La COP27 s'est terminée dimanche à l'aube avec l'adoption d'un texte qualifié d'"historique" sur l'aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique, mais sans nouvelles ambitions concernant la baisse des gaz à effet de serre. Un accord "mi-figue, mi-raisin" que regrette une grande partie de la communauté internationale.
Après des négociations difficiles qui ont débordé du calendrier prévu, la COP27 s'est terminée, dimanche 20 novembre, avec un texte très disputé sur l'aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique mais sans nouvelles ambitions pour la baisse des gaz à effet de serre.
La conférence de l'ONU sur le climat, qui s'est ouverte le 6 novembre à Charm el-Cheikh en Égypte, a pris fin à l'aube avec plus d'un jour de retard, devenant l'une des COP les plus longues de l'histoire.
"Ça n'a pas été facile" mais "nous avons finalement rempli notre mission", a souligné son président égyptien Sameh Choukri.
Une déclaration finale fruit de nombreux compromis a été finalement adoptée, appelant à une réduction "rapide" des émissions mais sans ambition nouvelle par rapport à la COP de Glasgow en 2021.
Un accord "mi-figue, mi-raisin", estime François Gemenne, chercheur en géopolitique du climat et membre du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).
Si le spécialiste reconnait une "avancée politique majeure" dans la création d'un fonds destiné à recevoir les financements liés aux pertes et dommages dans les pays du Sud, il regrette néanmoins l'absence d'engagement supplémentaire sur la gestion de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Un accord qui "n'agit pas sur les causes"
"C'est un accord schizophrénique", lance François Gemenne, auteur de "L'écologie n'est pas un consensus" (Fayard). "On est d'accord pour payer pour les dommages causés par le réchauffement climatique, mais d'un autre côté on refuse d'en faire davantage pour essayer de limiter ces dommages".
Une position partagée par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui a lui-même réagi au bilan de la COP27, évoquant "un pas important vers la justice", mais des objectifs insuffisants.
"Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant, et c'est une question à laquelle cette COP n'a pas répondu", a-t-il regretté.
La COP27 a permis l'émergence d'un fonds financier spécifique, certes : "c'est un progrès majeur pour les pays du Sud", répète François Gemenne à France 24. Mais ce dernier rappelle qu'il s'agit là d'un fonds de réparation permettant, ni plus, ni moins, l'application du principe du pollueur-payeur ou "qui casse, paie".
"Ça n'agit pas sur les causes. Tant qu'on n'agira pas davantage sur les causes (les émissions de GES), il y aura davantage de dommages associés, et donc davantage de coûts".
Le chercheur en géopolitique du climat, également professeur à l'université de Liège, en Belgique, le rappelle : il faut sortir des énergies fossiles. Une décision vivement espérée, mais sur laquelle la COP a fait chou blanc. "Les pays qui s'y opposent sont les pays producteurs d'hydrocarbures, tels l'Arabie saoudite et la Russie, mais aussi de nombreux pays émergents qui craignent de compromettre leurs objectifs de développement", explique François Gemenne.
C'est sur ce point que va se concentrer, selon lui, l'essentiel de la lutte contre le réchauffement climatique dans les prochaines années.
"Les pays émergents vont-ils choisir une trajectoire de développement carbonée (comme celle de l'Europe, de la Chine ou des États-Unis), ou vont-ils pouvoir choisir une trajectoire de développement décarbonée qui ne soit pas fondée sur l'extraction d'énergies fossiles ?", questionne François Gemenne, appelant à davantage de coopération, de transferts de technologie et d'investissement dans les pays du Sud.
Pas d'obligations imposées aux principaux émetteurs de GES
La déclaration finale de la COP27 a par ailleurs réaffirmé "l'objectif de l'Accord de Paris de poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C".
