Mohammad Hassan Akhund a été désigné Premier ministre du gouvernement intérimaire formé par les Taliban en Afghanistan, a annoncé mardi Zabihullah Mujahid, porte-parole du mouvement islamiste. Un nouveau gouvernement que le chef suprême des Taliban, Hibatullah Akhundzada, a pressé de faire appliquer la charia.
Trois semaines après avoir pris le pouvoir en Afghanistan, les Taliban ont dévoilé, mardi 7 septembre, une partie de leur futur gouvernement, qui sera dirigé par Mohammad Hassan Akhund.
Originaire de Kandahar, ce dernier a été un proche collaborateur et conseiller politique du fondateur du mouvement et chef suprême, le mollah Omar. Sous le premier gouvernement taliban, il a notamment été vice-ministre des Affaires étrangères et gouverneur de la province de Kandahar, le berceau des islamistes.
Selon les Nations unies, Mohammad Hassan Akhund, dont le nom figure sur la liste des sanctions du Conseil de sécurité liées aux "actes et activités des Taliban", est connu pour avoir été l'un des "commandants talibans les plus efficaces".
Les États-Unis, quant à eux, ont déclaré qu'ils étaient "préoccupés" par la composition de ce gouvernement, mais qu'ils le jugeraient en fonction de ses actions. Les responsables américains soulignent que toute reconnaissance officielle d'un gouvernement taliban est loin d'être acquise.
Le cofondateur des Taliban numéro deux du gouvernement
Abdul Ghani Baradar sera lui numéro deux du nouvel exécutif, a précisé Zabihullah Mujahid, principal porte-parole du groupe, lors d'une conférence de presse à Kaboul. Comme nombre d'Afghans, sa vie a été bouleversée par l'invasion soviétique de 1979, qui en a fait un moudjahid. On pense qu'il a combattu aux côtés du mollah Omar, qui était borgne.
Tous deux auraient fondé les Taliban durant la guerre civile afghane du début des années 1990, quand des chefs de guerre mettaient le pays à feu et à sang.
En 2001, après l'intervention américaine et la chute du régime taliban, il aurait fait partie d'un petit groupe d'insurgés prêts à un accord dans lequel ils auraient reconnu la nouvelle administration de Kaboul. Mais les États-Unis ont rejeté cette initiative, ouvrant un nouveau chapitre de vingt années de guerre.
Abdul Ghani Baradar était le chef militaire des Taliban quand il a été arrêté en 2010 à Karachi, au Pakistan. Il a été libéré en 2018, sous la pression de Washington.
Écouté et respecté des différentes factions talibanes, il a ensuite été nommé chef de leur bureau politique, basé au Qatar. Il a conduit les négociations de Doha avec les Américains menant au retrait des forces étrangères d'Afghanistan, puis aux pourparlers de paix avec le gouvernement afghan, qui n'ont rien donné.
Parmi les autres nominations annoncées mardi soir, celles du mollah Yaqoub, fils du mollah Omar, au poste de ministre de la Défense, et de Sirajuddin Haqqani, chef du réseau Haqqani, à l’Intérieur. Amir Khan Muttaqi, négociateur taliban à Doha, a lui été nommé à la tête du ministère des Affaires étrangères.
"Le gouvernement n'est pas au complet", a souligné Zabihullah Mujahid, assurant que son mouvement, qui a promis un exécutif "inclusif", allait essayer de "prendre des gens d'autres régions du pays".
Le chef des Taliban demande l'application de la charia
De retour au pouvoir vingt ans après en avoir été chassés par une coalition emmenée par les États-Unis, les Taliban sont attendus au tournant par la communauté internationale, qui a prévenu qu'elle jugerait le mouvement islamiste sur ses actes.
Les promesses des nouveaux dirigeants islamistes, notamment en matière de respect des droits des femmes, peinent à ce stade à convaincre. D'autant que le chef suprême des Taliban, Hibatullah Akhundzada, dont les interventions publiques sont très rares, a demandé mardi au nouveau gouvernement afghan de faire respecter la charia, dans son premier message depuis la prise de pouvoir des islamistes il y a plus de trois semaines.
"J'assure tous nos concitoyens que les gouvernants travailleront durement à faire respecter les règles islamiques et la charia dans le pays", a affirmé Hibatullah Akhundzada dans un communiqué en anglais.
En attendant, la défiance prévaut. Les États-Unis se sont dits "préoccupés" par la nomination de certains ministres. "Nous notons que la liste des noms annoncée est exclusivement composée d’individus membres des Taliban ou de leurs proches alliés, et d’aucune femme. Nous sommes également préoccupés par les affiliations et les antécédents de certains de ces individus", a déclaré à Doha un porte-parole du département d’État. "Cependant, nous jugerons les Taliban sur leurs actes, pas sur leurs mots", et notamment sur leur disposition ou non à laisser les Afghans quitter le pays.
Pour le président américain Joe Biden, la Chine essaierait de trouver un arrangement avec les Taliban, "tout comme le Pakistan, la Russie ou l’Iran".
Sur place, la réticence est également de mise. Plusieurs manifestations ont été organisées à Kaboul ces derniers jours par des militantes, rejointes par d'autres Afghans venus dénoncer la violente répression du régime dans le Panchir.
Le Panchir, où se trouvait la dernière poche de résistance armée au régime, "est très sécurisé maintenant, il n'y a pas de guerre", a assuré le porte-parole taliban.
Interrogé sur les manifestations de samedi, dispersées parfois par la force par les Taliban, il a souligné que ces derniers "n'étaient pas encore formés" à la gestion des manifestations et a appelé les manifestants à prévenir les autorités de tout rassemblement 24 heures à l'avance.
Avec AFP et Reuters