
Des milliers de personnes sont de nouveau descendues dans les rues de Khartoum, dimanche, pour protester contre le coup d'État du général Abdel Fattah al-Burhane. Deux manifestants anti-putsch ont été tués par les forces de sécurité à Khartoum, selon un syndicat de médecins pro-démocratie.
Des milliers de Soudanais hostiles au pouvoir militaire manifestent, dimanche 2 janvier, dans les rues de Khartoum, bravant des tirs de grenades lacrymogènes et un déploiement massif de soldats armés.
Deux manifestants hostiles au pouvoir militaire au Soudan ont été tués alors qu'ils défilaient à Omdourman, dans la banlieue nord-ouest de Khartoum, dont l'un d'une balle dans la poitrine, rapporte un syndicat de médecins pro-démocratie. Le second mort de dimanche a subi "un violent coup à la tête qui lui a brisé le crâne", précisent ces médecins, alors que les forces de sécurité passent régulièrement à tabac des manifestants avec des bâtons.
Comme à chaque manifestation, devenues régulières depuis le coup d'État du général Abdel Fattah al-Burhane le 25 octobre, les autorités ont une nouvelle fois tenté, en vain, de tuer la mobilisation dans l'œuf en érigeant barrages physiques et virtuels.
Khartoum est depuis plusieurs jours coupée de ses banlieues par des containers placés en travers des ponts sur le Nil. Sur les principaux axes, des membres des forces de sécurité juchés sur des blindés armés de mitrailleuses lourdes surveillent les passants.
L'internet et les communications par téléphones portables ont cessé de fonctionner dimanche matin et n'ont été rétablis qu'en soirée.
Mais des milliers de Soudanais ont malgré tout répondu à la mi-journée à l'appel des militants à manifester "en mémoire des martyrs". Si 56 personnes ont été tuées et des centaines blessées depuis le putsch, le pays avait déjà connu un nouveau pic de violences jeudi, avec six manifestants tués à Khartoum selon un syndicat de médecins pro-démocratie.
"Les militaires à la caserne"
Dimanche de nouveau, ils sont ainsi des milliers à défiler aux cris de "Les militaires à la caserne" et "Le pouvoir au peuple", tandis que des jeunes sur des motos sillonnent la foule, prêts à embarquer les blessés, car à chaque mobilisation les ambulances sont bloquées par les forces de sécurité.
Les militants appellent à faire de 2022 "l'année de la poursuite de la résistance", réclamant justice pour les dizaines de manifestants tués depuis le putsch, mais aussi pour les plus de 250 civils abattus lors de la "révolution" de 2019. Cette année-là, la pression populaire forçait l'armée à démettre l'un des siens, Omar el-Béchir, après trente années de dictature militaro-islamiste.
"Ni partenariat ni négociation"
Dans un pays quasiment toujours sous la férule de l'armée depuis son indépendance il y a 65 ans, les manifestants, eux, le clament : "ni partenariat, ni négociation" avec l'armée".
En face, un conseiller du général Burhane a jugé vendredi que "les manifestations ne sont qu'une perte d'énergie et de temps" qui ne mènera "à aucune solution politique".
Dimanche encore, les autorités soudanaises seront observées par la communauté internationale qui dénonce une escalade.
Outre les morts et la coupure du téléphone et d'internet, les forces de sécurité sont également accusées d'avoir eu recours en décembre à un nouvel outil de répression : le viol d'au moins 13 manifestantes, selon l'ONU.
En outre, chaque jour et dans chaque quartier, les Comités de résistance, les groupuscules qui organisent les manifestations, annoncent de nouvelles arrestations ou disparitions dans leurs rangs.
Les Européens ont déjà exprimé leur indignation, de même que le secrétaire d'État américain Antony Blinken et l'ONU. Tous plaident régulièrement pour un retour au dialogue comme préalable à la reprise de l'aide internationale coupée après le putsch dans ce pays, l'un des plus pauvres au monde.
Avec AFP