Le projet de loi sur l’accélération du développement des énergies renouvelables est soumis au vote, mardi, de l’Assemblée nationale. Bien qu’élaboré en partie avec la gauche, le texte n’est pas assuré d’un vote favorable, les députés de la Nupes étant divisés sur l’attitude à adopter.
Le texte est présenté comme l'un des plus importants du quinquennat d'Emmanuel Macron, mais son vote risque de passer sous les radars. Pendant que les députés voteront, mardi 10 janvier, sur le projet de loi sur les énergies renouvelables (EnR), la Première ministre Élisabeth Borne présentera au même moment la réforme très attendue et explosive du système des retraites.
La cheffe du gouvernement devrait toutefois garder un œil sur le scrutin à l'Assemblée nationale, tant un rejet serait synonyme d'échec pour le gouvernement. Et l'issue du vote est encore incertaine.
Le projet de loi, qui vise à accélérer le déploiement des projets éoliens et photovoltaïques, avait obtenu le feu vert du Sénat début novembre en première lecture. Mais le travail des députés a largement modifié le contenu du texte. Et pour la première fois du quinquennat, c'est vers la gauche que s'est tournée la majorité pour "coconstruire" le projet de loi et ainsi obtenir des voix.
L’@AssembleeNat votera mardi sur le projet de loi d’accélération des #ÉnergiesRenouvelables.
Après des mois d'échanges, 65h de débats et de nombreuses propositions intégrées dans le texte, j'appelle les oppositions à voter en responsabilité le texte qu'elles ont co-construit. pic.twitter.com/IA9jmnpyNE
La droite et l'extrême droite ont déjà annoncé qu'elles voteraient contre. Les députés Les Républicains (LR) jugent le texte "inutile" et contestent "des dérogations injustifiées accordées à l'éolien". Quant au Rassemblement national, il a ferraillé tout au long des débats contre les éoliennes, coupables selon ses députés de "détruire nos paysages".
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, s'est donc employée à convaincre la gauche de l'intérêt de son projet de loi, reprenant de nombreux amendements issus des rangs de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) comme preuve de sa bonne volonté et de la capacité du gouvernement à faire des compromis.
Sans majorité absolue, les 250 députés du camp présidentiel peuvent toutefois se contenter de l'abstention d'une partie de la gauche pour faire adopter son texte, d'autant que la vingtaine de députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) devrait voter pour. Malgré tout, le soutien d'une partie de la Nupes serait apprécié par le gouvernement.
-
Que contient le texte soumis au vote ?
Le projet de loi du gouvernement vise à rattraper le retard de la France, où les EnR ne représentent que 19,3 % de la consommation finale brute d'énergie, déjà en deçà de l'objectif fixé par l'Union européenne pour 2020 de 23 %.
Pour accélérer sur les énergies renouvelables, le projet de loi prévoit une planification territoriale de leur déploiement. Si le dispositif est voté par l'Assemblée, il reviendra aux communes d'identifier, puis de faire remonter la liste des terrains pouvant accueillir des projets d'EnR. Ces zones seront opposables et devront être inscrites, une fois arrêtées, dans les documents d'urbanisme locaux.
L'aval des maires avant d'installer éoliennes et panneaux solaires a crispé la gauche, qui redoute le retour du "veto des maires" que réclamaient les députés LR pour l'ensemble du territoire. Mais l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher tente de rassurer : "Il y a plusieurs garde-fous. Personne ne pourra bloquer le système et on donne un calendrier très clair pour la cartographie des zones" en moins d'un an.
Pour les éoliennes en mer, un document établira d'ici 2024, pour chacune des quatre façades maritimes – Manche Est-Mer du Nord, Nord Atlantique-Manche Ouest, Sud Atlantique, mer Méditerranée –, une cartographie des zones maritimes et terrestres prioritaires pour l'implantation d'éoliennes. Les députés ont, en outre, introduit des mesures pour la préservation de la biodiversité marine.
Concernant l'énergie solaire, l'obligation pour les parkings extérieurs existants d'installer des panneaux solaires a été étendue aux parkings de plus de 1 500 m2 – au lieu de 2 500 m2 dans la version d'origine du texte. Par ailleurs, l'agrivoltaïsme a été encadré puisqu'aucune installation solaire au sol ne pourra être construite sur les terres agricoles. Ces installations ne seront autorisées que sur des terres réputées incultes ou non exploitées depuis dix ans au moins.
Enfin, un article clé visant à réduire les contentieux contre certains projets d'énergies renouvelables, en leur reconnaissant une "raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM)", a fait l'objet de vifs débats, la gauche craignant des dégâts pour la biodiversité.
-
Pourquoi les votes de la gauche ne sont pas acquis ?
La Nupes juge le texte final pas assez ambitieux et hésite sur l'attitude à adopter mardi lors du vote. Les communistes ont annoncé qu'ils voteraient contre. Les insoumis, qui prendront leur décision mardi matin, hésitent entre un vote contre ou une abstention. Les écologistes ont fait savoir qu'ils s'abstiendraient. Et les socialistes, qui se décideront aussi mardi matin, hésitent entre un vote pour ou une abstention.
Le projet de loi "aurait pu être un grand texte qui aurait marqué le début du changement. Soyons clairs, ce n'est aujourd'hui pas le cas", ont fait savoir les députés Europe Écologie-Les Verts (EELV) dans un communiqué tweeté le 5 janvier. Selon eux, il n'y a dans le texte "aucun objectif, aucun financement, aucune mesure pour renforcer la capacité à faire".
🟢 Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables (#PJLENR) aurait pu permettre à la France d'entamer sa sortie des énergies fossiles.
Soyons clairs, ce n’est pas le cas.
À ce stade, les @EcologistesAN ont décidé de s’abstenir.
Retrouvez le communiqué du groupe.👇 pic.twitter.com/YP1zZ5w59x
Ces hésitations sont mal comprises du côté du ministère de la Transition énergétique, qui estime avoir fait sa part du chemin. Les députés macronistes soulignent les "compromis" trouvés avec les Verts pour étendre l'obligation d'installer des panneaux solaires sur des parkings, ou mettre en place un observatoire et un médiateur des énergies renouvelables. Et avec les socialistes, pour renoncer au principe initial de ristournes sur les factures des riverains d'installations, et privilégier des mesures territoriales plus larges comme un fonds pour aider les ménages modestes.
"La ministre a fait le job. Si les groupes de gauche ne votent pas eux-mêmes ce qu'ils ont co-construit, c'est curieux. Pour nous, les dés sont jetés. Maintenant, ce sont eux face à leur cohérence", juge un membre du cabinet d'Agnès Pannier-Runacher cité par Libération. Au total, 361 amendements ont été adoptés, dont 167 en provenance de l'opposition. Sur ces derniers, 42 proviennent des socialistes et 33 des écologistes.
-
Quelle suite en cas d'adoption du projet de loi ?
Le texte soumis au vote mardi à l'Assemblée nationale étant très différent de celui adopté en novembre au Sénat, une commission mixte paritaire (CMP) réunissant députés et sénateurs sera nécessaire pour aboutir à un projet de loi commun. Mais la CMP pourrait rencontrer des difficultés à rapprocher les deux versions du projet de loi.
Les écologistes comptent d'ailleurs sur ce bras de fer entre élus des deux chambres pour améliorer le texte, soit par un accord en CMP, soit par de nouvelles discussions à l'Assemblée. "Le cheminement de ce texte n'est pas fini, et suite à cette première lecture, il est encore possible d'aboutir à un texte renforcé, lors de la commission mixte paritaire ou en seconde lecture", écrivent les députés EELV dans leur communiqué.