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Sri Lanka : les manifestants mobilisés malgré l’ordre de tirer sur les émeutiers

Plusieurs centaines de personnes ont défilé dans la capitale du Sri Lanka, mardi, malgré l’ordre donner aux forces de sécurité de "tirer à vue" sur les pillards. Alors que le Premier ministre a été forcé à la démission, les manifestants continuent d'exiger le départ de son frère, le président Gotabaya Rajapaksa, qu'ils jugent responsable de la grave crise économique qui frappe le pays.  

La colère gronde toujours au Sri Lanka, au lendemain de violents affrontements, qui ont précipité la démission du Premier ministre. Plusieurs centaines de manifestants ont défilé, mardi 10 mai, défiant le couvre-feu à Colombo, malgré l’ordre du gouvernement de "tirer à vue" sur les pillards et les personnes impliquées dans les violences.

L'ONU a dénoncé "l'escalade de la violence" et demandé aux autorités d'entamer le dialogue avec la population, excédée par des mois de graves pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments, et qui demande le départ de la famille Rajapaksa du pouvoir. L'UE a exhorté toutes les parties à éviter la violence.

Le ministère de la Défense a annoncé que "les forces de sécurité ont reçu l'ordre de tirer à vue sur quiconque pillera des biens publics ou attentera à la vie" d'autrui. Des dizaines de milliers de militaires ont été déployés dans les rues du pays.

Sri Lanka : les manifestants mobilisés malgré l’ordre de tirer sur les émeutiers

En réponse, des manifestants ont incendié des dizaines de maisons d'hommes politiques appartenant au parti au pouvoir et ont tenté de prendre d'assaut la résidence officielle du Premier ministre située dans la capitale.

Un hôtel de luxe qui appartiendrait à un proche de la famille Rajapaksa a également été incendié, mardi soir, près de la forêt tropicale de Sinharaja (sud).

Plus tôt dans la journée, le numéro deux de la police nationale a été légèrement blessé par la foule et son véhicule incendié près de la résidence du Premier ministre à Colombo, selon les autorités.

Affrontements meurtriers entre manifestants et policiers

La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, s'est dite "profondément troublée" après que des partisans du Premier ministre Mahinda Rajapaksa "ont attaqué des manifestants pacifiques à Colombo" lundi, ainsi que par "les attaques de foules contre les membres du parti au pouvoir qui ont suivi".

"Les gens sont en colère après les attaques lancées contre nous hier. Et malgré le couvre-feu, nous avons beaucoup de volontaires qui viennent nous apporter de la nourriture et de l'eau", a déclaré un manifestant, Chamal Polwattage, ajoutant : "Nous ne partirons pas tant que le président (Gotabaya Rajapaksa) ne s'en ira pas".

Les affrontements de lundi ont fait huit morts, dont deux policiers, et plus de 200 blessés, selon la police - la journée la plus meurtrière depuis le 19 avril, lorsque la répression d'une manifestation antigouvernementale avait fait un mort et plus de 24 blessés dans le centre du pays. Des dizaines de bâtiments et des centaines de véhicules ont été incendiés.

Lundi, à Nittambuwa, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale, un député du parti au pouvoir, Amarakeerthi Athukorala, s'est suicidé après avoir tiré sur deux manifestants anti-gouvernementaux qui bloquaient sa voiture. Deux autres personnes ont été tuées dans la journée, à Weeraketiya (sud), où un membre du parti au pouvoir a tiré sur des manifestants.

"Mauvaise passe" pour les Rajapaksa

Le pays est secoué depuis plusieurs semaines par des manifestations quotidiennes contre le gouvernement des Rajapaksa, après des mois de pénuries marquant la plus grave crise économique depuis l'indépendance en 1948.

Sri Lanka : les manifestants mobilisés malgré l’ordre de tirer sur les émeutiers

Les autorités ont annoncé que le couvre-feu serait prolongé jusqu'à jeudi matin. Bureaux, magasins et écoles sont restés fermés mardi.

L'armée a exfiltré dans la matinée Mahinda Rajapaksa de sa résidence officielle, après que des milliers de manifestants en ont forcé un des portails et tenté de prendre d'assaut le bâtiment où le frère du président Gotabaya Rajapaksa s'était retranché avec sa famille.

"Mon père est en sécurité, il se trouve dans un endroit sûr", a déclaré à l'AFP son fils aîné, Namal Rajapaksa, 35 ans, avocat de formation. Il a ajouté que son père resterait député et entendait jouer un rôle actif dans le choix de son successeur.

"Nous ne quitterons pas le pays", a-t-il insisté, qualifiant la colère nationale contre sa famille de "mauvaise passe".

Les manifestants et chefs religieux sri-lankais ont reproché au Premier ministre, qui a démissionné, d'avoir incité ses partisans à la violence.

"Arrêtez les responsables de l'instigation de la violence, indépendamment de leur position politique", a ordonné à ses troupes Chandana Wickramaratne, le chef de la police. Cette dernière a, comme la commission locale des droits humains, annoncé l'ouverture d'une enquête.

Un pays qui s'enfonce dans la crise économique

Le président est toujours en fonction, avec des pouvoirs étendus et le commandement des forces de sécurité. Même avec un gouvernement de coalition, il pourra nommer et destituer les ministres ainsi que les juges, et bénéficiera de l'immunité.

Les partis d'opposition ont déclaré, mardi, avoir annulé les pourparlers en vue d'une coalition avec le gouvernement après l'explosion de violence.

Mais selon des sources politiques, des tentatives étaient toujours en cours pour organiser une réunion en ligne entre le président et tous les partis politiques.

Pour Akhil Bery, de l'Asia Society Policy Institute, quoi qu'il arrive, le prochain gouvernement devra prendre des "décisions impopulaires" pour redresser l'économie en ruines.

Tout renflouement par le Fonds monétaire international (FMI), actuellement en négociation, signifierait "une augmentation des impôts et une diminution des dépenses publiques, ce qui est une combinaison politiquement toxique".

Avec AFP