
Près de 38,5 % des enseignants étaient en grève dans les écoles jeudi, selon le ministère de l'Éducation, et près de 78 000 personnes ont manifesté en France, selon le ministère de l'Intérieur, pour protester contre la "pagaille" provoquée par la multiplication des protocoles sanitaires. Après une réunion avec les organisations syndicales dans la soirée, le gouvernement a promis des masques FFP2 et des remplaçants.
"Ras-le-bol" : les enseignants et autres personnels de l'Éducation nationale, exaspérés par la valse des protocoles sanitaires liés au Covid-19, ont participé à une grève largement suivie et manifesté, jeudi 13 janvier, pour demander des réponses au gouvernement, dont le chef Jean Castex a reçu les syndicats dans la soirée à l'issue de cette journée.
Après 3 h 30 d'une réunion à laquelle participaient aussi le ministre de la Santé, Olivier Véran, en visioconférence et le ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, ce dernier a annoncé la mise à disposition de "5 millions de masques FFP2" pour les enseignants de maternelle sur demande et la distribution de masques chirurgicaux à partir du début de la semaine prochaine pour les personnels de l'éducation.
Il a promis par ailleurs "plusieurs milliers" de remplaçants "pour faire face à la crise", avec le recrutement de "3 300 contractuels de plus" et le recours aux listes complémentaires, c'est-à-dire aux candidats qui ont eu le concours mais n'ont pas été recrutés, une demande de longue date des syndicats.
Face aux perturbations engendrées par la crise sanitaire, les évaluations de "mi-CP", qui devaient commencer la semaine prochaine, seront "reportées à un délai qui reste à définir". Quant aux épreuves de spécialités du bac, qui normalement ont lieu en mars, le ministre a indiqué qu'il allait "faire une analyse là encore avec les organisations représentatives" pour "voir s'il est opportun d'avoir un report de ces épreuves de mars vers le mois de juin".
"On a obtenu des avancées concrètes. Maintenant, il faut que les actes suivent", a déclaré à l'AFP Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, à l'issue de cette réunion. "Ça ne répond pas à tout, mais on voit que nous n'avons pas fait grève pour rien", a-t-elle ajouté.
Près de 78 000 personnes (77 500) ont manifesté en France, dont 8 200 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur, qui a recensé 136 actions dans tout le pays.
Près de 38,5 % des enseignants étaient en grève jeudi dans les écoles maternelles et élémentaires, selon le ministère de l'Éducation, et 75 % selon le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, qui a annoncé une école sur deux fermée et évoqué "une mobilisation historique". Dans les collèges et lycées, 23,7 % des enseignants étaient mobilisés, selon le ministère. Le Snes-FSU, premier syndicat du second degré, a lui avancé le chiffre de 62 % de grévistes.
L'ensemble des syndicats de l'Éducation nationale, rassemblant enseignants mais aussi infirmières, AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) ou personnels de vie scolaire, rejoints – fait plus rare – par les inspecteurs et chefs d'établissements, ont appelé à cette mobilisation, dénonçant "une pagaille indescriptible" en raison des protocoles sanitaires.
La tension monte, avec un ministre de l'Éducation autrefois bon élève du gouvernement et aujourd'hui dans la tourmente.
"Je jette l'éponge"
"C'est l'épuisement, l'exaspération après 22 mois de crise sanitaire, des modifications incessantes qu'on peut parfois comprendre, mais il faut une meilleure communication", a expliqué dans le cortège parisien Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du principal syndicat des chefs d'établissement (SNPDEN).
"Trois protocoles en dix jours, c'est n'importe quoi. On ment aux parents, car c'est une garderie qui est ouverte actuellement", a témoigné de son côté Anne Gau-Segonzac, 59 ans, directrice d'une école élémentaire de Montrouge (Hauts-de-Seine).
Pour Maxime, 20 ans, assistant d'éducation (AED) depuis deux ans au lycée Joliot-Curie de Nanterre (Hauts-de-Seine), "avec tout ce qu'on nous demande de faire pour la gestion de la crise sanitaire (...), on ne peut plus assurer nos missions".
Une infirmière scolaire, en poste depuis 18 ans, raconte, elle, que "les conditions de travail sont devenues tellement difficiles depuis Noël qu'(elle) a pris la décision, (elle) jette l'éponge". "Je quitte l'Éducation nationale. Je repars vers l'hôpital où, même en pleine crise Covid, c'était moins pénible."

À Lyon, plus de 3 000 manifestants selon les syndicats, 2 200 selon la police, ont manifesté dans l'après-midi. "Les directeurs sont épuisés, les assistants sont perdus, on ne comprend plus rien aux protocoles, on en a ras-le-bol d'enseigner dans ces conditions", a témoigné Julie Merlin, 28 ans, institutrice en maternelle depuis deux ans à Vénissieux.
À Bordeaux, où quelque 3 000 personnes ont manifesté selon les organisateurs, 1 900 selon la préfecture, le cortège s'est arrêté devant le rectorat. Des enseignants y ont accroché sur les grilles les masques en tissu fournis par l'Éducation nationale sur lesquels ils ont écrit des messages comme "Blanquer démission". "Cet énième protocole a été la goutte d'eau", s'insurge Laetitia, enseignante en maternelle à Landiras (Gironde).
Environ 2 000 manifestants ont défilé à Montpellier selon la préfecture, 1 500 à Lille, derrière une bannière "Si l'école tousse, la république s'étouffe" et 850 à Limoges, où les mots "Blanquer le virus qui tue l'éducation" étaient au sol en lettres rouges.
"Virer Blanquer"
À Clermont-Ferrand, où 1 200 personnes ont défilé selon selon la préfecture, des pancartes appelaient à la démission du ministre de l'Éducation. À Rennes, ils étaient 4 500 selon les organisateurs, 2 200 selon la police.
À Marseille, où les affiches "école fermée" étaient nombreuses sur les portes des établissements, le cortège matinal comptait 2 200 manifestants selon la police. "Moins de mépris, plus de moyens" ou "Blanquer on veut une infirmière", pouvait-on lire sur les pancartes.
Au-delà des professionnels de l'éducation, les mouvements lycéens FIDL, MNL et La Voix lycéenne, ainsi que la FCPE, première organisation de parents d'élèves, avaient rejoint la mobilisation, et des parents ont affiché leur soutien à la grève.
"Je comprends l'exaspération des enseignants", assurait Carine, une mère d'élève, devant une école élémentaire du nord-est parisien.
"C'est vrai que c'est pénible, je comprends que le personnel en a marre", estime également François Lordenimus, parent d'élève de Caluire-et-Cuire (Rhône). "Ils n'en peuvent plus, les gens."
Avec AFP