Le monde est dépassé par l'explosion du variant Omicron, beaucoup plus contagieux que les précédents. Certains pays acceptent de laisser filer la pandémie et renforcer la vaccination pour atteindre une immunité collective. L'Espagne, elle, se prépare à considérer le Covid-19 comme une maladie qui fera partie du quotidien, à l'instar de la grippe.
Face à l'explosion des cas de Covid-19, boostée par le variant Omicron, quelle stratégie adopter ? En Espagne, le gouvernement central envisage de considérer le Covid-19 comme une "maladie endémique", c'est-à-dire une maladie infectieuse présente de façon latente ou en permanence, à l'instar de la grippe.
"Nous devons maintenant évaluer l'évolution de Covid-19 en une maladie endémique et continuer à renforcer l'immunisation, la protection et la coopération institutionnelle", a déclaré le Premier ministre espagnol, le 10 janvier. Pour justifier ses propos, Pedro Sanchez a souligné dans son pays "des taux de protection très élevés" grâce à la campagne vaccinale. En Espagne, 81,52 % de la population avait un schéma vaccinal complet au 11 janvier. En France, à la même date, ce chiffre s’élevait à 74,59 % de la population, selon le site Our World in Data, qui compile des données analysées par des spécialistes.
Anticipant une hypothétique banalisation du Covid-19, le gouvernement espagnol est en train de mettre au point un système de contrôle de la pandémie calqué sur celui mis en place pour l'épidémie de grippe, d'après les informations du quotidien El Pais. Selon la ministre de la Santé, l'Espagne veut prendre les devants sur ce sujet, à l'échelle internationale. Ce système, qui devrait entrer en vigueur après la vague Omicron, "consistera notamment à ne plus compter le nombre d'infections, et les personnes présentant des symptômes ne devront plus passer de test" pour éviter d'engorger les laboratoires, peut-on lire dans El Pais.
Comme pour l'épidémie de grippe, les autorités s'appuieraient sur des échantillons statistiques qui pourraient donner un aperçu de l'évolution de la maladie. Selon le journal, la récupération de ces données se feraient par le biais "d'un réseau de médecins qui pourraient signaler comment le virus se propage". Mais avant de voir le jour, ce dispositif devrait être autorisé par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et l'Organisation mondiale de la Santé, prévient El Pais.
Pour l'épidémiologiste Catherine Hill, ce système de sondages pourrait permettre d'estimer correctement le nombre de personnes positives. "Pour surveiller l'épidémie, les Anglais ont fait des tests PCR sur des échantillons représentatifs de la population. En France, on ne surveille pas l'épidémie, parce qu'on ne sait pas combien il y a de gens positifs à l'instant T", précise la spécialiste à France 24. "On sait combien de gens sont positifs, mais cela dépend de qui a été testé et on a aucun contrôle sur qui a été testé. Il y a ceux qui viennent tous les trois jours et ceux qui ne sont jamais venus. On ne trouve que la partie immergée d'un iceberg".
Une évolution du virus difficile à prévoir
Ailleurs dans le monde, certains se préparent à voir la pandémie décroître, tout en faisant preuve de prudence. Les États-Unis pourraient être "au seuil" d'une période de transition, après laquelle il deviendra possible de "vivre avec" le virus, a estimé, mardi, le docteur Anthony Fauci. "Alors qu'Omicron monte et redescend, j'espère que nous allons avoir une situation avec (...) une combinaison entre une bonne immunité de fond et la possibilité de soigner une personne à risque", a assuré le conseiller de la Maison Blanche sur la crise sanitaire.
L'Agence européenne des médicaments va également dans ce sens. "Avec l’augmentation de l’immunité dans la population - et avec Omicron, il y aura beaucoup d’immunité naturelle en plus de la vaccination - nous avancerons rapidement vers un scénario qui sera plus proche de l’endémicité", a déclaré Marco Cavaleri, chef de la stratégie vaccinale de l’EMA, basée à Amsterdam, avant de nuancer ses propos. "Nous ne devons pas oublier que nous sommes toujours dans une pandémie". L'OMS a elle aussi appelé à la prudence. "Nous avons toujours un virus qui évolue assez rapidement et qui pose de nouveaux défis. Nous n'en sommes donc certainement pas au point de pouvoir le qualifier d'endémique", a affirmé la responsable des situations d’urgence à l’OMS Europe, Catherine Smallwood.
