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Corrosion de réacteurs nucléaires : la France échappe au pire pour cet hiver

L'Autorité de sûreté nucléaire a validé mercredi la stratégie d'EDF pour faire face aux problèmes de corrosions qui plombent les perspectives d'approvisionnement en électricité cet hiver. Actuellement, une trentaine de réacteurs sur 56 sont à l'arrêt, dont 12 pour la corrosion et 18 pour des maintenances programmées.

La France a échappé à un scénario noir pour son approvisionnement en électricité, déjà très tendu pour l'hiver prochain, le gendarme du nucléaire ayant validé mercredi 27 juillet la stratégie d'EDF pour faire face aux problèmes de corrosion affectant certains réacteurs.

EDF prévoit de contrôler l'ensemble de ses réacteurs d'ici à 2025 par ultrasons pour rechercher d'éventuelles traces de ce problème qui a conduit à l'arrêt de 12 réacteurs sur 56.

Le groupe doit contrôler en priorité les zones les plus sensibles des réacteurs de 1 450 MW – les plus puissants – et certains de 1 300 MW.

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) "considère que la stratégie d'EDF est appropriée compte tenu des connaissances acquises sur le phénomène et des enjeux de sûreté associés", indique-t-elle dans un communiqué, sans réclamer de calendrier de contrôle plus resserré dans l'ensemble.

"Toutefois, s'agissant du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Belleville, l'ASN considère que le contrôle de ce réacteur prévu en 2024 est trop tardif", précise-t-elle.

EDF en "prend acte" et "étudie une nouvelle programmation des contrôles pour ce réacteur", indique le groupe dans une note d'information.

Le calendrier des contrôles "s'inscrit dans le cadre des arrêts déjà programmés sur les années 2022 à 2025", souligne l'entreprise. Mais "ces arrêts sont susceptibles de se prolonger en cas de réparation pour des durées totales pouvant atteindre 25 semaines".

L'ASN estime par ailleurs que les connaissances sur le phénomène sont "encore évolutives" et que "le programme de contrôle devra être adapté si les contrôles ou analyses mettent en évidence des éléments nouveaux".

Ces problèmes de corrosion ont été détectés ou soupçonnés au niveau de soudures des coudes des tuyauteries d'injection de sécurité (RIS) – qui permettent de refroidir le réacteur en cas d'accident – reliées au circuit primaire. Cette corrosion dite "sous contrainte" se traduit par des petites fissures.

Le circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA) de certains réacteurs fera aussi l'objet de contrôle.

Une trentaine de réacteurs actuellement à l'arrêt

Ce problème de corrosion plombe les perspectives de production d'électricité nucléaire et de résultats financiers cette année pour EDF, dont le gouvernement a prévu la renationalisation à 100 %.

Il a aussi suscité des inquiétudes pour l'approvisionnement électrique de la France l'hiver prochain. Une trentaine de réacteurs sur 56 sont actuellement à l'arrêt, dont 12 pour la corrosion et 18 pour des maintenances programmées.

De ce point de vue, la décision de l'ASN mercredi n'aggrave pas la situation car le gendarme du nucléaire ne réclame pas des contrôles plus rapides, synonymes d'arrêts de réacteur, mais valide pour l'essentiel le calendrier d'EDF.

"Le scénario auquel on échappe, c'est celui où l'ASN rajoute une contrainte supplémentaire qui diminue la disponibilité nucléaire pour l'hiver à venir", explique Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Energie. "Un avis négatif de l'ASN aurait pu être une mauvaise nouvelle", voire "une catastrophe", relève-t-il.

"Je trouve que c'est plutôt rassurant que l'ASN prenne cette décision", affirme Sébastien Menesplier, de la CGT Mines-Énergie, interrogé par l'AFP. "Compte-tenu de la situation énergétique aujourd'hui et celle du parc de production, tant mieux que l'ASN valide cela, sinon on aurait été dans une sacrée panade."

Les craintes quant à l'approvisionnement cet hiver s'ajoutent à d'autres facteurs, à commencer par la flambée des prix du gaz alimentée par la crainte d'une pénurie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine, qui tire les prix de l'électricité vers des sommets.

Les prix ont quasiment doublé en quelques semaines : l'électricité pour livraison en 2023 en France se négociait mercredi autour de 500 euros le mégawattheure (MWh), contre moins de 300 euros mi-juin.

Ces prix à terme n'obéissent plus à leur logique économique habituelle mais reflètent vraisemblablement "des anticipations de forte pénurie" et "une prime de risque élevée sur le marché de l'électricité français", selon le régulateur du secteur.

Les craintes ne se résument pas au parc nucléaire. "La vraie question pour moi, ce sont les interconnexions", alors que la France dépend de ses voisins une partie de l'hiver, juge Julien Teddé.

"S'il y a un rationnement de gaz l'hiver prochain, avec en plus des questions sur la solidarité entre États, ça ne me semble pas complètement gagné que les Allemands acceptent de brûler du gaz pour produire de l'électricité et l'envoyer en France", prévient-il.

Avec AFP