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Trois personnes ont été tuées par balles et trois autres blessées vendredi, peu avant midi, dans le centre de Paris, près d'un centre culturel kurde, par un homme aux motivations encore inconnues qui a été interpellé et placé en garde à vue.

Trois personnes ont été tuées par balles et trois autres blessées vendredi 23 décembre à la mi-journée dans le centre de Paris par un homme de nationalité française connu pour deux précédentes tentatives d'homicide, qui a été interpellé et placé en garde à vue.

Les faits se sont produits rue d'Enghien, dans le 10e arrondissement de la capitale, au niveau d'un centre culturel kurde, dans un quartier commerçant prisé de la communauté kurde.

"Il y a trois décédés, une personne en état d'urgence absolue, deux personnes en état d'urgence relative, et le mis en cause, qui a pu être interpellé, est également blessé, notamment au visage", a détaillé la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, devant la presse.

Une enquête a été ouverte des chefs d'assassinat, tentative assassinat, violences volontaires avec armes et infraction à la législation sur les armes, a poursuivi Laure Beccuau.

Laure Beccuau s'est refusée à commenter les motivations du tireur présumé. "Quant aux motifs racistes des faits, ces motifs vont évidemment faire partie des investigations qui viennent de débuter", a-t-elle toutefois poursuivi.

Trois Kurdes tués par balles en plein Paris, un acte de nature raciste suspecté

Gérald Darmanin sur place

Le suspect a voulu "manifestement s'en prendre à des étrangers", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui s'est rendu sur place peu après 16 h.

"Il n'est pas sûr que le tueur qui a voulu assassiner ces personnes (...) l'ait fait spécifiquement pour les Kurdes", a ajouté le ministre de l'Intérieur, alors que des rumeurs d'attaque "politique", venant de la Turquie, étaient relayées par la communauté kurde.

"On ne connaît pas encore ses motivations exactes", a-t-il insisté.

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Gérald Darmanin a indiqué également ne pas disposer d'informations qui relieraient le suspect à des faits antérieurs liés à "l'ultradroite".

Plusieurs élus de gauche, dont des députés de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) et la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, ont attribué à "l'extrême droite" la responsabilité des tirs.

"Il était tireur dans un club de sport et avait déclaré de nombreuses armes", a dit le ministre.

Parmi les victimes, "il n'y avait pas de personnes, à ma connaissance, particulièrement signalées et connues des services français", a indiqué Gérald Darmanin, interrogé sur leur éventuelle appartenance au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation qualifiée de terroriste par l'Union européenne.

Le ministre a demandé le renforcement de la sécurité autour des lieux de rassemblement de la communauté kurde mais aussi près des "emprises diplomatiques turques".

Une réunion prévue vendredi soir au ministère de l'Intérieur doit évaluer "les menaces éventuelles ou complémentaires" sur la communauté kurde à Paris et sur tout le territoire, a-t-il ajouté.

Des échauffourées entre la police et des manifestants kurdes ont éclaté lorsque la foule s'est heurtée à un cordon de forces de l'ordre qui protégeait le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

Pas de saisine du Parquet antiterroriste

Les investigations ont été confiées à la police judiciaire.

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) et ses services sont venus sur place mais il n'y a "aucun élément qui privilégierait la nécessité de leur saisine", a ajouté la procureure.

Le tireur présumé, placé en garde à vue peu après les faits, est connu des services judiciaires.

Deux tentatives d'homicide

Selon deux sources policières, cet homme, un conducteur de train à la retraite de nationalité française et âgé de 69 ans, est connu pour deux tentatives d'homicide commises en 2016 et décembre 2021.

Il est en revanche inconnu des fichiers du renseignement territorial et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a précisé une de ces deux sources.

Le premier antécédent concernerait, selon Laure Beccuau, "des faits en Seine-Saint-Denis où il serait passé récemment en jugement, aurait été condamné, mais à la suite de la condamnation, un appel aurait été interjeté par le parquet".

Le second antécédent serait "lié à des faits qui se seraient passés du côté de Bercy à Paris", a poursuivi la magistrate.

Les faits visés se sont déroulés le 8 décembre 2021. Une source policière avait à l'époque indiqué à l'AFP que l'homme était soupçonné d'avoir blessé à l'arme blanche au moins deux migrants dans un campement à Paris et dégradé plusieurs tentes d'un campement du parc de Bercy, dans le 12e arrondissement de la capitale.

L'homme avait été mis en examen pour violences avec arme avec préméditation à caractère raciste ainsi que pour dégradations. Il avait ensuite été placé en détention provisoire avant, selon Laure Beccuau, d'être récemment remis en liberté.

"Odieuse attaque"

Emmanuel Macron a dénoncé une "odieuse attaque" dont "les Kurdes de France ont été la cible".

"Pensées aux victimes, aux personnes qui luttent pour vivre, à leurs familles et proches. Reconnaissance à nos forces de l'ordre pour leur courage et leur sang-froid", a ajouté le chef de l'État dans un tweet.

Les Kurdes de France ont été la cible d’une odieuse attaque au cœur de Paris. Pensées aux victimes, aux personnes qui luttent pour vivre, à leurs familles et proches. Reconnaissance à nos forces de l’ordre pour leur courage et leur sang-froid.

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) December 23, 2022

Plus tôt, la Première ministre Élisabeth Borne avait également déploré sur Twitter un "acte odieux" et exprimé ses "pensées" et son "plein soutien aux victimes et à leurs proches".

Pensées et plein soutien aux victimes de la fusillade mortelle à Paris et à leurs proches. Une enquête est ouverte. Gratitude envers les policiers de la @prefpolice qui ont interpellé l’auteur présumé de cet acte odieux, aux @PompiersParis engagés. @GDarmanin se rend sur place.

— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) December 23, 2022

"Cela recommence, vous ne nous protégez pas"

Sur place, où un périmètre de sécurité a été mis en place au croisement de la rue d'Enghien et de la rue d'Hauteville, l'émotion était vive.

Des membres du centre culturel Ahmed Kaya étaient en pleurs, se prenant dans les bras pour se consoler, a constaté une journaliste de l'AFP. Certains, s'adressant à la police, criaient "Cela recommence, vous ne nous protégez pas, ils nous tuent", en mettant en cause la Turquie.

Le 9 janvier 2013, trois militantes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) avaient été assassinées à Paris, dans le même 10e arrondissement de la capitale.

L'enquête judiciaire en France, toujours en cours,  avait relevé "l'implication" de membres des services secrets turcs, sans désigner de commanditaires.

Présente au moment de l'attaque, Selma Akkaya, journaliste et activiste kurde, a indiqué à l'AFP qu'"il y a six personnes blessées" avec, parmi elles, "un célèbre chanteur kurde". L'auteur des faits a tiré, selon elle, "en direction d'un salon de coiffure".

"On a vu un vieux monsieur blanc rentrer et tirer dans le centre culturel kurde, puis il est allé dans le salon de coiffure à côté", à l'angle avec la cour des Petites Écuries, a témoigné Romain, le directeur adjoint du restaurant Pouliche Paris, dans la rue, joint par téléphone.

La rue d'Enghien et le quartier comptent de nombreux restaurants, bars et commerces.

Le centre Ahmet Kaya, ainsi nommé en hommage au célèbre chanteur éponyme, est une association loi 1901 ayant pour objectif de "favoriser l'insertion progressive" de la population kurde installée en Île-de-France.

Avec AFP