Le Français Charles Sobhraj, condamné pour meurtres et considéré comme un tueur en série dans les années 1970 en Asie, était en route vers la France vendredi après avoir été libéré de prison au Népal, où il a passé quasiment 20 ans en détention.
Le tueur en série français Charles Sobhraj, qui a commis plusieurs meurtres à travers l'Asie dans les années 1970 et a inspiré la série Netflix "Le Serpent", a été libéré de prison au Népal vendredi 23 décembre et immédiatement transféré vers la France, où il est attendu samedi matin.
Dans l'avion, Charles Sobhraj, 78 ans, s'est entretenu avec le journaliste de l'AFP, auprès de qui il s'est dit "innocent".
"Je vais bien. J'ai beaucoup de choses à faire. Je dois poursuivre de nombreuses personnes en justice, y compris au Népal", a-t-il affirmé dans cet entretien exclusif à l'AFP. Interrogé pour savoir s'il avait été décrit à tort comme un tueur en série, il s'est exclamé : "Oui ! Oui !"
"Lorsque je suis entré en prison, je n'avais rien fait", a-t-il affirmé. "Je suis innocent dans tous ces dossiers, ok ? Je ne dois donc pas me sentir mal ou bien pour ça. Je suis innocent. Tout a été bâti sur de faux documents."
"Le juge, sans interroger le moindre témoin (...) et sans permettre à l'accusé de présenter le moindre argument, a écrit le verdict", a-t-il ajouté.
L'avion dans lequel il a pris place en compagnie du journaliste de l'AFP est attendu à Paris, via Doha, samedi matin.
Opération à cœur ouvert
La Cour suprême du Népal qui a décidé sa remise en liberté mercredi a affirmé que Charles Sobhraj avait besoin d'une opération à cœur ouvert et que cette décision était conforme à une loi népalaise autorisant la libération des prisonniers alités ayant déjà purgé les trois quarts de leur peine.
Elle a ordonné que le tueur en série, emprisonné dans cette république himalayenne depuis 2003 pour le meurtre de deux touristes nord-américains, soit expulsé dans les 15 jours vers la France.
Encadré par des policiers portant des gilets pare-balles, Charles Sobhraj, âgé de 78 ans, portant un masque médical, un chapeau marron et un manteau bleu, n'a fait aucun commentaire à la foule de journalistes qui l'attendait à sa sortie de prison.
Il a été transporté dans un fourgon de police jusqu'à l'aéroport de Katmandou, où il devait prendre l'avion pour la France.
"Le gouvernement du Népal veut le renvoyer dès que possible. Sobhraj le veut aussi", a précisé son avocat, Gopal Shiwakoti Chintan, qui lui a pris un billet sur Qatar Airways, partant à 18 h (12 h 15 GMT). "L'ambassade de France lui apporte son document de voyage", a-t-il ajouté.
Le tueur en série devait initialement être libéré jeudi mais à cause de problèmes logistiques et juridiques, sa libération a été retardée d'un jour.
Avant l'annonce de son transfèrement, le ministère français des Affaires étrangères avait de son côté fait savoir que la France l'accueillerait si une demande d'extradition lui était "notifiée". Dans ce cas, "la France serait tenue d'y faire droit puisque Charles Sobhraj est un ressortissant français", avait expliqué une porte-parole de ce ministère.
Quarante ans de prison
Citoyen français d'origine vietnamienne et indienne, Charles Sobhraj a commencé à parcourir le monde au début des années 1970 et s'est retrouvé dans la capitale thaïlandaise, Bangkok. Se faisant passer pour un négociant en pierres précieuses, il se liait d'amitié avec ses victimes, souvent des routards occidentaux sur la piste des hippies des années 1970, avant de les droguer, de les voler et de les assassiner. "Il méprisait les routards, de pauvres jeunes drogués. Lui se voyait en héros criminel", confiait en 2021 à l'AFP la journaliste australienne Julie Clarke, qui l'a interviewé.
Surnommé le "tueur au bikini", cet homme suave et sophistiqué a été lié à plus de 20 meurtres. L'autre surnom de Charles Sobhraj, "Le Serpent", lui vient de sa capacité à prendre d'autres identités pour échapper à la justice. Il est devenu le titre d'une série à succès réalisée par la BBC et Netflix qui s'inspire de sa vie.
Arrêté en Inde en 1976, il a passé 21 ans derrière les barreaux, avant de réussir à s'enfuir brièvement en 1986 après avoir drogué les gardiens de prison. Il a finalement été recapturé dans l'Etat indien du Goa.
Libéré en 1997, il s'est retiré à Paris mais a refait surface en 2003 au Népal, où il a été repéré dans le quartier touristique de Katmandou et arrêté.
L'année suivante, un tribunal l'a condamné à la prison à vie pour l'assassinat en 1975 de la touriste américaine Connie Jo Bronzich. Dix ans plus tard, il a aussi été reconnu coupable du meurtre du compagnon canadien de cette jeune femme.
Nadine Gires, une Française qui vivait dans le même immeuble que Charles Sobhraj à Bangkok, a dit à l'AFP l'année dernière qu'elle avait trouvé au départ que c'était un personnage "cultivé" et impressionnant. Mais en fin de compte, "il n'était pas seulement un escroc, un séducteur, un voleur de touristes, mais un meurtrier diabolique".
Avec AFP