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Un vaccin pour abeilles, "une étape importante" pour sauver les ruches

Un vaccin a été développé aux États-Unis pour protéger les abeilles d’une maladie très contagieuse, la loque américaine, responsable de la destruction des ruches. Mais s’il représente un espoir, ce vaccin ne répondra pas à toutes les menaces pesant sur ces insectes, selon Cédric Alaux, spécialiste de la biologie des abeilles à l’Inrae.

Pour la première fois, un vaccin a été développé aux États-Unis pour protéger… les abeilles. Alors que l'espérance de vie de ces insectes essentiels à la biodiversité a diminué de moitié en 50 ans, ce nouveau vaccin représente un espoir.

Élaboré par la société américaine de biotechnologie Dalan Animal Health, le vaccin – un sérum, plus précisément – a été approuvé début janvier par le ministère américain de l'Agriculture. À ce jour limité aux États-Unis, il va soulager les apiculteurs confrontés à la "maladie de la loque américaine", une affection mortelle très contagieuse responsable de la perte de 40 % des ruches américaines en 2019. 

Pour comprendre ouvertes par ce vaccin d'un nouveau genre, France 24 s'est entretenu avec Cédric Alaux, chercheur à l'unité abeille et environnement d'Avignon à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

France 24 : Comment ce vaccin fonctionne-t-il 

Cédric Alaux : Il s'agit d'un sérum qui permet d'exposer les reines à des bactéries mortes responsables de la loque américaine. Concrètement, les futures reines vont être nourries avec de la gelée royale, à laquelle on ajoute des bactéries mortes. Une fois ingérées, celles-ci vont aller jusqu'à leurs ovaires, et permettre aux œufs d'être exposés précocement à cette maladie, sans être tués pour autant. Les futures ouvrières nées de la reine seront donc préparées à la maladie, et mieux protégées, même si cela ne fonctionne pas à 100 %.

Il s'agit d'une première chez les insectes. Ce n'est pas une vaccination classique, comme celle qu'on fait chez les hommes, où on vaccine un individu. Là, on vaccine la reine, qui va ensuite transmettre la protection à sa descendance, car la maladie de la loque touche avant tout les larves. Il est donc fondamental, au-delà de la reine seule, de protéger les larves et les futures ouvrières. 

Ce vaccin a-t-il une utilité en dehors des États-Unis, ou ouvre-t-il surtout de nouvelles perspectives pour la recherche ? 

Très présente aux États-Unis, la maladie de la loque américaine est moins présente en Europe et en France, bien qu'il y ait des cas dans le monde entier. Je vois plutôt dans ce vaccin de nouvelles perspectives de recherche, car une étape très importante a été franchie. 

Il faudra bien entendu voir ce que cela va donner, mais le fonctionnement de ce vaccin pourrait s'appliquer à d'autres maladies. Les abeilles sont affectées par toute une cohorte de virus, dont celui des "ailes déformées", porté par l'acarien Varroa. Il s'agit d'un petit parasite qui se nourrit sur les jeunes abeilles, et qui, comme les moustiques sur l'homme, leur transmet un virus. Ce virus produit des malformations et réduit de manière drastique la longévité et la performance des abeilles. Il est très prévalent en France, où il représente l'un des principaux facteurs du déclin des colonies, voire, avec le changement climatique, le problème n°1 des apiculteurs.

On s'en prémunit pour l'instant en appliquant de l'acaricide dans les ruches, mais il s'agit d'un traitement chimique, contre lequel des résistances finissent par se développer. Si ce nouveau vaccin pouvait fonctionner contre le virus, comme il fonctionne là contre une bactérie, il pourrait être une alternative ou un complément pour protéger les ruches. 

Ce nouveau type de traitement représente-t-il donc un grand espoir pour la survie des abeilles ? 

Disons que c'est un plus, mais pas une solution miracle. Le vaccin seul ne permettra pas de résoudre le problème de la diminution des abeilles, qui est causé par une multiplicité de facteurs. Les abeilles souffrent de l'exposition aux pesticides, comme les néonicotinoïdes, et de la diminution des ressources florales, qui sont de plus en plus rares et de moins en moins diversifiées. Cette diminution a un impact sur le développement et la santé des colonies, les abeilles mangent moins, et moins de choses différentes. Tout ceci est en plus exacerbé par le réchauffement climatique, car les plantes produisent de moins en moins de nectar et des pollens de moins en moins riches, ce qui se répercute encore sur les abeilles. 

Mais les maladies jouent tout de même un rôle très important dans la baisse du nombre d'abeilles domestiques. Les apiculteurs ont de plus en plus de mal à maintenir leurs populations. Si nous parvenons à développer de nouveaux traitements contre les maladies, à l'image de ce premier vaccin, cela soulagera forcément les apiculteurs, en leur évitant énormément de pertes.

Par contre, cela ne fonctionnera sans doute pas pour les abeilles sauvages, qui sont les plus menacées. Solitaires, elles sont bien plus sensibles aux pressions environnementales, et ce n'est pas un vaccin qui pourra aider à lutter contre leur déclin.