Après trois mois et demi d'enquête, l'audit chargé de faire la lumière sur les pratiques managériales et le harcèlement à la Fédération française de football (FFF) entre dans sa dernière phase lundi. Les deux principaux mis en cause, Noël Le Graët et Florence Hardouin, doivent désormais présenter leur défense face aux accusations.
Bientôt la fin du triste feuilleton à la FFF ? Après trois mois et demi d'enquête, la mission d'audit sur la Fédération française de football va entrer dans son ultime phase avec, dès lundi, la possibilité pour Noël Le Graët et Florence Hardouin de répondre aux accusations formulées à leur encontre.
Le président de la FFF et sa directrice générale, tous deux mis sur la touche le 11 janvier, vont pouvoir prendre connaissance des extraits du prérapport les inculpant et y répondre, dans un délai de dix jours. Eux seuls auront accès aux parties à charge les concernant. De la même manière, Philippe Diallo, en sa qualité de président par intérim, pourra formuler des observations après lecture des passages relevant des dysfonctionnements de l'instance.
Cet accès restreint au rapport provisoire de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) répond à une disposition réglementaire. Dans les faits, il devrait en outre limiter les éventuelles fuites dans la presse d'ici la publication du document définitif et contradictoire, attendue mi-février.
Gestion en solitaire
La pression reste maximale pour Noël Le Graët, patron tout puissant de la "3F" depuis 2011, sévèrement secoué depuis cinq mois par des enquêtes journalistiques, des témoignages (principalement anonymes) de femmes l'accusant de comportements sexistes et inappropriés, et ses propres déclarations à l'emporte-pièce sur Zinedine Zidane.
La première bourrasque est survenue début septembre avec un dossier du magazine So Foot dans lequel étaient pointés, pêle-mêle, le management jugé autoritaire de Florence Hardouin, l'ambiance de travail "toxique" et des accusations de harcèlement sexuel visant le dirigeant breton.
Ces éléments de presse ont conduit le ministère des Sports à annoncer le 16 septembre l'ouverture d'une mission d'audit et de contrôle "sur le pilotage de la Fédération et le respect des obligations qui s'y attachent". Celle-ci a débuté un mois plus tard avec l'audition des principaux concernés.
À 81 ans, Noël Le Graët traverse la période la plus délicate de son long mandat, débuté sur les ruines du fiasco des Bleus à Knysna, lors du Mondial-2010 en Afrique du Sud. Sa gestion en solitaire à la tête de la Fédération, les témoignages l'accablant et ses sorties médiatiques parfois non maîtrisées, comme sur Zidane, l'ont isolé comme jamais.
Sa situation est devenue quasi intenable quand Sonia Souid, agente de joueuses, a dénoncé dans la presse l'attitude insistante de Noël Le Graët au téléphone ou durant des rendez-vous professionnels: "Il m'a dit en tête à tête, dans son appartement, très clairement, que si je voulais qu'il m'aide, il fallait passer à la casserole."
Ce premier témoignage à visage découvert a poussé la justice à ouvrir une enquête pour harcèlement sexuel et moral. "NLG" a démenti les faits reprochés et fustigé les fuites dans la presse, comme les "nombreuses interférences et pressions politiques".
Vers une démission de Le Graët ?
"M. Le Graët n'a eu ni l'occasion de prendre connaissance des éléments le concernant, ni l'occasion de faire valoir ses observations en défense", ont dénoncé ses avocates.
Ces derniers jours, des nouveaux témoignages se sont ajoutés, dont celui d'Aline Riera, membre du Comex de la FFF, révélé par L'Équipe, qui, lors de la réunion du 19 janvier, a évoqué "des paroles lourdes" et "une répétition de mots déplacés" dans le passé.
Le Comité exécutif de la FFF, issu de la liste présentée par "NLG" lors de sa dernière réélection en 2021 (pour un mandat courant théoriquement jusqu'à fin 2024), a poussé ce dernier à se mettre en retrait le 11 janvier. Et a décidé de mettre à pied Florence Hardouin, directrice générale depuis 2013, aux méthodes de travail contestées.
Dans l'attente de l'audit, la "DG" n'a pas pris la parole publiquement, mais son entourage a dénoncé auprès du journal Le Monde "des faits de harcèlement sexuel et moral qu'elle a subis de M. Le Graët". Relancé par l'AFP, l'entourage de la dirigeante n'a pas souhaité donner plus de détails.
Le "gouvernement" du football français attend désormais les conclusions de l'audit pour adopter une position commune. Une séance extraordinaire du "Comex" sera organisée une fois le rapport rendu, avec le sort de Noël Le Graët au cœur des débats.
Selon une source interne, le dirigeant breton a assuré qu'il démissionnerait en cas de rapport défavorable. Dans cette hypothèse, Philippe Diallo conserverait la barre a minima jusqu'à l'Assemblée fédérale de juin.
Avec AFP