L'astronaute français Thomas Pesquet et l'Américain Shane Kimbrough se sont élancés mercredi dans le vide spatial. L'opération a été troublée par des contretemps et n’a pas permis d’achever comme prévu l’installation d’un nouveau panneau solaire.
Pour la troisième fois de sa vie, Thomas Pesquet, en compagnie de l'Américain Shane Kimbrough, s'est élancé, mercredi 16 juin, dans le vide spatial, pour installer un nouveau panneau solaire sur la Station spatiale internationale (ISS), une opération complexe qui a été troublée par plusieurs contretemps.
???????? Programme du jour pour @astro_kimbrough et moi : on sort dans le vide, je vais être transporté par un bras robotique en tenant des panneaux solaires de 3m de long, on va les brancher ⚡ et retourner dans la @space_station 6h30 plus tard. À ce soir ????
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Au cours d'une mission ayant duré plus de sept heures, les deux astronautes se sont trouvés accrochés en apesanteur à l’extérieur de la Station filant à 400 kilomètres au-dessus de la Terre.
L'objectif de la mission était de positionner, fixer, brancher et déployer un panneau solaire de nouvelle génération, appelé iROSA, le premier d’une série de six panneaux destinés à augmenter les capacités de production d’énergie de l’ISS.
Mais à mi-parcours, la mission a dû être temporairement mise sur pause en raison des problèmes rencontrés par Shane Kimbrough. Les équipes de la Nasa ont observé une interruption dans la transmission des données permettant de contrôler l’état de sa combinaison, ainsi qu’un soudain pic de la pression du système de refroidissement de son scaphandre.
L’astronaute a dû revenir au sas de la Station et opérer une réinitialisation, avant de ressortir. Pendant ce temps, Thomas Pesquet l’attendait, accroché par les pieds à un bras robotique.
La mission a finalement repris, les données de contrôle étant de nouveau disponibles et stabilisées. A aucun moment Shane Kimbrough ne s'est trouvé en danger, a rassuré l’Agence spatiale américaine. Mais une précieuse heure a été perdue.
Les deux astronautes ont ensuite déplacé le panneau solaire, replié sur lui-même en un gros rouleau d’environ 350 kilogrammes, jusqu’à l’endroit où il devait être installé. Ils l’ont fixé et ont tenté de le déplier, mais un problème d’alignement est venu interférer avec le mécanisme, empêchant son déploiement. Les deux astronautes ont alors regagné l’intérieur de la Station.
La mission de dimanche remise en question
Ils avaient mis en route la batterie interne de leur combinaison sept heures et quinze minutes auparavant, à 12 h 11 GMT, marquant le début officiel de leur expédition.
Dimanche, la même équipe devait normalement renouveler l'opération pour installer un deuxième panneau. La paire a été livrée par un cargo de SpaceX : les panneaux sont pour le moment roulés sur eux-mêmes, et la mission des astronautes consister à les fixer au bon endroit et de les déployer.
Mais la Nasa doit désormais décider de la suite des événements : iront-ils finir l’installation du premier, ou s’attelleront-ils au deuxième comme prévu ?
Perte d’étanchéité
Cette sortie extra-véhiculaire ("EVA"), la première depuis leur arrivée dans l'ISS fin avril, était inédite sur le plan technique. "Une EVA revient à courir un 100 mètres sur la durée d’un marathon", a expliqué à l’AFP Hervé Stevenin, chargé de l’entraînement à ces sorties pour l’Agence spatiale européenne (ESA).
"Travailler en scaphandre est extrêmement difficile. Tous les sens sont limités, on manque de dextérité avec les gants : tenir un outil, c'est comme presser une balle de tennis, des centaines de fois pendant six heures", décrit l'instructeur.
Malgré un champ de vision limité, les astronautes doivent avoir en permanence une "conscience de leur environnement qui va au-delà de la vie de tous les jours".
Sans compter l'inconfort : avec le temps de préparation, ils restent engoncés une dizaine d'heures dans leur scaphandre, comme dans une "boîte de conserve", avec seulement une petite poche d'eau pour boire.
La vue depuis la chambre à coucher d'@astro_kimbrough (il dort dans notre Dragon ????). C’est toujours un peu vertigineux de penser que demain on sera de l’autre côté du hublot tous les deux… ????????????????????️ #MissionAlpha #Crew2 pic.twitter.com/gMU5sn9jCA
— Thomas Pesquet (@Thom_astro) June 15, 2021Aucun danger qu'ils tombent dans le vide, puisqu'une "triple sécurité", incluant un câble les reliant en permanence à la Station, empêche le scénario cauchemardesque du film Gravity de se produire, rassure l'expert.
Le système de refroidissement peut aussi s'écouler dans le système de ventilation, comme l'a vécu l'Italien Luca Parmitano en 2013.
"Un rêve dans le rêve"
Pour le Français, il s’agissait de la troisième sortie de sa carrière – la septième pour l’Américain. Et de la 239e dans l’histoire de l’ISS.
Les deux hommes avaient déjà effectué deux sorties dans l’espace côte à côte en 2017. Mais cette fois, les rôles étaient inversés : Thomas Pesquet était "EVA 1", Shane Kimbrough "EVA 2". "Le n°1, c’est le chef, en gros. Maintenant, je ne suis plus le petit jeune", avait commenté le Français de 43 ans pour qui les "EVA" représentent un "rêve dans le rêve".
"On n'a pas l'impression de risquer sa vie en permanence", témoignait Thomas Pesquet. Même s'il confesse qu'il n'était "pas très fier" la première fois qu'il a lâché ses doigts du vaisseau.
"Le reste ça va, on a l'impression d'être fixes, de faire de l'escalade avec une grosse boule qui tourne sous nos pieds. Lors ma première sortie, Shane m'avait dit 'regarde autour de toi' parce qu'on n'avait pas levé le nez du guidon. Là, je vais essayer de le faire."
Avec AFP