Des manifestations massives à nouveau ont eu lieu en Colombie, mercredi, à la veille de négociations avec le gouvernement pour trouver une issue à la crise sociale avivée par la répression policière. L’ancien président colombien et Prix Nobel de la Paix, Juan Manuel Santos, a appelé les autorités à assumer les excès des forces de l'ordre.
Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Bogota, de Cali, Medellin et d'autres villes de Colombie mercredi 19 mai, pour exiger des politiques plus solidaires face à la crise économique, aggravée par la pandémie de Covid-19, et dénoncer les violences policières. Une nouvelle journée de mobilisation à la veille d’une réunion capitale jeudi, la troisième entre le gouvernement et le Comité national de grève, initiateur du mouvement.
Les premiers pourparlers s'étaient tenus en début de semaine, mais les parties restent divisées quant aux excès des forces de l'ordre, dénoncés par plusieurs pays, l'ONU, l'Union européenne, ainsi que des ONG internationales et locales.
Le mouvement de contestation, qui a débuté le 28 avril contre un projet de hausse des impôts depuis retiré, a été vivement attisé par les violences policières qui ont fait au moins 42 morts, pour la plupart civils, et plus de 1 700 blessés, selon les autorités.
Répression
Pour apaiser les tensions, le président colombien, Ivan Duque, a promis la gratuité des frais d'entrée des universités publiques pour les plus modestes, et des facilités de crédits au logement pour les jeunes. Mais le chef de l'État se refuse à admettre une répression généralisée et s'est limité à condamner des "cas" isolés d'abus policiers, tout en dénonçant le "vandalisme" et les barrages routiers, causes de destructions et de pertes économiques importantes, surtout dans le sud-ouest du pays.
Son prédécesseur et Prix Nobel de la Paix, Juan Manuel Santos, a appelé le gouvernement à assumer les excès des forces de l'ordre. "Nous avons besoin de davantage de gestes, nous avons besoin que les différentes parties montrent plus d'empathie et plus d'humilité, que l'État admette ‘Nous avons commis des abus’", a-t-il déclaré sur la radio colombienne W Radio.
Le ministre de la Défense, Diego Molano, devra répondre devant le Congrès pour les morts et ses "omissions à ce poste", a estimé le leader syndical Francisco Maltés, favorable à une motion de censure prévue le 25 mai.
Les forces de l'ordre ont pour leur part lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour se défendre et nier toute "brutalité policière".
Le gouvernement "prolonge les négociations"
Depuis plus de vingt jour jours, les manifestations se succèdent presque chaque jour, alors que le pays traverse une troisième vague de pandémie, avec déjà plus de trois millions de cas, dont près de 83 000 décès.
Le gouvernement "prolonge les négociations, en ignorant les propositions et la clameur du peuple," déclare Viviana Clemente, une commerçante venue manifester à Bogota, "et en plus il l'attaque".
Pour la cheffe du mouvement étudiant Jennifer Pedraza, le chef de l'État cherche à essouffler le mouvement de protestation. "La stratégie du gouvernement est de se présenter dans les médias comme disposé à négocier, mais dans la pratique, (...) il parie sur l'usure dans le temps de la mobilisation et de la contestation."
La estrategia del gobierno es presentarse en los medios de comunicación como dispuesto a una negociación, sin embargo, en la práctica hace todo para dilatar y apostar al desgaste en el tiempo de la movilización y la protesta.
— Jennifer Pedraza S (@JenniferPedraz) May 19, 2021Une crise sociale sans précédent, qui s'est étendue au monde du football.
Alors que la Colombie doit accueillir la Copa América dans moins d'un mois conjointement avec l'Argentine, des manifestants devant le stade El Campin, à Bogota ont dénoncé une "coupe de sang".
Avec AFP