Objectif ambitieux, mais nous donnons-nous les moyens de l'atteindre ? François Gemenne répond par la négative. "Cet objectif, aujourd'hui, ressemble à une chimère", estime-t-il. "Si on fixe cet objectif sans s'engager sur des objectifs intermédiaires, on n'y arrivera jamais", poursuit le chercheur, jugeant impératif de prendre des résolutions à court terme (objectifs en termes de budget carbone à la semaine ou au mois), et non à moyen ou long terme, comme c'est actuellement le cas. "Ceux qui prennent ces objectifs savent qu'ils ne seront plus en poste, voire qu'ils seront morts, quand on atteindra cet horizon".
Pour Annalena Baerbock, ministre écologiste allemande des Affaires étrangères, "espoir et frustration" se mêlent, au sortir de cette nouvelle convention climat. "Nous avons fait une percée en matière de justice climatique - avec une large coalition d'États après des années de stagnation, mais le monde perd un temps précieux sur la trajectoire de 1,5°C", a-t-elle réagi.
"Je salue les progrès réalisés à la COP27, mais il n'y a pas de temps pour la complaisance", a de son côté déclaré le Premier ministre britannique Rishi Sunak dans un communiqué publié sur Twitter. "Garder l'engagement des 1,5°C est vital pour l'avenir de notre planète", a-t-il écrit, ajoutant : "Il faut faire plus".
Prime Minister @RishiSunak’s statement on the outcome of #COP27 pic.twitter.com/fhmWbCk4O2
— UK Prime Minister (@10DowningStreet) November 20, 2022Même déception affichée par le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans. "Le monde ne nous remerciera pas quand il entendra uniquement des excuses demain", a-t-il déclaré. "Ce que nous avons là, c'est un pas en avant trop court pour les habitants de la planète. Il ne fournit pas assez d'efforts supplémentaires de la part des principaux émetteurs pour augmenter et accélérer leurs réductions d'émissions".
Principaux émetteurs parmi lesquels la Chine, dont il n'est même pas sûr qu'elle participe au fonds de réparation. "La Chine est d'accord pour mettre de l'argent, mais ne veut pas y être contrainte et pas à la même hauteur que les pays industrialisés", explique François Gemenne, rappelant pourtant qu'il s'agit du premier émetteur mondial de GES.
Dimanche, la Suisse a regretté que le sommet de la COP27 n'ait pas imposé d'obligations aux principaux émetteurs de GES et assuré qu'elle ferait en sorte qu'ils contribuent de manière adéquate à la lutte contre le changement climatique.
"Les États se sont mis d'accord sur un programme de travail jusqu'à 2026. Toutefois, cela ne contraint pas expressément les pays qui ont les plus importantes émissions de gaz à effet de serre", selon un communiqué de l'Office fédéral de l'Environnement. "La Suisse regrette cette décision et travaillera à faire en sorte que ces pays apportent également leur contribution", poursuit le communiqué.
Pour l'instant, le fonds sera alimenté par les pays industrialisés, pollueurs historiques tels que l'Europe, les États-Unis, le Japon et la Russie. La hauteur des contributions n'a pas encore été fixée, précise le chercheur en géopolitique du climat. "Il faut évaluer l'ampleur des dégâts, tangibles et intangibles (liés aux migrations et pertes de cultures), et ce sera une évaluation difficile", précise-t-il.
La ministre pakistanaise du Changement climatique, Sherry Rehman, présidente en exercice du puissant groupe de négociation G77+Chine avait auparavant estimé que ce fonds "n'est pas une question de charité" mais "un acompte sur l'investissement à plus long terme dans notre avenir commun et un investissement dans la justice climatique".
À l'issue de la COP, le ministre de l'Environnement d'Antigua-et-Barbuda, Molwyn Joseph, au nom de l'alliance des petits États insulaires (Aosis) a quant à lui déclaré : "Aosis avait promis au monde de ne pas quitter Charm el-Cheikh sans réussir à établir un fonds de réponse pour les pertes et dommages. Cette mission de 30 ans est maintenant accomplie".
Avec AFP