers des transports ou dans l'éducation nationale.

Tenir dans la durée

"Pour nous il ne faut pas bloquer mais à un moment cela sera peut-être nécessaire", glisse Thierry 60 ans, salarié dans l'administration et adhérent de la CFDT. Maintenant, c'est parti pour durer et il faut que le gouvernement puisse nous écouter, mais plus ça va va aller, moins le mouvement va être populaire".

"L'intersyndicale donne des orientations, définit une stratégie mais au final, ce sont les salariés qui décident ensemble de la mise en œuvre d'une stratégie adaptée à la situation de leur emploi, de leur entreprise et de leurs revendications", assure Vincent Gautheron, secrétaire régional de l'Union Syndicale CGT-RATP en Île-de-France, selon qui "aucune fissure" n'apparaît dans le front syndical depuis le début du mouvement.

Reste à savoir si le mouvement de grèves reconductibles qui touche la SNCF, la RATP ou encore les raffineries et les terminaux méthaniers sera en mesure de durer dans le temps.

Pour faire face, chaque organisation syndicale a constitué des "caisses de grève" pour permettre aux salariés de tenir dans la durée mais les grévistes interrogés assurent que cette aide est loin de compenser les pertes de salaires.

"Le blocage du pays peut être une solution mais avec l'inflation et les difficultés économiques, cela ne pourra pas se faire", estime Philippe, 74 ans, un retraité venu défendre "la retraite des autres par solidarité". "Je crois que malheureusement, les gens ne vont pas pouvoir faire durer cette grève dans le temps".