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Grève contre la réforme des retraites : quel va être l'impact sur le secteur de l’énergie ?

La grève contre la réforme des retraites commence, jeudi, avec des manifestations prévues dans toute la France. Dans le secteur de l'énergie, la CGT Mines-Énergie a préparé un "plan de bataille" pour que le gouvernement retire son projet de loi. Des actions sont envisagées, allant de "baisses de production" à un impact sur le redémarrage des réacteurs nucléaires. Ambiance électrique garantie.

Et si l’embellie énergétique était de courte durée ? Alors que la France est de nouveau exportatrice d’électricité depuis le début de l’année, la grève contre la réforme des retraites à partir du jeudi 19 janvier, pourrait avoir un impact le secteur de l’énergie.

La mèche a été allumée par la CGT Mines-Énergie (FNME-CGT), le 13 janvier. Cette fédération – qui regroupe notamment des salariés des industries électrique, gazière et du secteur à l’énergie atomique – appelle à une grève reconductible dès le 19 janvier. Elle a aussi exposé un “plan de bataille” contre la réforme de l’exécutif, avec plusieurs mesures envisagées : des “rétablissements d’électricité” et de gaz aux plus précaires, des “coupures ciblées” notamment contre des députés en faveur de la réforme…

Des “baisses de production d’énergie” sont également au programme, et cette grève pourrait avoir un impact sur le redémarrage de certains réacteurs nucléaires. "S'il y a des grèves, il n'y aura pas de redémarrage de réacteurs. S'il n'y a pas de redémarrage de réacteurs, il y aura peut-être un manque de capacités de production” d’électricité, a expliqué à l’AFP le secrétaire général de la FNME-CGT, Sébastien Menesplier.

Le responsable syndical, contacté par France 24, estime que la mobilisation s’annonce “forte” dans le secteur de l’énergie, et notamment dans le secteur nucléaire.

Sur le sujet des réacteurs – dont deux des plus gros du parc nucléaire, Civaux 1 et Chooz 2, doivent redémarrer d'ici fin janvier –, Sébastien Menesplier détaille comment leur remise en route pourrait être perturbée : “Comme beaucoup de salariés seront en grève, le travail ne sera pas effectué et les opérations d’activités planifiées ne seront pas faites. La grève va donc désorganiser le travail et retarder les plannings prévus.”

Et sans ou avec peu de salariés, le redémarrage de réacteurs nucléaires s’avère compliqué : cette procédure peut mobiliser “jusqu'à 200 personnes pour un seul réacteur sur une durée moyenne de deux à trois semaines”, comme l’explique Le Figaro.

Baisses de production d’électricité

“Avec la mobilisation contre la réforme des retraites, il pourra aussi y avoir des décisions de baisser la production d’électricité dans les centrales nucléaires – en respectant bien entendu la sûreté et la sécurité des installations”, ajoute Sébastien Menesplier.

En attendant, des agents d’EDF sont déjà passés à l’action dans le secteur hydraulique : ils ont procédé, mercredi, à de premières baisses de production d'électricité dans plusieurs barrages français, une action directement liée au mouvement contre la réforme des retraites. Cela a occasionné la perte sur le réseau de l'équivalent de la production d'un réacteur nucléaire, sans provoquer de coupures de courant.

"Il y a déjà à cette heure-ci des baisses de production dans l'hydraulique", a indiqué à l'AFP Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT, indiquant que "ça met en tension le réseau mais c'est sans impact pour l'usager", ce qu'a confirmé le gestionnaire des lignes à haute tension, RTE. 

L’hydroélectricité est la deuxième source de production électrique en France (62,5 TWh en 2021), loin derrière l’électricité produite par le parc nucléaire (361 TWh, soit 69 % de l’ensemble du mix énergétique français).

Si des baisses de production devaient se répéter prochainement dans ces deux secteurs – et qu’elles mettaient sous tension le réseau électrique au point de risquer des coupures de courant –, RTE pourrait demander aux opérateurs (comme EDF ou Engie) d'arrêter les baisses de production afin de limiter l’impact sur la sécurité d’approvisionnement en électricité.

“La grève arrive à un moment où elle peut nuire au bon fonctionnement du réseau électrique”, confirme Anna Creti, professeure d’économie à l'université de Paris Dauphine.

“Pas de la faute des agents mais de la libéralisation du marché de l’énergie”

“Même si le parc nucléaire a retrouvé une production élevée récemment par rapport aux huit derniers mois, c’est un secteur qui reste exposé à une incertitude concernant la durée de fermeture des centrales, même quand leur maintenance est planifiée”, poursuit la spécialiste des questions énergétiques.

Avec 44 réacteurs rebranchés sur 56, le parc nucléaire a affiché le 9 janvier une disponibilité de 73,7 %, niveau plus atteint depuis le 11 février 2022 (74,8 %), selon des chiffres d'EDF analysés par l'AFP.

Mais l’embellie devrait être de courte durée : la disponibilité du parc nucléaire devrait “décroître à nouveau à partir de février” 2023, comme l’expliquait RTE fin décembre. Six réacteurs vont, en effet, devoir être arrêtés cette année pour des chantiers de corrosion. Et la baisse de production électrique que cela va engendrer pourrait se cumuler avec les possibles effets d’actions contre la réforme des retraites.

“La réforme qui impose aux agents de travailler deux ans de plus, personne n’en veut dans le secteur de l’énergie”, affirme Sébastien Menesplier. “Ces prochains jours, ce sera aux agents de décider s'ils veulent d’une grève reconductible longue.” Mais, malgré les actions de grève à venir, le responsable syndical se veut optimiste : “Si on arrive à répondre à l’intérêt général et à faire en sorte qu’il n’y ait pas de délestages organisés par RTE, tout le monde sera content.”

Et le secrétaire général de la FNME-CGT de conclure : “Si on est dans la situation énergétique actuelle, ce n’est pas de la faute des agents ‘nantis’ du secteur, mais parce qu’on a libéralisé le marché de l’énergie dans les années 2000.”