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Syrie : quatre Néerlandais proches du groupe État islamique remis aux Pays-Bas

Quatre Néerlandais proches des combattants de l'organisation État islamique ont été remis, samedi, par les autorités kurdes en Syrie, à une délégation diplomatique néerlandaise en vue de leur rapatriement aux Pays-Bas, provoquant de vives critiques dans le pays.

Les autorités kurdes en Syrie ont remis, samedi 5 juin, quatre Néerlandais proches de combattants du groupe État islamique (EI), parmi lesquels trois enfants, à une délégation diplomatique néerlandaise en vue de leur rapatriement, provoquant de vives critiques aux Pays-Bas.

Il s'agit d'une femme et de ses deux enfants – deux garçons âgés de 2 et 5 ans – ainsi que d'une adolescente de 12 ans, selon des responsables kurdes et néerlandais.

"À la demande du gouvernement hollandais (...), une femme hollandaise et ses deux enfants ainsi qu'une fille se trouvant dans une situation humanitaire" délicate ont été remis à la délégation diplomatique avec "l'accord" de la mère de cette dernière, a déclaré un haut responsable du département des Affaires étrangères des autorités kurdes, Abdel Karim Omar.

Tamara Buruma, l'avocate de la femme et de ses deux enfants, a confirmé à l'AFP qu'il s'agit d'une femme appelée Ilham B et de ses deux jeunes garçons. Me Buruma a expliqué que dans des situations similaires, des personnes venant de Syrie ont, une fois arrivées sur le sol néerlandais, été inculpées pour affiliation à un groupe terroriste et mises en détention provisoire. 

L'avocate présume qu'un sort "similaire" sera réservé à sa cliente et que ses enfants seront pris en charge par des services de protection de l'enfance.

Une porte-parole du ministère de la justice néerlandaise interrogée par l'AFP a refusé de commenter l'affaire mais a assuré que des informations arriveraient "dans la soirée".

Vives critiques

La question du rapatriement de proches de l'organisation État islamique a provoqué de vives critiques aux Pays-Bas et divisé le gouvernement démissionnaire, certains défendant une approche humanitaire tandis que d'autres privilégient la dimension sécuritaire.  

Il s'agit d'une démarche "incompréhensible", a déploré sur Twitter la député libérale Ingrid Michon.

"Il est inacceptable et insupportable d'amener ici l'ennemi qu'est l'organisation État islamique. Ces femmes terroristes ont perdu leur droit de fouler le sol néerlandais à jamais", a renchéri le député d'extrême droite Geert Wilders.

Les quatre Néerlandais ont été remis à la délégation, composée notamment de l'envoyé spécial des Pays-Bas en Syrie, Emiel de Bont, et du directeur des Affaires consulaires au ministère hollandais des Affaires étrangères, Dirk Jan Nieuwenhuis. 

"Il s'agit d'une mission consulaire très spécifique, que mon gouvernement a décidé d'entreprendre parce que la Cour de Justice néerlandaise a rendu des arrêts dans ces cas précis", a souligné Emiel de Bont lors d'une conférence de presse.

Selon les autorités néerlandaises, au moins 220 enfants néerlandais vivent en Syrie ou en Turquie voisine, dont 75 % ont moins de quatre ans. Environ 75 d'entre eux, ainsi que 30 femmes et 15 hommes néerlandais, vivent dans des camps gérés par les Kurdes.

Réticence occidentale

Depuis la chute en mars 2019 du "califat" de l'EI en Syrie, les Kurdes réclament le rapatriement des milliers de femmes étrangères et d'enfants de jihadistes qu'ils retiennent dans des camps surpeuplés. Malgré ces demandes répétées, la plupart des pays, notamment européens, rechignent à reprendre leurs citoyens. Certains, parmi lesquels la France, ont rapatrié un nombre limité de mineurs, incluant des orphelins.

Les Pays-Bas n'y font pas exception, rapatriant seulement deux orphelins en 2019. "La politique générale est que les Pays-Bas n'aident pas les personnes venant de zones de combat", a expliqué à l'AFP Anna Sophia Posthumus, porte-parole du coordinateur national néerlandais pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité.

Mais pour les Kurdes de Syrie, cette réticence occidentale pose un vrai défi d'autant qu'il s'agit d'un dossier lourd à assumer, aussi bien financièrement qu'au niveau sécuritaire. 

Abdel Karim Omar a réitéré samedi son appel à la communauté internationale, afin "qu'elle assume ses responsabilités" et qu'elle "coopère" avec les Kurdes.

Pour sa part, Sophia Posthumus a dit préférer voir "un tribunal dans la région" capable de juger les personnes coupables sur place. "Nous avons eu des discussions mais ce n'est qu'un tout début", a-t-elle ajouté.

L'ONU a maintes fois averti de la détérioration de la situation sanitaire et sécuritaire dans les camps du nord-est de la Syrie, parfois surpeuplés. Un rapport onusien publié en février a fait état de "cas de radicalisation, de formation, de collecte de fonds et d'incitation à des opérations extérieures" dans ces camps, notamment celui d'Al-Hol. 

Avec AFP