Emmanuel Macron a inauguré, samedi, l'édition 2023 du Salon de l’agriculture, créé en 1964. Depuis Charles de Gaulle, tous les présidents de la Ve République, à l'exception de François Mitterrand, s'y sont rendus. Retour sur près de 60 ans de visites présidentielles à la grand-messe du secteur agricole.
Depuis sa création en 1964, le Salon de l'agriculture est, pour les présidents de la Ve République, un rendez-vous incontournable qu'aucun, à l'exception de François Mitterrand, n'a manqué.
Arrivé à 7 h 45, samedi 25 février, pour inaugurer l'édition 2023, Emmanuel Macron – président déjà recordman en ce qui concerne le temps passé dans les allées empaillées du parc des expositions de la porte de Versailles – a de nouveau prévu une longue déambulation de plus d'une douzaine d'heures destinée à prendre le pouls de la France rurale.
Début d’une journée au Salon de l’Agriculture, avec nos pêcheurs ! pic.twitter.com/Q6zIns80MY
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) February 25, 2023Pour les politiques, et plus encore pour le chef de l'État en exercice, la visite du Salon de l'agriculture est de l'ordre du rituel.
Ce rendez-vous, rassemblant désormais chaque année quelque 600 000 visiteurs, "dit quelque chose de la façon dont le pays se perçoit lui-même", analyse samedi matin Benjamin Morel, politologue invité de France Info. "En y allant, le chef de l'État reconnaît l'importance des traditions et essaie de s'y inscrire."
Mais alors que les modes de communication ne cessent d'évoluer, à l'heure du direct et des réseaux sociaux, ces séquences de déambulation – de plus en plus longues – doivent plus que jamais être travaillées. Car s'il est un lieu de retrouvailles, le Salon de l'agriculture est aussi un "terrain miné", ajoute Benjamin Morel.
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Pour Emmanuel Macron, visites XXL et contestations
En février 2018, Emmanuel Macron avait battu le record de son prédécesseur (François Hollande, dix heures de visite en 2013) en restant plus de douze heures dans "la plus grande ferme de France". Un exercice qu'il réitère cette année, après une édition 2022 parasitée par le tout début de la guerre en Ukraine, qui l'avait contraint à une visite express.
Habitué des bains de foule, Emmanuel Macron se prête de nouveau au jeu et dit accepter "de [se] faire engueuler, de [se] faire bousculer".
En 2020, il avait été vivement interpellé par une femme du mouvement des Gilets jaunes sur la question des retraites, le référendum d'initiative citoyenne (Ric) et les violences policières. "Il faut que tout le monde retrouve la raison", lui avait-il répondu, déplorant "des gens qui sont devenus extraordinairement agressifs".
Samedi, c'est avec un militant du collectif Dernière rénovation qu'il s'est écharpé. Le jeune homme, qui arborait un tee-shirt barré de la mention "À quoi tu sers ?", a interpellé le chef de l'État en lui demandant d'"écouter les rapports scientifiques" sur le changement climatique.
"Vous êtes la démonstration d'une forme de violence civique", lui a alors rétorqué Emmanuel Macron, déplorant que le militant refuse le "débat". Et de l'interroger : "Je suis élu par le peuple français, vous êtes élus par qui ?"
🔴 Un militant de @derniere_renov tente d’approcher Emmanuel Macron. La sécurité l’éloigne mais le président revient. #SIA2023
Échange sur le climat : « Ce sont nos vies qui sont en jeu » explique l’activiste. pic.twitter.com/4zzt1pd5j6
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François Hollande, qualifié de "fumier" avant intervention des CRS
En février 2016, un an avant la fin de son mandat, François Hollande se fait huer. "Connard", "fumier", "bon à rien", lancent des éleveurs à son passage, certains lui tournant le dos pour exhiber leurs tee-shirts noirs barrés d'un "Je suis éleveur - Je meurs".
Le stand du ministère de l'Agriculture est aussitôt démonté par des manifestants de la FNSEA, poussant les CRS à intervenir pour les mettre à l'écart.
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Nicolas Sarkozy et son "Casse-toi, pauvre con !" d'anthologie
Nicolas Sarkozy a lui aussi eu son lot de rencontres agitées Porte de Versailles, dont la plus célèbre en 2008. À un visiteur qui refuse de lui serrer la main et lui lance "Touche-moi pas, tu me salis", il réplique "Casse-toi, alors, pauvre con !"
Deux ans plus tard, au cours de la table ronde organisée dans ce même salon, il se prononce en faveur des agriculteurs aux dépens des écologistes, déclarant que l'environnement, "ça commence à bien faire !" Des propos qui font polémique, contribuant à relativiser le poids des objectifs environnementaux dans la politique agricole et laissant présager, à l'époque, la suspension des mesures du Grenelle de l'environnement qui concernaient l'agriculture.
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Jacques Chirac le bien-aimé, ou celui qui savait "tâter le cul des vaches"
S'il est un nom qui reste inévitablement lié au Salon de l'agriculture, c'est bien le sien. En trois décennies de vie politique, dont deux ans en tant que ministre de l'Agriculture et douze en tant que chef de l'État, Jacques Chirac n'aura raté qu'une seule édition, en 1979, après un accident de voiture.
En 2007, la dernière visite du président qui se vantait de savoir "tâter le cul des vaches" est un triomphe.
Bon vivant, doté d'un bon coup de fourchette et d'un goût prononcé aussi bien pour la bière que pour le rhum, c'est au Salon de l'agriculture que Jacques Chirac "a construit une partie de son identité politique", analyse Benjamin Morel sur France Info, rappelant que cet événement fut pour le président le plus populaire de la Ve République l'occasion de se construire une image solide d'homme du terroir, proche de la ruralité, qu'il n'avait pas forcément au début de sa carrière politique.
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François Mitterrand, le grand absent
En 14 ans de mandat, celui que l'on surnommait "Tonton" n'aura pas vraiment été celui des agriculteurs.
Très concerné par les thématiques agricoles, il demeurait néanmoins en froid avec le principal syndicat du secteur, la FNSEA. Aussi, s'il s'est rendu au Salon de l'agriculture une fois en tant que candidat à la présidentielle en 1981, il n'y est jamais retourné après son arrivée à l’Élysée. "Laissons ça à Chirac", avait-il lancé. Selon son ancien conseiller agricole, Henri Nallet, François Mitterrand considérait en effet "que c'était avant tout le rôle du ministre de l'Agriculture de s'y rendre".
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VGE, Pompidou et de Gaulle, avec parcimonie
Avant François Mitterrand, Charles de Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing avaient tous rendu visite aux exposants, plus ou moins régulièrement.
C'est d'ailleurs Charles de Gaulle qui, en 1964, crée le Salon de l'agriculture pour rebaptiser le Concours général agricole. Le salon devient rapidement populaire, mais pas suffisamment pour déjà constituer un symbole. Charles de Gaulle lui-même ne s'y rend que très peu. La première de ses visites a lieu devant les caméras de l'ORTF en 1964 ; la dernière en 1968, année précédant la fin de son dernier mandat.
Avec AFP