
Depuis plusieurs années, le taux de suicide dans les prisons françaises ne cesse d’augmenter. Pourquoi ? Rencontre avec les détenus, les surveillants, et les médecins de la prison de Varennes-le-Grand, au nord de Lyon.
"J’observe le monde par la fenêtre / Pendant que mon âme quitte mon être". Michael, 18 ans, détenu à la prison de Varennes-le-Grand.
C’est le poète du quartier disciplinaire, Michael. Un  jeune garçon frêle qui exhibe ses tatouages comme des cicatrices. Et m’ouvre ses  cahiers, le temps d’une courte rencontre. Il y consigne sa colère, son amertume,  mais aussi ses rêves.
Et cette phrase, qui dit le monde entre-aperçu entre les  barreaux.
"J’observe le monde par la  fenêtre". Que voit-il ? Je regarde à mon tour.  Il n’y a rien. Une cour vide jonchée de papiers sales. Des brins d’herbe qui  peinent à pousser. Et des grilles, des grillages. Un horizon  strié.
Il a 18 ans, et déjà 4 ans de prison derrière  lui.
L’écriture est son évasion  silencieuse.
 C’est à titre exceptionnel que le directeur de la prison  de Varennes-le-Grand, à une centaine de kilomètres au nord de Lyon, m’a  autorisée à entrer dans cet endroit très dur de la détention qu’est le quartier  disciplinaire, le "mitard" comme on l’appelle. Un quart des suicides de  détenus y surviennent.
Ici, l’isolement est total.
Pas d’échappatoire face à  soi-même.
Et c’est dans cette solitude que craquent beaucoup de  prisonniers.
 La vulnérabilité, la douleur, la colère, affleurent  partout en prison.
Au cours des deux jours que j’ai passés à  Varennes-le-Grand, j’ai rencontré une dizaine de détenus. Il y a ceux qui vivent  difficilement le fait d’être confrontés à eux-mêmes, ceux qui ne supportent pas  la violence de leurs codétenus, ceux que détruit la culpabilité, ou à l’inverse,  vivent leur incarcération comme une injustice. Il y a ceux qui soufrent d’être  séparés des leurs, et ceux qui savent que personne ne les attendra à la sortie.  Ceux, enfin,  qui dénoncent l’institution judiciaire et ceux qui se heurtent à  l’administration pénitentiaire.
Pour tous ceux-là, la prison est une  épreuve.
Et tous n’en viennent pas à  bout.
 Mais comment prévenir leur passage à l’acte ?
Yannick, premier surveillant du quartier arrivants,  raconte ce jour d’avril, où il a trouvé, pendu dans sa cellule, un détenu entré  quelques heures auparavant. Sa voix tremble un peu. Rien, dit-il, n’avait laissé  présager le suicide de cet homme.
Mais Yannick ne s’attarde pas sur ses propres émotions.  Tout juste se risque-t-il à faire remarquer que, si ces temps-ci les médias  évoquent beaucoup le suicide en prison, ils sont en revanche silencieux sur  toutes les tentatives empêchées d’aboutir. À Varennes-le-Grand, 47 détenus ont  vu leur geste arrêté à temps.
                                            
    
                