Les autorités rebelles du Tigré ont affirmé dimanche accepter un "cessez-le-feu de principe" dans cette région du nord de l'Éthiopie dont ils ont largement repris le contrôle, tout en posant des conditions qui rendent un accord formel difficile avec le gouvernement.
Les dirigeants éthiopiens vont-ils accepter les conditions posées par les autorités rebelles du Tigré ? Ces dernières ont donné, dimanche 4 juillet, leur accord de principe à un cessez-le-feu, mais elles exigent notamment le retrait des forces érythréennes et amhara, qui soutiennent l'armée éthiopienne dans l'opération militaire qu'elle mène depuis huit mois contre l'ancien gouvernement régional, ainsi que la réinstauration de ce gouvernement considéré comme dissident par Addis Abeba.
Le Tigré est le théâtre de combats depuis que le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé, début novembre, l'armée pour renverser le gouvernement local, issu du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Le Prix Nobel de la paix 2019 accusait ces dirigeants d'avoir orchestré des attaques sur des bases militaires.
Les forces pro-TPLF (Forces de défense du Tigré, TDF) ont repris le 28 juin la capitale régionale Mekele. Le gouvernement fédéral a décrété un "cessez-le feu unilatéral". Mais les TDF ont poursuivi leur progression et repris le contrôle d'une grande partie du territoire tigréen, à l'exception de zones de l'ouest et du sud de la région annexées par les forces des autorités régionales voisines de l'Amhara.
De nombreux pays et l'ONU ont appelé au respect du cessez-le-feu, afin notamment de pouvoir acheminer de l'aide humanitaire à la population. "Sous réserve que nous ayons une garantie à toute épreuve que la sécurité de notre peuple ne sera pas compromise par une deuxième série d'invasions, nous acceptons un cessez-le-feu de principe", affirme dimanche un communiqué signé du "gouvernement du Tigré".
"Néanmoins, avant qu'un accord de cessez-le-feu ne soit formalisé, les problèmes épineux suivants doivent être résolus", poursuit le texte, avant d'énumérer des conditions.
Addis Abeba ne veut pas parler aux dirigeants du TPLF
La première est le retour des "forces d'invasion" érythréennes et amhara "à leurs territoires d'avant-guerre". L'Érythrée, frontalière du Tigré au nord, est intervenue dès les premiers mois du conflit.
Le régime d'Asmara est l'ennemi juré du TPLF depuis une sanglante guerre frontalière l'ayant opposé à l'Éthiopie entre 1998 et 2000, alors que le TPLF était au pouvoir à Addis Abeba. Son armée est accusée d'atrocités sur les civils tigréens (exécutions sommaires, viols), et les États-Unis et l'UE ont appelé de manière répétée à leur départ.
Cette semaine, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a indiqué que les Érythréens se sont largement "retirés du Tigré", se déplaçant vers leur frontière. Les forces de l'Amhara, région éthiopienne qui borde le sud du Tigré, ont, elles, profité du conflit pour annexer des zones fertiles de l'Ouest tigréen. Les Amhara estiment que le TPLF s'en est emparé illégalement au début des années 1990.
Le communiqué demande aussi la reprise des activités "du gouvernement démocratiquement élu du Tigré, avec tous ses pouvoirs et ses responsabilités constitutionnelles".
Le gouvernement fédéral n'a pas répondu immédiatement aux sollicitations de l'AFP. Mais le pouvoir d'Addis Abeba a toujours rejeté tout dialogue avec les dirigeants du TPLF, classé organisation terroriste par le Parlement en mai. Vendredi, lors d'une réunion à huis clos avec des diplomates, des dirigeants éthiopiens ont affirmé que le gouvernement se préparait à un "dialogue inclusif pour résoudre la crise du Tigré", tout en répétant qu'il ne se ferait pas avec les dirigeants du TPLF.
Addis Abeba souhaite les voir "rendre des comptes" car "les actions du TPLF doivent être condamnées", ont-ils affirmé, selon trois participants à cette réunion. Traqués durant des mois, ces dirigeants, dont l'homme fort de la région, Debretsion Gebremichael, ont fait leur retour à Mekele.
Une situation humanitaire alarmante
Les autorités rebelles demandent de leur côté dimanche "des procédures pour qu'Abiy Ahmed et Issaias Aferworki (le président érythréen) rendent des comptes (sur) les dommages qu'ils ont causés". Elles souhaitent aussi la création par l'ONU d'un "organe d'enquête indépendant" sur les "crimes horribles" commis sur les civils durant le conflit.
Elles ont également réaffirmé leur "soutien sans réserve à ceux qui s'engagent dans la livraison de l'aide humanitaire", se disant prêtes à garantir et assurer leur sécurité. La situation humanitaire au Tigré est alarmante. Selon l'ONU, plus de 400 000 personnes ont "franchi le seuil de la famine" dans la région et 1,8 million de personnes supplémentaires "sont au bord de la famine".
L'électricité et les télécommunications sont coupées, les vols suspendus et deux ponts cruciaux pour l'acheminement d'aide ont été détruits cette semaine. Accusé de vouloir empêcher l'aide humanitaire d'arriver dans la région, le gouvernement éthiopien a démenti toute responsabilité.
Avec AFP