Détenu depuis un an, Benjamin Brière sera jugé pour espionnage, a annoncé, dimanche, son avocat. Les accusations formulées par Téhéran "sont incompréhensibles" a réagi le Quai d'Orsay. L'Iran est régulièrement accusé de retenir prisonniers des étrangers pour obtenir des leviers de pression.
Le cauchemar continue pour Benjamin Brière. Le Français, détenu en Iran depuis un an, va y être jugé pour "espionnage", a annoncé, dimanche 30 mai, son avocat, quelques jours après un appel public de la sœur du prisonnier au président Emmanuel Macron pour intervenir en vue de sa libération.
À l'issue de l'instruction, le parquet a confirmé les poursuites pour "espionnage" et "propagande contre le système" politique de la République islamique d'Iran, a indiqué à l'AFP Me Saïd Dehghan, avocat de ce trentenaire détenu à Machhad (nord-est). L'espionnage, dans les cas les plus graves, est passible de la peine de mort en Iran, et la propagande contre le système de trois mois à un an de prison.
Les accusations d'"espionnage" formulées par Téhéran "sont incompréhensibles", a affirmé, dimanche, le ministère français des Affaires étrangères dans une réaction communiquée à l'AFP, ajoutant n'avoir "connaissance d'aucun élément susceptible d'étayer" ces accusations iraniennes.
Selon son avocat, Benjamin Brière est accusé d'espionnage pour "des photographies de zones interdites" prises avec un drone de loisir dans un parc naturel en Iran. D'après sa sœur, Blandine Brière, le Français a été arrêté alors qu'il traversait l'Iran en touriste, à l'occasion d'un long voyage en van aménagé entamé en 2018.
Les accusations de propagande seraient liées à des messages que le Français aurait publiés sur les réseaux sociaux et demandant pourquoi le voile islamique est "obligatoire" pour les femmes en Iran alors qu'il est "facultatif" dans d'autres pays musulmans.
"Le procureur prépare l'acte d'accusation et l'envoie au tribunal révolutionnaire pour la poursuite du processus judiciaire", a précisé, dimanche, Me Dehghan.
Selon lui, le Français arrêté en mai 2020 faisait l'objet de deux autres accusations non révélées jusque-là : "corruption sur Terre", l'un des chefs d'accusation les plus graves du code pénal iranien, passible de la peine de mort, et consommation d'alcool, passible d'une peine de flagellation.
Mais ces deux accusations n'ont pas été retenues à l'issue de l'instruction.
"Un instrument de négociations"
L'annonce du renvoi en procès de Benjamin Brière, né en 1985, survient quelques jours après la publication par l'hebdomadaire français Le Point d'une lettre ouverte de Blandine Brière appelant le président français à agir pour la libération de son frère, emprisonné selon elle "sans fondement".
Pour Blandine Brière, qui décrit son frère comme "un touriste à la soif de découverte et d'aventure", il "est évident que les poursuites judiciaires iraniennes ne sont pas les raisons de cette attente interminable".
"L'enjeu est ailleurs, mon frère se retrouve être un instrument de négociations qui le dépassent. Un jeune Français se retrouve au centre de conflits entre pays, ce qui lui échappe évidemment", a-t-elle écrit à Emmanuel Macron pour "l'implorer" de remédier à cette situation.
Benjamin Brière et sa famille "comprennent que les autorités iraniennes ont décidé d'accélérer le processus judiciaire et l'instrumentalisation de cette affaire pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la réalité des faits", écrit Me Philippe Valent, avocat français de Benjamin Brière, dans un communiqué publié dimanche.
Me Valent dénonce des "poursuites judiciaires iniques qui ne sont que la réplique de pratiques qui perdurent depuis novembre 1979", date de la prise en otages des diplomates de l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran dans la foulée de la Révolution islamique.
L'Iran retient plus d'une dizaine de détenteurs de passeports occidentaux, pour la plupart des binationaux, ce que des ONG condamnent comme une politique de prise d'otages destinée à obtenir des concessions des puissances étrangères. Leurs soutiens les disent innocents et victimes d'un jeu politique qui ne les concerne pas.
L'Iran est soumis à d'importantes sanctions internationales, tout particulièrement américaines. En 2018, l'ancien président américain Donald Trump a sorti unilatéralement les États-Unis de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu trois ans plus tôt entre l'Iran et la communauté internationale.
Des négociations ont lieu depuis avril à Vienne pour tenter de relancer l'accord. Le but est de réintégrer les États-Unis et de faire revenir l'Iran à ses engagements en échange d'une levée des sanctions américaines.
À l'occasion de ces négociations, la partie iranienne a fait savoir qu'elle était toujours ouverte à des échanges de détenus.
Avec AFP