La Cour suprême des États-Unis a confirmé mardi l'authenticité d'un document interne augurant de la fin du droit constitutionnel à avorter, publié la veille par le site Politico, tout en soulignant qu'il ne représentait pas la décision "finale" de la haute juridiction.
Le droit à l’avortement est plus que jamais menacé aux États-Unis : la Cour suprême américaine a confirmé mardi 3 mai l'authenticité d'un document interne révélé par Politico et augurant de la fin du droit constitutionnel à avorter.
Dans un communiqué, le chef de la Cour, le juge John Roberts, a ajouté avoir "ordonné une enquête" pour découvrir l'origine de la fuite de cet avant-projet d'arrêt. Celui-ci doit encore faire l'objet de négociations jusqu'à sa publication avant le 30 juin.
L'arrêt Roe v. Wade qui, en 1973, a estimé que la Constitution américaine protégeait le droit des femmes à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), était "totalement infondé dès le début", est-il écrit dans cette proposition de texte. "Nous estimons que Roe v. Wade doit être annulé", ajoute Samuel Alito, pour qui le droit à l'avortement "n'est protégé par aucune disposition de la Constitution".
Le président des États-Unis, Joe Biden, a estimé mardi que l'argumentaire déroulé par la Cour suprême américaine dans un projet de décision très défavorable au droit à l'avortement allait "bien au-delà" de l'IVG et remettait potentiellement en cause "toute une série" d'autres droits.
Un avant-projet qualifié de "scandaleux"
"En temps normal, très peu d’informations filtrent dans la presse à propos des discussions à la Cour suprême" explique la correspondante de France 24 à Washington, Kethevan Gorjestani. "La publication de ce document est d’autant plus surprenante qu’il s’agit d’un avant-projet et non d’une décision finale. Pour autant, personne ne questionne son authenticité et nombre d’observateurs considèrent qu’ils pourraient bien s’agir de la décision définitive".
Cette "fuite" a envoyé une onde de choc à travers le pays. Si cette conclusion est bien retenue par la Haute Cour, les États-Unis reviendront à la situation en vigueur avant 1973 quand chaque État était libre d'interdire ou d'autoriser les avortements.
Compte-tenu des importantes fractures géographiques et politiques sur le sujet, une moitié des États, surtout dans le sud et le centre conservateurs, devraient rapidement bannir la procédure sur leur sol.
"Soyons clair : c'est un avant-projet. Il est scandaleux, sans précédent mais pas final : l'avortement reste votre droit et est encore légal", a tweeté l'organisation Planned Parenthood, qui gère de nombreuses cliniques pratiquant des avortements.
Let's be clear: This is a draft opinion. It’s outrageous, it’s unprecedented, but it is not final.
Abortion is your right — and it is STILL LEGAL. https://t.co/s9R7w99n71
Plusieurs élus démocrates, dont la sénatrice du Minnesota, Amy Klobuchar, ont estimé que cette fuite confirmait "l'urgence" d'inscrire le droit à l'avortement dans la loi.
Une proposition en ce sens a été adoptée à la Chambre des représentants mais est enlisée au Sénat à cause de la féroce opposition des républicains. Ces derniers ont, au contraire, salué une victoire annoncée. "C'est la meilleure et la plus importante nouvelle de notre vie", a commenté la représentante Marjorie Taylor Green, alors que son confère Josh Hawley appelait la Cour à publier "dès maintenant" son arrêt.
Des signaux favorables aux opposants à l'IVG
La Cour suprême a été profondément remaniée par Donald Trump qui, en cinq ans, y a fait entrer trois magistrats, solidifiant sa majorité conservatrice (six juges sur neuf).
Depuis septembre, la plus haute juridiction des États-Unis a envoyé plusieurs signaux favorables aux opposants à l'avortement. Elle a d'abord refusé d'empêcher l'entrée en vigueur d'une loi du Texas qui limite le droit à avorter aux six premières semaines de grossesse contre deux trimestres dans le cadre légal actuel.
Lors de l'examen en décembre d'une loi du Mississippi, qui questionnait aussi le délai légal pour avorter, une majorité de ses magistrats ont clairement laissé entendre qu'ils étaient prêts à grignoter voire à tout bonnement annuler Roe v. Wade.
Le document présenté par Politico porte sur ce dossier. Sa publication constitue une fuite rarissime pour la Cour suprême, où le secret des délibérations n'a quasiment jamais été violé.
Avec AFP et Reuters