
À la veille de l’ouverture de la COP27 en Égypte, l'eurodéputée Karima Delli, l'une des grandes voix de l'écologie au Parlement européen et la présidente de la commission transports et tourisme au sein de cette institution, s’exprime sur l’urgence des enjeux climatiques. Que propose l'Union européenne sur le sujet et est-elle à la hauteur de ces enjeux ?
Alors que l'Europe suffoque, cet automne, avec des températures estivales, Karima Delli fustige les politiques qui n’ont pas anticipé la rapidité du changement climatique, malgré les avertissements des écologistes. "Nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis 40 ans, on ne nous a pas écoutés, on nous a pris pour de doux rêveurs. Aujourd’hui, les conséquences sont là", déplore-t-elle. L’eurodéputée du groupe des Verts reprend les mots d’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies : "Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale."
Face à cette urgence, Karima Delli alerte sur le fait que la France suit une transition énergétique trop lente. Elle milite pour une politique économique plus ambitieuse en la matière, une rénovation thermique des bâtiments existants et un recours massif aux énergies renouvelables.
Interrogée sur les conséquences de la guerre en Ukraine sur l'énergie et notamment sur l'actuelle pénurie de carburant, la présidente de la commission transports au Parlement européen estime qu'il faut "privilégier les alternatives : plus de trains, de transports en commun, de vélo". "Mais il faut aider ceux qui n’ont pas le choix, martèle-t-elle par ailleurs. Il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale."
Concernant le gaz et la volonté de l’UE de plafonner son prix, Karima Delli refuse la fuite en avant. "Le gaz est une énergie fossile. Aucun scénario ne justifie de pousser les énergies fossiles ou d’ouvrir de nouvelles exploitations", souligne-t-elle. L'écologiste estime qu'il faut viser à terme la sortie du gaz pour aller vers des alternatives renouvelables. Même si l’Europe doit, selon elle, jouer un rôle de régulateur sur les prix.
Face au développement de la voiture électrique et l’éventuelle exploitation de lithium en France, Karima Delli prône la prudence. "Il faut réfléchir au cycle de vie d’une voiture, à l’économie circulaire et aux matériaux dont nous avons besoin pour les défis de demain", tempère la présidente de la commission transports.
Karima Delli attaque aussi le projet du gouvernement d’Emmanuel Macron de lancer six nouveaux EPR (réacteurs nucléaires) sans réel débat public alors que, selon elle, "le nucléaire est une énergie dangereuse, chère, polluante, inadaptée".
L'élue critique également le bilan des différentes Conférences sur le climat. "Rien ne bouge, s'insurge-t-elle. […] Les pays riches ont échoué à revoir leurs objectifs climatiques." Mais elle se félicite de l’objectif du Pacte vert pour l'Europe prévoyant une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 – tout en se demandant si cette ambition ira à terme. Karima Delli regrette aussi que les promesses des fonds verts de la COP en 2009 pour aider l’Afrique et les pays du Sud n’aient pas été tenues.
Enfin, au sujet des récents différends entre la France et l’Allemagne, notamment sur la défense et l’énergie, Karima Delli estime que "lorsque le couple franco-allemand est mis a l’épreuve, il y a peut-être un renouveau pour l’Europe. Il devrait y avoir une nouvelle dynamique." Selon elle, les décisions nationales ne doivent pas être prises de manière égoïste et il faut jouer collectif : "La pandémie a montré comment on peut être solidaire", conclut-elle.
Émission préparée par Perrine Desplats, Sophie Samaille et Isabelle Romero.