Pour Antoine Flahault, professeur à la faculté de médecine de l'Université de Genève, joint par France 24, il serait plus précis d'envisager le Covid-19 comme une future maladie "endémo-épidémique", à l'image de la grippe. "Le virus continue de circuler à bas bruit pendant la saison chaude, mais pendant la saison froide il circule de façon épidémique. Ce n'est pas exactement le même scénario que celui de type endémique où la circulation du virus se fait à bas bruit tout au long de l'année, à l'instar du sida ou de l'hépatite B. C'est complètement différent parce que les épidémies de grippe saisonnière peuvent être désorganisatrices sur le plan de la société", explique le directeur de l'Institut de Santé Globale.
Catherine Hill affirme, de son côté, qu'"il est extrêmement difficile de faire des prévisions parce que le virus mute". "Le SRAS-CoV-2 n'a pas disparu. Il mute tout le temps et quand une mutation lui confère un avantage, notamment celui d'être plus contagieux, il gagne du terrain par rapport aux autres variants", explique la chercheuse à l'Institut de cancérologie Gustave Roussy. Par ailleurs, toute la lumière n'a pas été faite sur Omicron. "Est-ce que cette vague inédite va s'accompagner, par son ampleur, d'une très forte mortalité ou d'une mortalité réduite ?", s'interroge Antoine Flahault.
"Omicron n’est pas la grippe ou le rhume"
Selon l'OMS, plus de de 15 millions de personnes ont contracté le Covid-19 la première semaine de janvier dans le monde, un nouveau record depuis le début de la pandémie. Les décès ont, eux, progressé de 3 % et leur incidence hebdomadaire était la plus élevée dans les régions européenne et américaine. Par ailleurs, la branche européenne de l'Organisation mondiale de la santé a estimé le 11 janvier, que plus de 50 % des Européens pourraient être touchés par Omicron d'ici à deux mois. "Omicron n’est pas une grippe. Omicron n’est pas la grippe ou le rhume. Le SRAS-CoV-2 n’est pas encore endémique. Ce n’est pas le moment de baisser les bras" a tweeté, le lendemain, l’épidémiologiste de l'OMS, Maria Van Kerkhove.
#COVID19
« Omicron n’est pas une grippe. Omicron n’est pas la grippe ou le rhume. Le SRAS-CoV-2 n’est pas encore endémique. Ce n’est pas le moment de baisser les bras » affirme l’épidémiologiste de l'OMS @mvankerkhove https://t.co/Ed6oL5D4WT
D'après le directeur de l'Institut de Santé Globale, il y a toutefois des "signes d'espoir dans cette pandémie qui a un peu trop duré". "Avec Omicron, on voit que, si la première digue immunitaire, celle des anticorps, est transpercée par les variants, la deuxième digue immunitaire, qui se forme grâce à nos lymphocytes, nous prévient des formes graves quels que soient les variants. Et celle-ci se consolide après l'infection au Covid-19 et après la vaccination. Cette deuxième digue est de plus en plus haute contre les formes graves", explique l'épidémiologiste.
Le renforcement de la vaccination et l'immunité naturelle provoquée par l'infection au Covid-19 a poussé Israël à assouplir ses restrictions, contrairement à la majeure partie des pays du monde. Fin novembre, l'État hébreu, qui figurait parmi les premiers à vacciner massivement, avait fermé ses frontières après la découverte sur son sol d'un premier cas d'Omicron. Le 9 janvier, Israël les a rouvertes alors que les autorités sanitaires sont pourtant confrontées à un record de contaminations.
Au Royaume-Uni, le Premier ministre, Boris Johnson, refuse par ailleurs un durcissement des mesures : les cas contacts ne sont plus tenus de s’isoler tant qu’ils sont négatifs et le ministre de la Santé a annoncé, jeudi, raccourcir la durée d’isolement pour les malades du Covid-19 de sept jours minimum à cinq jours, moyennant un test négatif. Le gouvernement mise sur la vaccination, la création des lits d’urgence sur les parkings d'hôpitaux et la multiplication des tests. La différence avec la France et l'Espagne, c'est qu'en Angleterre, le pic épidémique a été atteint en début d'année.