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Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, est à Rabat pour une visite historique au Maroc, durant laquelle un accord sur la coopération sécuritaire a été signé, mercredi, entre les deux pays, un an après la normalisation de leurs relations.

Un an après la normalisation des relations entre l'État hébreu et le Maroc, le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a signé, mercredi 24 novembre, un accord de coopération sécuritaire "sans précédent" avec le gouvernement marocain, lors d'une visite dans le pays.

Ce protocole - le premier du genre avec un pays arabe, selon la partie israélienne - va notamment faciliter l'acquisition par le Maroc de technologies de la puissante industrie militaire d'Israël. "Il s'agit d'une chose très importante qui nous permettra (...) de lancer des projets conjoints et favorisera les exportations israéliennes jusqu'ici", a souligné Benny Gantz. L'accord-cadre a été conclu avec le ministre délégué chargé de l'administration de la Défense nationale marocaine, Abdellatif Loudiyi.      

Les deux pays avaient établi des relations diplomatiques au début des années 1990 avant que le Maroc n'y mette fin au début de la Seconde intifada, le soulèvement palestinien du début des années 2000.   

Des tensions entre le Maroc et l'Algérie

Israël et le Maroc ont rétabli des relations en décembre 2020 dans le cadre des "Accords d'Abraham", processus de normalisation des relations entre l'État hébreu et des pays arabes soutenu par l'administration de l'ex-président américain Donald Trump. 

Washington avait reconnu du même souffle la "pleine souveraineté" du Maroc sur le Sahara occidental, territoire disputé avec les indépendantistes sahraouis du Front Polisario soutenus par l'Algérie.

La visite de Benny Gantz intervient alors qu'Alger a rompu, en août, ses relations avec Rabat en raison "d'actions hostiles" du royaume et que le Front Polisario a décidé, il y a quelques jours, d'"intensifier" sa lutte armée contre le Maroc.

En rencontrant, lundi, à Washington son homologue marocain, Nasser Bourita, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a apporté un soutien appuyé au plan d'autonomie "sérieux et réaliste" prôné par le Maroc pour régler le conflit du Sahara occidental. En outre, les deux parties ont souligné l'importance de "l'approfondissement continu" des relations maroco-israéliennes.

Pour Bruce Maddy-Weitzman, spécialiste des relations israélo-marocaines à l'université de Tel-Aviv, la première visite d'un ministre israélien de la Défense au Maroc en pleine tension entre les deux poids lourds du Maghreb ne semble être une pure coïncidence.

"Il est possible que dans un contexte de tension Algérie/Maroc, les Marocains (....) désirent montrer au monde - à leur propre population, à leurs rivaux algériens et à l'Occident - qu'ils approfondissent leurs relations avec Israël, avec tout ce que cela implique", souligne Bruce Maddy-Weitzman.

La société israélienne Ratio Petroleum avait annoncé, le 29 septembre, un partenariat avec Rabat pour l'exploration d'hydrocarbures au large de Dakhla, au Sahara occidental. Et l'État hébreu est aussi l'un des principaux exportateurs au monde de drones armés et de logiciels de sécurité comme le Pegasus de la société NSO.

Or les ventes de drones armés et de certaines technologies de pointe, à l'instar du logiciel-espion Pegasus, doivent être approuvées par le ministère de la Défense dirigé par Benny Gantz.

Selon des informations publiées cet été par un consortium de médias, un numéro de portable du président français, Emmanuel Macron, figurait sur la liste de ceux visés par un service de sécurité de l'Etat marocain, accusé d'avoir eu recours au logiciel espion Pegasus. Le Maroc nie catégoriquement avoir acheté ce logiciel et a annoncé avoir déposé des plaintes pour "diffamation" contre des médias. 

Un appel à des manifestations

Selon différentes ONG, Pegasus a d'ailleurs aussi été retrouvé cet automne dans des téléphones portables de militants palestiniens, dont la cause continue de mobiliser au Maroc. Une coalition pro-palestinienne de partis et ONG de gauche ainsi que les islamistes du mouvement Justice et Bienfaisance ont appelé à une manifestation mercredi, à Rabat, pour fustiger la normalisation avec Israël et dénoncer la venue au Maroc du "criminel de guerre Gantz", chef d'état-major lors de la guerre meurtrière de l'été 2014 à Gaza.

Et est apparu sur la toile marocaine le hashtag "le criminel Gantz n'est pas le bienvenu". Pour Bruce Maddy-Weitzman, le Maroc n'a pas abandonné la cause palestinienne, "mais a beaucoup d'autres intérêts, beaucoup d'autres bénéfices à tirer d'un recalibrage" de ses relations.

Avec AFP