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Le novice en politique Pedro Castillo, un instituteur représentant la gauche radicale, et l'expérimentée candidate de la droite populiste, Keiko Fujimori, s'affrontent dimanche pour le second tour de la présidentielle au Pérou.

Le Pérou partagé entre deux extrêmes. Les Péruviens sont appelés aux urnes, dimanche 6 juin, pour élire leur nouveau président parmi les deux vainqueurs surprise du premier tour. Le novice en politique Pedro Castillo, un instituteur représentant la gauche radicale, affronte l’expérimentée candidate de la droite populiste, Keiko Fujimori.

Dans un pays où le vote est obligatoire sous peine d'amende, une majorité se rendra dans les centres de vote à contrecœur. Les bureaux de vote seront ouverts douze heures d'affilée pour limiter les attroupements, de 07 h 00 à 19 h 00 locales (12 h 00 - 00 h 00 GMT). Les premiers résultats officiels seront connus vers 23 h 00 (04 h 00 GMT lundi).

Castillo, l'instituteur syndicaliste

Pedro Castillo, instituteur de 51 ans sorti de l'anonymat en 2017 à la faveur d'un vaste mouvement de grève des enseignants dont il avait pris la tête, avait créé la surprise en se hissant en tête du premier tour le 11 avril.

Né à Puña, dans la province de Cajmarca (nord) dont il arbore le chapeau blanc traditionnel, cet homme marié et père de deux enfants a vécu et travaillé comme enseignant dans une école rurale pendant 24 ans.

Il aime à se différencier de sa rivale en insistant sur ses racines provinciales et revêt souvent un poncho et enfile des chaussures faites de pneus de tracteur. Il arrive aussi souvent à ses rendez-vous de campagne à cheval.

Son programme repose sur le renforcement des secteurs de la santé, de l'éducation et de l'agriculture dans le but, dit-il, d'améliorer le sort des Péruviens les plus démunis confrontés à une récession aggravée par la pandémie, ainsi qu'à une hausse du chômage et de la pauvreté.

Pedro Castillo est également en faveur d'une reprise du contrôle par l'État des richesses énergétiques et minérales du pays.

Il a promis des investissements publics pour réactiver l'économie par le biais de projets d'infrastructures et de marchés publics auprès des petites entreprises, et entend "freiner les importations qui affectent l'industrie nationale et la paysannerie".

Il a aussi annoncé qu'il convoquerait une Assemblée constituante pour rédiger une nouvelle Constitution qu'il accuse de trop favoriser l'économie de marché.

Parmi ses promesses de campagne les plus controversées, Pedro Castillo s'est engagé à expulser les étrangers qui commettent des crimes au Pérou, un avertissement à peine voilé aux migrants vénézuéliens illégaux arrivés par centaines de milliers depuis 2017.

Il souhaite également réintroduire la peine de mort.

Citant fréquemment la Bible pour faire valoir ses arguments, il a indiqué qu'il ne légaliserait "pas l'avortement, ni pire encore, le mariage homosexuel".

S'il était élu, il renoncera à son salaire présidentiel et continuera à vivre avec son salaire de l'éducation nationale.

Fujimori, l'héritière

Keiko Fujimori, 46 ans, fille aînée de l'ex-président Alberto Fujimori (1990-2000), espère toucher au but après avoir déjà perdu deux fois au second tour en 2011 et 2016.

L'héritière du fujimorisme, ce mélange de populisme autoritaire, de conservatisme sociétal et de libéralisme économique, a passé la moitié de sa vie en politique. En 1994, à l'âge de 19 ans, la séparation de ses parents l'avait contrainte à devenir une sorte de Première dame de substitution.

Mais elle n'est pas la seule à avoir goûté à la politique dans cette famille originaire du Japon. En 2017, elle a rompu avec son frère cadet Kenji, 40 ans, qui lui disputait la tête du mouvement, avant qu'il n'abandonne la politique.

Cette mère de deux enfants, marié à un Américain, bénéficie toujours dans une partie du pays de la popularité de son père auquel beaucoup de Péruviens reconnaissent d'être venu à bout de la guérilla d'extrême gauche du Sentier lumineux (1980-2000) et de l'hyperinflation léguée par son prédécesseur.

Son père, âgé de 82 ans, purge depuis 2007 une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité. Keiko Fujimori a répété son intention de lui accorder une grâce présidentielle.

Mais le nom Fujimori, présent depuis plus de 20 ans dans la politique péruvienne, pourrait rebuter nombre d'électeurs.

D'autant que la dirigeante de Fuerza popular (droite populiste) a elle-même passé 16 mois en détention préventive dans une enquête pour corruption. Le parquet q requis 30 ans de prison à son encontre dans le cadre de l'enquête sur le scandale Odebrecht, du nom d'un géant brésilien du BTP qui a reconnu avoir versé des pots-de-vin à des dizaines de responsables politiques latino-américains.

Si elle remporte la présidentielle, elle échapperait un temps aux poursuites et ne pourrait être jugée qu'à l'issue de son mandat de cinq ans.

Avec AFP