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En signant huit joueurs pour des montants records, Chelsea a largement animé le mercato d'hiver. Cependant, les sommes, qui s'ajoutent à celles déjà dépensées par le club londonien cet été, interrogent au regard des règles du fair-play financier. Explications. 

Des millions comme s'il en pleuvait ! Chelsea a beau pointer à la 10e place de Premier League, le club anglais a encore dépensé sans compter lors du mercato hivernal. Avec l'arrivée, bouclée dans les dernières minutes de la fenêtre de transferts, du champion du monde argentin Enzo Fernandez, la presse spécialisée évalue à plus de 300 millions d'euros la somme dépensée par les Blues. Une montagne d'argent qui vient s'ajouter aux plus de 300 millions d'euros déjà déboursés cet été et qui posent question alors que les dépenses des clubs sont censées être encadrées par le fair-play financier instauré par l'UEFA. 

Il semble bien loin le temps où, en mars 2022, le club s'inquiétait du manque de liquidités et où l'entraîneur Thomas Tuchel plaisantait sur le fait de conduire lui-même le bus par soucis d'économies en raison des sanctions visant son propriétaire, l'oligarque russe Roman Abramovich, dans le contexte de guerre en Ukraine. 

Depuis, le club est passé dans les mains du milliardaire américain Todd Boehly qui n'hésite pas à sortir le chéquier. Sur les deux dernières fenêtres de transfert, Chelsea a dépensé deux fois plus que son dauphin en la matière : Manchester United et ses 272 millions d'euros pour 7 joueurs. De quoi accentuer le déséquilibre en faveur de la Premier League sur le marché européen. À titre de comparaison, les clubs anglais sont à l'origine cet hiver de 79 % des dépenses effectuées parmi l'ensemble des cinq grands championnats. 

Huit joueurs supplémentaires ont posé leurs valises à Londres en janvier : la pépite ukrainienne Mykhailo Mudryk (70 millions + 30 millions de bonus), le Portugais João Félix (11 millions), l’international français Benoît Badiashile (37 millions), Noni Madueke (35 millions), Malo Gusto (35 millions) David Datro Fofana (12 millions), Andrey Santos (12,5 millions). Et enfin, celui qui est devenu le plus gros transfert de l'histoire de la Premier League, Enzo Fernandez (121 millions). 

Le #mercato hivernal aura été particulièrement agité du côté de #Chelsea, avec les arrivées de #Mudryk et Enzo #Fernandez notamment

Avec 611,5 M€ de transferts cette saison, le club londonien prépare l'avenir tout en se donnant les moyens de ses ambitions pic.twitter.com/rnmD0RiJSE

— Observatoire du Sport Business (@Obs_Sport_Biz) February 1, 2023

Dans le sens des départs, Chelsea a encaissé un peu moins de 60 millions d'euros grâce aux ventes cumulées de Timo Werner au RB Leipzig, de Ermerson à West Ham ou de Billy Gilmour à Brighton cet été, ainsi que celle de Jorginho à Arsenal lors du dernier jour du mercato hivernal. 

"Je ne peux pas l'expliquer" 

Cette folie des grandeurs interroge. Surtout au regard des règles du fair-play financier instauré par l'UEFA en 2010. Ce règlement stipule qu'un club ne peut pas dépenser plus qu'il ne gagne avec une tolérance de 60 millions de pertes sous trois ans si couverts par le propriétaire. De quoi laisser perplexe les concurrents de Chelsea en Angleterre et en Europe. 

"Je ne peux pas l'expliquer. Je n'en ai aucune idée. Mais si les chiffres sont vrais, alors c'est impressionnant", remarque assez laconiquement et ironiquement l'entraîneur de Liverpool, Jürgen Klopp.  

Son homologue sur le banc de Crystal Palace, le Français Patrick Vieira, est plus acerbe : "Ça ne va pas faciliter les choses lorsque l’équipe de Premier League se rendra à l'étranger pour essayer de recruter un joueur. Cela devient vraiment difficile parce que l'équipe vendeuse pensera que nous avons les mêmes moyens." 

Des amortissements sur contrats longs 

Alors comment Chelsea parvient-il à rester dans les clous ? En contournant le système existant et en usant et abusant des contrats longs. Des contrats longs de 6, 7 ou encore 8 ans ont été proposés à des joueurs comme Noni Madueke (2030), Benoît Badiashile (2030) ou encore Mykhaylo Mudryk (2031) afin de répartir sur une durée plus longue le paiement des transferts chaque saison. Exemple concret avec le plus grand espoir du football ukrainien : attiré pour près de 100 millions d'euros, son coût par année tombe alors à 11,7 millions d'euros dans le bilan comptable.

Comme les recettes tirées des ventes sont, elles, comptabilisées en une fois l'année de la vente, même si le paiement est étalé dans le temps, il est moins dur d'équilibrer ses comptes, du moment qu'on ne poursuit pas cette politique trop longtemps.

Un tour de passe-passe comptable qui flirte avec la légalité et la distorsion de concurrence, alors que la Fifa n'autorise normalement que des contrats d'un maximum de cinq ans, sauf si un accord plus long reste conforme aux lois nationales. Ce qui est le cas en Grande-Bretagne. 

"Profiter avant que les règles ne changent, cela arrive dans tous les secteurs. Il n'y a rien de mal dans ce qu'ils font. C'est juste qu'ils le font à un niveau très extrême que nous n'avons jamais vu dans le football, à part quand Roman Abramovich est arrivé", relativise Kieran Maguire, économiste spécialiste du football et animateur du podcast "Le prix du football", interrogé par The Evening Standard. "Cela peut fonctionner ou vous pouvez aussi être coincé avec des joueurs payés très cher et qui ne veulent pas partir." 

Cependant, l'UEFA n'est pas de cet avis et s'intéresse de près aux méthodes des Blues. Selon le Daily Mail, l'instance dirigeante du football européen devrait fixer une limite de cinq ans pour l’échelonnement des transferts, ce qui garderait la validité des contrats actuels tout en limitant les risques de contournement du fair-play financier. De quoi combler la faille exploitée par Chelsea.