Des journalistes, des avocats ou encore l'ancien patron du foot européen Michel Platini et une sénatrice française ont été les cibles de hackers embauchés afin de protéger la réputation du Qatar dans le cadre de l'organisation du Mondial de football 2022, révèle une enquête publiée dimanche dans le Sunday Times.
À deux semaines d'un Mondial de foot déjà controversé au Qatar, le pays du Golfe est au cœur d'une nouvelle polémique, accusé d'être à l'origine de l'espionnage par des hackers de près d'une cinquantaine de personnalités dans le cadre de l'organisation de la compétition.
Selon une enquête publiée dimanche 6 novembre dans le quotidien britannique The Sunday Times, des journalistes, avocats, ou encore l'ancien patron du foot européen Michel Platini ainsi qu'une sénatrice française, ont été les cibles de hackers embauchés pour protéger la réputation du Qatar.
Ces personnalités ont le plus souvent été visées pour leurs travaux ou prises de positions critiques sur l'attribution et l'organisation de la Coupe du monde de football, dont le coup d'envoi doit avoir lieu le 20 novembre.
Le Qatar est mis en cause pour le traitement des travailleurs sur les chantiers liés à la compétition, le respect des droits des femmes et des personnes LGBT, ou encore le recours éventuel à la climatisation dans les stades où se joueront les matchs.
Les appels au boycott de la compétition se sont multipliés, pour un événement suivi tous les quatre ans par des milliards de gens dans le monde. En France, cinq grandes villes, dont Paris, ont renoncé à installer des écrans géants et des fan zones pour retransmettre les matchs durant la compétition.
Michel Platini "surpris et profondément choqué"
Parmi les personnalités visées par le groupe de hackers basé en Inde, se trouvent notamment des journalistes, comme celui du Sunday Times Jonathan Calvert, qui avait enquêté sur les manœuvres de corruption supposées, ayant mené à l'attribution de l'épreuve au Qatar en 2010.
Ont aussi été espionnés la sénatrice française, Nathalie Goulet, qui avait accusé le Qatar de financer "le terrorisme islamique", et l'avocat américano-hongrois Mark Somos, qui a déposé plainte contre la famille régnante du Qatar devant le Haut conseil des Nations unies pour les droits de l'Homme. L'ancien président de l'UEFA, Michel Platini, pourtant grand défenseur de la candidature du Qatar pour organiser le Mondial, aurait aussi été visé.
Cela se serait produit peu avant qu'il ne soit entendu par la justice française dans le cadre d'une enquête sur les soupçons de corruption dans l'attribution de la Coupe du monde à l'émirat gazier.
En réaction aux affirmations du journal anglais, Michel Platini s'est dit "surpris et profondément choqué", dans un communiqué transmis à l'AFP. L'ancien capitaine de l'équipe de France étudie "toutes les suites judiciaires qu'il est déterminé à donner – si les informations du Sunday Times sont exactes –, à ce qui apparaît être une violation manifeste et crapuleuse de sa vie privée", est-il précisé.
Prise de contrôle des micros et caméras des ordinateurs des personnes ciblées
Selon les données récupérées par le Sunday Times et The Bureau of Investigative Journalism (TBIJ) cette année, c'est à partir de 2019 qu'ont débuté ces opérations de piratage des boîtes mails ou de prise de contrôle à distance des micros et caméras des ordinateurs des personnes ciblées.
"L'enquête indique clairement que le client [des hackers] est l'hôte de la prochaine Coupe du Monde : le Qatar", écrivent les journalistes.
Le recours au groupe indien de hackers aurait été fait par l'intermédiaire d'anciens officiers de police ou du renseignement britanniques, travaillant désormais dans le secteur privé, détaille l'enquête du Sunday Times.
Dans une déclaration transmise à l'AFP, un responsable qatari a dénoncé des allégations "manifestement fausses et sans fondements", qui reposent "sur une source unique qui prétend que son client était le Qatar, sans apporter la moindre preuve". "Le Qatar ne restera pas les bras croisés […], et toutes les options juridiques à notre disposition sont à l'étude pour s'assurer que leurs responsables rendront des comptes", prévient-il encore.
Au-delà du Qatar, l'enquête du Sunday Times révèle de nombreux autres cas de hacking de personnalités réalisées par le même groupe indien, pour le compte de cabinets d'avocats anglais et de régimes autocratiques.
Avec AFP