
7 000 personnes ont manifesté dimanche après-midi à Bastia, en Haute-Corse, pour une manifestation en soutien à Yvan Colonna – militant indépendantiste corse condamné pour l'assassinat du préfet Erignac –, victime la semaine dernière d'une agression en prison qui l'a laissé dans le coma. Des violences ont éclaté et 67 personnes ont été blessées, dont 44 membres des forces de l'ordre.
Onze jours après l'agression en prison d'Yvan Colonna, une grande manifestation s'est déroulée, dimanche 13 mars dans l'après-midi, à Bastia, entre colère et appel au calme, avec le mot d'ordre "Vérité et justice" pour le militant indépendantiste, toujours entre la vie et la mort.
Après une heure de défilé au cri de "État français assassin", la manifestation a viré à "l'émeute", selon le procureur de Bastia. Selon le dernier point de la préfecture, 67 personnes ont été blessées, dont 44 membres des forces de l'ordre.
"Des émeutes ont lieu à Bastia depuis 16 h 30", a déclaré à l'AFP en début de soirée le procureur de la République de Bastia, Arnaud Viornery, "et les violences se poursuivent". "Un incendie a été déclenché à l'hôtel des impôts" par les émeutiers avant d'être éteint par les pompiers, a-t-il ajouté.
Cocktails molotov
La manifestation, partie à 15 h sous une pluie fine et froide du palais de justice, s'était auparavant déroulée dans le calme. Le slogan "Statu Francese Assassinu", repris par les milliers de participants – 7 000 selon les autorités,10 000 selon les organisateurs –, traduisait cependant la tension dans l'île depuis le 2 mars et l'agression de l'ancien berger à la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône), qui l'a plongé dans le coma.
La colère a débordé dès l'arrivée du cortège à la préfecture à 16 h, avec des échauffourées entre les forces de l'ordre et "300 manifestants encagoulés", selon les autorités, vêtus de noir et pour certains équipés de masques à gaz, ont constaté des journalistes de l'AFP. Vers 17 h 30, un incendie s'était déclaré à l'entrée de l'hôtel des impôts, dont les vitres avaient été brisées par les cocktails molotov.
Gaz lacrymogènes et canons à eau d'un côté, cocktails molotov, bombes agricoles et cailloux récupérés sur les voies ferrées de l'autre : à 20 h 00, "les attaques se poursuivaient dans différents secteurs du centre-ville de Bastia, avec une violence extrême", a souligné la préfecture, selon qui "les émeutiers ont tiré à de nombreuses reprises à la carabine à plomb sur des membres des forces de l'ordre".
Ces heurts ont duré jusqu'à 22 h 30, selon le dernier communiqué de la Préfecture, qui avait appelé "la population du centre-ville de Bastia à éviter de sortir de chez elle".
Cette manifestation a été initiée par des syndicats étudiants nationalistes, rejoints par l'ensemble des partis nationalistes de l'île, comme pour le rassemblement de Corte dimanche dernier, qui avait rassemblé 4 200 personnes selon les autorités, 15 000 selon les organisateurs.
"On est venus pour ce qui se passe en Corse, l'État français qui nie le peuple corse, pour la libération de tous les prisonniers corses", a expliqué à l'AFP Marité Costa, 58 ans, déjà présente à Corte dimanche dernier: "On dit 'Les jeunes, c'est des casseurs', mais c'est pas des casseurs, ils se battent, c'est grâce à eux que ça a bougé, parce que Macron, il n'en a rien à faire, même à un mois des élections."
Vives tensions en Corse
Dès le lendemain de l'agression d'Yvan Colonna à la maison centrale d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône, le 2 mars, des rassemblements avaient eu lieu sur toute l'île, sur fond d'interrogations sur les conditions de cette attaque visant ce militant indépendantiste corse qui réclamait de longue date son rapprochement dans une prison de l'île.
Cette semaine, la violence s'est intensifiée avec notamment l'intrusion d'une quinzaine de manifestants mercredi soir dans le palais de justice d'Ajaccio, qu'ils ont saccagé et tenté d'incendier.
Vendredi, le Premier ministre Jean Castex a tenté d'apaiser la situation en annonçant la levée du statut de "détenu particulièrement surveillé" (DPS) de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, deux autres membres du "commando Érignac" encore détenus sur le continent. C'est ce statut qui bloquait le rapprochement des trois hommes dans une prison corse.
Mais ce geste, après la levée du statut de DPS d'Yvan Colonna dès mardi, reçue comme une provocation en Corse, l'homme étant aujourd'hui entre la vie et la mort, n'a pas fait baisser la tension dans l'île.
Avec AFP