logo

TotalEnergies a annoncé, vendredi, la signature d'un accord majoritaire sur les salaires avec la CFDT et la CFE-CGC, validant le compromis trouvé dans la nuit avec les deux organisations. Les salariés grévistes du groupe ont toutefois reconduit leur mouvement, avec la journée de mobilisation interprofessionnelle du 18 octobre dans le viseur. De son côté, la CGT a refusé l'accord et annonce reconduire le mouvement sur l'ensemble des sites du groupe.

Les deux syndicats majoritaires de TotalEnergies, la CFE-CGC et la CFDT, ont signé, vendredi 14 octobre, l'accord sur les salaires intervenu dans la nuit, prévoyant une hausse de 7 % sur 2023 rétroactive au 1er novembre 2022, ont annoncé le groupe et les syndicats concernés.

"Après consultation interne, nous venons de signer l'accord", a indiqué à l'AFP Dominique Convert, coordinateur CFE-CGC. Son homologue de la CFDT Geoffrey Caillon a souligné que pour son syndicat, "valider cet accord, c'est aussi demander à tout le monde d'apaiser le climat". La direction, de son côté, souligne dans un communiqué qu'il s'agit d'un accord "majoritaire" et appelle à la "fin de la grève sur l'ensemble de ses sites". 

Les deux syndicats signataires pèsent 56 % du poids des signatures. La CGT, deuxième syndicat de TotalEnergies, à l'origine du mouvement social pour les salaires lancé il y a 18 jours, avait pour sa part quitté la négociation salariale durant la nuit et annoncé une poursuite de la grève.   

Encore "loin" des 10 % d'augmentation des salaires

Dans son communiqué, TotalEnergies détaille les termes de l'accord : "la compagnie accordera une enveloppe d'augmentations salariales pour 2023 de 7 % des salaires". "Dans le cadre de cette enveloppe, tous les ouvriers et techniciens bénéficieront d'une augmentation générale de 5 % avec un plancher de 2 000 euros pour les plus bas salaires, et tous les cadres d'une garantie d'augmentation de 3,5 % et d'un plancher d'augmentation de 2 000 euros" ajoute le texte.

Les "augmentations générales et garanties seront versées dès le mois de décembre et seront rétroactives au 1er novembre 2022". "Enfin, concernant la prime pour le partage de la valeur d'un mois de salaire accordée par la compagnie, qui sera versée en décembre, l'accord prévoit un plancher de 3 000 euros et un plafond de 6 000 euros".

Selon le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, les propositions de la direction de Total aux syndicats sont cependant encore "loin" des 10 % d'augmentation générale des salaires. "Nous, on demande 10 %", une hausse correspondant à "l'inflation plus le partage des richesses, puisque Total se porte bien et que les actionnaires ont été servis depuis longtemps", a souligné le leader cégétiste. "Pour le moment, 5 % c'est loin de 10 % (...) Les salariés n'acceptent pas la proposition de la direction, il faut renégocier", a-t-il ajouté.

La signature de l'accord n'interrompt toutefois pas le mouvement social. Les salariés grévistes de TotalEnergies ont décidé de reconduire, pour quelques heures voire quelques jours, leur mouvement sur l'ensemble des sites du groupe pétrolier. Certains sites ont l'intention de poursuivre la grève jusqu'à faire la jonction avec la journée de mobilisation interprofessionnelle, prévue mardi 18 octobre.

En revanche, la grève a été levée successivement jeudi et vendredi dans les deux seules raffineries du groupe Esso-ExxonMobil en France, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) puis à Gravenchon, en Normandie, après la conclusion d'un accord salarial mardi.

"On ne peut plus travailler"

Le mouvement des raffineries s'est déjà mué en appels à la grève générale, et mardi prochain devrait être l'occasion d'une grande journée de grève nationale, des transports aux fonctionnaires, suite à l'appel jeudi de quatre grands syndicats (CGT, FO, Solidaires, FSU) et de plusieurs organisations de jeunesse. La grève de mardi touchera en particulier la SNCF et la RATP.

Le gouvernement avait fait fortement pression pour que ces négociations commencent, et Emmanuel Macron a assuré que le retour à la normale interviendrait "dans le courant de la semaine qui vient".

Dans les Hauts-de-France, en Île-de-France et dans le Centre-Val-de-Loire, particulièrement touchés par les pénuries créées par les grèves dans les raffineries et dépôts de carburants, les automobilistes ont continué jeudi leur quête d'essence et de diesel, chassant les ravitaillements de camions-citernes et surveillant les applications. Une pénurie qui fait perdre un temps considérable aux professionnels qui dépendent de leur véhicule : transporteurs routiers, artisans, ambulanciers...

"Depuis quatre-cinq jours, c'est la catastrophe", s'exclame Françoise Ernst, monitrice d'auto-école à Paris. "On ne peut plus travailler." "C'est un vrai problème, pas que pour les chefs d'entreprise, pour tout le monde", témoignait aussi Enzo Rougès, chef d'entreprise dans l'automobile, à une station BP de Paris prise d'assaut.

Pénurie de carburants : poursuite de la grève chez TotalEnergies malgré un accord salarial

Les grossistes en difficulté vendredi

Sur le terrain, les premiers salariés réquisitionnés, forcés de travailler sous peine de sanctions pénales, ont permis de libérer de premiers stocks de carburants par oléoduc (7 000 m3 du dépôt de Gravenchon en Normandie en 24 heures, selon le gouvernement) et par la route (25 camions-citernes de Dunkerque jeudi), sans encombre.

Pour accélérer la reprise, le gouvernement a de nouveau autorisé les camions-citernes à rouler ce week-end, alors que les poids lourds ont normalement interdiction de rouler du samedi 22 h au dimanche 22 h.

Malgré ces réquisitions, les livraisons des clients des grossistes pourraient être "sévèrement et généralement compromises à partir de vendredi", a prévenu jeudi soir la CGF, l'organisation professionnelle du secteur.

"Les entreprises du commerce de gros sont logées à la même enseigne que tout automobiliste et sont confrontées aux mêmes écarts géographiques", s'alarme la CGF, dont une enquête auprès de ses adhérents révèle leur "inquiétude grandissante".

Selon la Confédération des grossistes de France (CGF), 85 % de ses membres ne disposent pas personnellement de cuve de carburant et, en moyenne, un plein permet de circuler entre deux et cinq jours selon le kilométrage et la fréquence de rotation.

Pour ceux qui possèdent une cuve, les stocks permettent de tenir entre trois et 15 jours.

Ces grossistes "craignent de réels risques d'arrêt d'activité à l'approche de la fin de semaine si la situation des livraisons ne s'améliore pas", assure la CGF.

Selon Agnès Pannier-Runaher, à 13 h vendredi, 28,5 % des stations service françaises étaient en rupture d'au moins un carburant, contre 29,2 % jeudi. Dans le Centre-Val-de-Loire, ce taux atteint 42,2 %, tandis qu'en Île-de-France, il s'élève à 37 %. En déplacement à Lille, la ministre de la Transition énergétique "appelle les distributeurs, et en particulier Total, à se mobiliser vraiment tout ce week-end pour que les camions soient au rendez-vous à la sortie des dépôts".

Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports, a remercié les transporteurs routiers mobilisés de façon "exemplaire" pour résorber les pénuries de carburants, mais a rappelé que les tensions allaient encore durer. Il faudra "quelques jours de délais inévitables pour remettre en place les chaînes d'approvisionnement", a-t-il déclaré, précisant que le président de la République, Emmanuel Macron, "a donné un cap qui est le milieu de la semaine prochaine" pour un début de retour à la normale.

Avec AFP