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Bien que la justice canadienne ait ordonné leur départ, des manifestants opposés aux restrictions sanitaires continuaient, samedi, de bloquer le pont Ambassador, un axe frontalier majeur avec les États-Unis. La police a commencé à les évacuer.

Les "Convois de la liberté" campent sur leurs positions. Des manifestants opposés aux restrictions sanitaires continuaient, samedi 12 février, d'occuper un pont reliant le Canada aux États-Unis, perturbant des échanges commerciaux entre les deux pays et ce, malgré un ordre de dispersion de la justice canadienne.

La police canadienne a commencé samedi matin à évacuer le pont Ambassador, bloqué par des manifestants opposés aux mesures sanitaires, des milliers d'autres contestataires étant attendus dans la capitale fédérale Ottawa pour un grand rassemblement.

En milieu de matinée, la police progressait sans heurts aux abords du pont : les manifestants ont démonté certaines tentes installées au milieu des voies de circulation et les premiers camions ont quitté les lieux, a constaté un journaliste de l'AFP. Mais plusieurs dizaines de manifestants occupaient toujours la chaussée et faisaient face à la police, qui est déployée en masse et appuyée par des véhicules blindés.

La cour supérieure de l'Ontario a ordonné vendredi 11 février le départ des manifestants anti-mesures sanitaires, un blocage qui a poussé Washington à intervenir auprès du gouvernement Trudeau. 

"Injonction acceptée. Le juge a décidé que les manifestants devaient partir avant 19 heures", a tweeté Drew Dilkens, le maire de Windsor, la ville où se situe le pont. Mais à 23h30, celui-ci était toutefois toujours bloqué par les manifestants et la police n'était pas intervenue, a constaté un journaliste de l'AFP. 

Perturbations 

La fermeture, depuis lundi, de cet axe frontalier majeur, qui relie l'Ontario et la ville américaine de Detroit aux États-Unis, a déjà entraîné des perturbations pour l'industrie automobile des deux côtés de la frontière. 

Washington avait mis le gouvernement canadien sous pression jeudi en demandant d'employer les "pouvoirs fédéraux". Et vendredi, lors d'un appel téléphonique avec Justin Trudeau, le président américain, Joe Biden, a directement évoqué "les conséquences sérieuses" du blocage pour l'économie américaine. 

Plus de 25 % des marchandises exportées entre les États-Unis et le Canada y transitent. 

Quelques heures plus tard, Justin Trudeau a indiqué que les frontières n'allaient "pas rester bloquées", promettant d'intensifier la répression policière. 

S'il a indiqué que "toutes les options" étaient "sur la table", le Premier ministre a également précisé qu'il n'est pas prêt à déployer l'armée tout de suite, "une solution de dernier, dernier recours". 

Vendredi matin, le Premier ministre de l'Ontario, province où se trouve le pont Ambassador mais aussi la capitale fédérale Ottawa, a déclaré l'état d'urgence. 

"Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour assurer la réouverture de la frontière. Et aux habitants d'Ottawa assiégés, je dis : 'nous allons veiller à ce que vous puissiez reprendre une vie normale dès que possible'", a déclaré Doug Ford, lors d'une conférence de presse. 

Autres axes bloqués 

Deux autres axes frontaliers sont également bloqués : le premier, à Emerson, relie la province du Manitoba au Dakota du Nord, tandis que le second est situé en Alberta. Cette pression du puissant voisin américain est venue s'ajouter pour Justin Trudeau à celle des partis d'opposition canadiens, qui accusent le Premier ministre d'inaction dans le dossier. 

Justin Trudeau doit "agir pour que cela cesse pacifiquement et rapidement", a redit Candice Bergen, la cheffe intérimaire du parti conservateur. 

"C'est inacceptable qu'un Premier ministre d'un pays du G7, un des pays les plus puissants au monde, n'agisse pas, ne montre pas de leadership pour régler cette situation", a dénoncé Jagmeet Singh, chef du Nouveau parti démocratique (NPD) [de tendance sociale-démocrate]. 

"Le problème, c'est qu'au départ, Justin Trudeau a jeté de l'huile sur le feu en mettant tous les manifestants dans le même sac, puis il est resté silencieux pendant cinq jours et maintenant il ne semble pas prendre ses responsabilités", explique Daniel Béland, politologue de l'université McGill à Montréal. 

Manifestation attendue samedi 

Dans les rues d'Ottawa, la foule des manifestants était plus massive que ces derniers jours et une scène a été installée devant le parlement, a constaté une journaliste de l'AFP. 

Matt, qui a accroché un drapeau canadien au bout de sa crosse de hockey, ne se dit "pas inquiet". "Nous défendons ce en quoi nous croyons, nous n'enfreignons aucune loi", explique-t-il à l'AFP, assis sur un siège pliable devant le parlement en attendant les "milliers" de Canadiens qui vont les rejoindre ce week-end. 

"On est pacifiques. On n'est pas ici pour être haineux, on veut récupérer la liberté de choix", renchérit Jessika, 34 ans. Cette conductrice de bus est installée avec son mari camionneur, leurs deux enfants de trois ans et dix mois et leur chien dans la rue qui passe sous les fenêtres de Justin Trudeau. 

La police de la ville a une nouvelle fois expliqué jeudi qu'elle n'était "pas en mesure" de "mettre un terme" à la manifestation sans renforts. 

Et Ottawa s'attend de nouveau à un afflux de manifestants pour la journée de samedi. Certains ont aussi promis de manifester dans d'autres grandes villes canadiennes, comme Montréal ou Toronto, mais aussi ailleurs dans le monde et notamment en France. 

Des milliers d'opposants aux restrictions sanitaires ont fait route vendredi vers Paris, mais aucun convoi n'est entré dans la capitale, selon les autorités, décidées à empêcher tout blocage. 

Avec AFP