La 75e édition du Festival de Cannes s’est ouverte, mardi soir, dans une ambiance festive avec l’avant-première de la comédie française “Coupez !”. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est vu offrir une tribune depuis Kiev. Toute la journée, les professionnels de l’industrie et les hôteliers se sont affairés sur la Croisette, heureux de constater le retour des visiteurs étrangers.
Bérénice Bejo et Romain Duris tout sourires sur le tapis rouge. La 75e édition du Festival de Cannes a officiellement débuté, mardi 17 mai, avec la projection hors compétition de "Coupez !", une parodie loufoque des films de zombies.
✨ Montée des Marches de COUPEZ ! de Michel HAZANAVICIUS - Film d'ouverture de la 75e édition du Festival de Cannes #HorsCompetition
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✨#RedSteps COUPEZ! (FINAL CUT) by Michel HAZANAVICIUS - Opening film #Cannes2022 #OutOfCompetition pic.twitter.com/quDWsEMzxx
Le nouveau long métrage du réalisateur Michel Hazanavicius, oscarisé en 2012 pour “The Artist”, devait initialement être projeté au festival américain de Sundance, dans l’Utah, en janvier dernier. Mais la production avait finalement retiré le film, les organisateurs du festival ayant été contraints d’organiser une édition virtuelle du fait d’une recrudescence de cas de Covid-19.
La cérémonie a été marquée par l'apparition surprise du président ukrainien Volodymyr Zelensky, en trellis, à l'écran du Palais des Festivals.
"Il nous faut un nouveau Chaplin qui prouvera que le cinéma n'est pas muet" face à la guerre a-t-il lancé. "Nous allons continuer de nous battre, nous n'avons pas d'autre choix (...) Je suis persuadé que le 'dictateur' va perdre", a poursuivi Volodymyr Zelensky, en référence au président russe Vladimir Poutine et au film de Charlie Chaplin, qu'il a cité à plusieurs reprises.
"C'est du cinéma que dépend notre avenir." Les mots forts de Volodymyr Zelensky pendant la Cérémonie d’ouverture du 75e Festival de Cannes.
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"Our future depends on cinema." The strong speech of Volodymyr Zelensky during the Opening Ceremony of #Cannes2022 pic.twitter.com/DoT8TYIVAu
Cette intervention écrit une nouvelle page dans la longue histoire politique du Festival, fondé en 1939 pour s'opposer à la Mostra de Venise de l'Italie fasciste, mais dont la première édition, guerre mondiale oblige, n'a pu se tenir qu'en 1946.
Une saison qui "s’annonce bien"
Plus tôt, dans la ville, l'ambiance était à la fête, du côté des touristes, présents en nombre, comme des professionnels.
"Nous sommes en pleine effervescence ! Très, très heureux de revenir à la normale, c’est à-dire avec un festival et un marché du film en présentiel", explique Christine Welter, directrice de l'hôtel Cavendish, et présidente du syndicat des hôteliers de Cannes. "La situation en fonction des régions du monde est inégale, mais nous sommes sur des taux de fréquentation qui sont, pour la première semaine, supérieurs à ceux de 2019".
Confirmant ses dires, un flot ininterrompu de badauds de toutes nationalités circule sur la Croisette, à quelques heures de l’ouverture. De l’autre côté de la rue, Guillaume, gérant de la brasserie du Casino s’active au comptoir, à l’approche du service de midi. "L’année dernière, le Festival s’est tenu en juillet, ce n’était vraiment pas idéal car c’est cet événement qui lance la saison, et nous permet de travailler dans la durée", explique le jeune homme. "Cette année, la saison s’annonce bien. Le public étranger du Festival est bien revenu. Depuis deux jours, on a beaucoup plus de monde".
Quelques mètres plus loin, une longue file d’attente borde une barrière blanche le long du Palais des festivals. Des professionnels de l’industrie cinématographique, arborant des badges, font la queue pour se rendre au marché du film, qui vient d’ouvrir à l’intérieur du bâtiment.
Le marché asiatique "toujours réticent"
À l’entrée, une série de stands de pays asiatiques affichent leurs dernières productions cinématographiques, espérant trouver des acheteurs. À l’écart, seul dans une allée, le bureau de la CFCC (Chine film coproduction corp), le principal producteur et exportateur de films chinois, fait pâle figure. Ses deux employés nous confirment qu’aucun professionnel du secteur n’a pu faire le déplacement cette année, alors que la pandémie sévit dans plusieurs grandes villes dont Pékin et Shangaï.
"Avant la crise du Covid-19, il y avait une quinzaine de stands asiatiques ici. Aujourd’hui, nous sommes trois fois moins", souligne Caroline Artus, chargée de projet chez Jetro, l’agence japonaise de la promotion du commerce extérieur. "Dans beaucoup de nos pays, à l’exception de la Chine, les restrictions sanitaires ont été levées mais les entreprises demeurent réticentes à envoyer leurs employés à l’étranger. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de grands événements comme Cannes".
Les Américains "deux fois plus nombreux"
Selon les organisateurs du Festival, 35 000 accréditations ont été délivrées dans le cadre de la 75e édition, soit 5 000 de moins qu’en 2019, du fait notamment d’une plus faible demande des pays d’Asie. Malgré tout, comparé à l’année 2021, où seulement 20 000 accréditations avaient été distribuées, Cannes vit aujourd’hui un spectaculaire redémarrage.
Cette année, 12 000 professionnels de plus de 110 pays sont présents au marché du film. Des chiffres supérieurs aux attentes, selon les organisateurs, avec au premier rang les États-Unis, pays le plus représenté devant la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne.
"Nous sommes deux fois plus nombreux que l’année dernière", explique Steven Isbock, président de la société California Pictures Inc., situé en plein milieu des stands américains. Depuis 18 ans, ce producteur basé à Los Angeles n’a raté aucune édition du marché du film, réputé être le plus important au monde. "La première année de Covid-19 a été horrible chez nous, elle nous a fait perdre 80 % de notre chiffre (d'affaires)", souligne-t-il, amer.
"Aujourd’hui, les professionnels sont de retour, certes, mais ce que vous voyez autour de vous, ce sont avant tout des exposants... ce qu’il nous faut maintenant, c’est du business, donc des acheteurs !", assène-t-il avec ferveur. Sous les regards amusés des visiteurs, le producteur californien saisit la dernière édition du Hollywood Reporter, magazine américain de référence sur le cinéma. "Vous voyez ça ? C'est ça le mot clé !”, lance-t-il hilare, le doigt sur la couverture de la revue où figure le mot “hope” (espoir).