
Alors que la guerre en Ukraine sonne son 365e jour, Caroline de Camaret et Marie Brémeau reçoivent Nicu Popescu, le vice-Premier ministre moldave. À l'instar de l'Ukraine, son pays de 2,7 millions d'habitants se situe à la bordure du club européen. Et comme l'Ukraine, il a obtenu le statut de candidat à l'Union européenne en juin 2022. Mais, à la différence de son grand voisin, il n'est pas en guerre et espère ne pas entrer en conflit avec la Russie, malgré une région séparatiste pro-russe, la Transnistrie, et un certain nombre de signaux au rouge… Depuis Chisinau, la capitale de Moldavie, celui qui est également chargé de la diplomatie de son pays nous confie sa reconnaissance vis-à-vis de l'Ukraine et de ses alliés, ses inquiétudes et ses espoirs pour l'avenir.
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Menace russe
Pour le vice-Premier ministre moldave, Nicu Popescu, cela ne fait aucun doute : son pays est "indirectement très affecté par cette agression brutale russe contre l'Ukraine : "notre économie, notre société, notre cybersécurité, notre culture… mais, on a démontré que l'on avait su et que l'on avait pu garder le calme, la paix sur notre territoire […] grâce à cette capacité ukrainienne de résister, et grâce à l'assistance de l'Occident : chaque équipement militaire qui est donné à l'Ukraine nous protège aussi indirectement. Alors nous sommes très reconnaissants à l'Ukraine, mais aussi à l'Europe, aux États-Unis et au Canada qui soutiennent l'Ukraine."
Récemment menacée par une tentative de coup d'État organisée par le Kremlin, la Moldavie, qui compte sur son territoire une région séparatiste pro-russe, la Transnistrie, est dans la ligne de mire de Vladimir Poutine dans sa volonté de rétablir un cordon sanitaire pro-russe. Le vice-Premier ministre nous confie : "Ce n'est pas la première fois, surtout pendant ces douze derniers mois, que la Moldavie a dû faire face à des situations de risque intérieur, y compris cette tentative récente d'organiser un coup d'État. […] Tout cela a échoué. Nous restons très alerte et, pour l'avenir, très optimistes sur le fait que la Moldavie va conserver la paix, le calme, la stabilité sur son territoire et sera en position forte pour ne pas être déstabilisée. Mais en même temps, bien sûr que l'on a des situations de stress… économique, énergétique, de désinformation, tous ces types de menaces se matérialisent chaque jour contre nous," confirme-t-il.
Le Kremlin a accusé la Moldavie "d'hystérie anti-russe" après des déclarations du Premier ministre, Dorin Recean, appelant à démilitariser la Transnistrie où il y a "une présence militaire russe illégale", selon Nicu Popescu. Il rappelle d'ailleurs que "la Russie a pris l'engagement de retirer ses troupes de ce territoire en 1999 et [qu'] elle ne l'a pas respecté". Cependant, il affirme être "très optimiste sur le fait [d'] obtenir ce retrait des troupes russes […] par des méthodes pacifiques, par la diplomatie."
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Intégration européenne
"La Moldavie sera et restera une partie du monde libre, de la famille européenne", scande Nicu Popescu. "Elle est très ferme et déterminée pour adhérer à l'Union européenne et nous comptons vraiment sur le soutien de nos partenaires. Et dans cette région difficile, nous ne sommes pas seuls : nous avons le soutien de toute l'Union européenne". Celle-ci a en effet accordé à la Moldavie le statut recherché de candidat à l'adhésion, dans la foulée de l'Ukraine, en juin 2022. Même si la Russie n'a cessé d'augmenter la pression contre elle depuis, Nicu Popescu ne regrette "pas du tout" ce statut, qu'elle cherche à acquérir depuis vingt ans, pour preuve "le Ministère des Affaires étrangères chez nous s'appelle depuis 2006 le 'Ministère des Affaires étrangères et de l'intégration européenne', c'est un objectif très clair depuis beaucoup longtemps, et cette guerre a plutôt clarifié le fait que la Moldavie ferait partie du monde libre, de l'Europe intégrée".
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Économie fragilisée
Ce petit pays a toujours dépendu du gaz russe et "en utilise encore pour produire de l'électricité", mais Nicu Popescu l'assure : "depuis deux mois, la Moldavie n'utilise aucun gaz russe pour le chauffage des maisons", qu'elle achète ailleurs "sur le marché régional, un jour c'est une compagnie roumaine, un autre une compagnie polonaise ou allemande ou turque ou bulgare. Nous avons su trouver des solutions et nous avons des réserves jusqu'en avril."
Mais la guerre en Ukraine a eu un impact fort sur l'économie moldave, qui connaît aujourd'hui une inflation de 28 %. L'Europe qui a récemment accordé à la Moldavie une aide de 150 millions d'euros pour soutenir son économie, dont "le prix du gaz a augmenté de 700 % ces quinze derniers mois et le prix de l'électricité de 400 %. La situation économique reste compliquée, mais […] en avril 2022, la France, l'Allemagne et la Roumanie ont lancé une initiative qui s'appelle la 'Plateforme de soutien pour la Moldavie' […] et grâce à cette plateforme on a su mobiliser les fonds nécessaires et l'aide nécessaire pour garder une situation de normalité relative en Moldavie."
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Accueil des réfugiés
Malgré cette économie en berne, la Moldavie continue d'être une terre d'accueil pour les réfugiés ukrainiens. "On a eu presque 700 000 réfugiés qui sont passés par la Moldavie. […] Au printemps, ils représentaient plus de 4 % de la population, aujourd'hui ils représentent 3 %. […] 95 % des réfugiés sont accueillis par des familles, dans des appartements ou des maisons, il n'y a pas de camps, […] les enfants sont scolarisés". Le vice-Premier ministre tient à faire part de la politique très claire de son pays : "Toute personne qui a besoin de s'échapper de la terreur, des bombes, des coupures d'électricité sera accueillie en Moldavie sans aucune limite, […] les Ukrainiens sont nos frères, nos amis et toutes nos portes, tous nos appartements sont ouverts à tous ceux qui doivent s'échapper de cette terrible tragédie".
Émission préparée par Isabelle Romero, Sophie Samaille et Perrine Desplats