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Sur les 8 000 migrants qui ont rejoint l'enclave espagnole de Ceuta ces derniers jours, déjà 5 600 ont été expulsés vers le Maroc, contre qui l'Union européenne a durci le ton, mercredi, en assurant qu'elle ne se laisserait pas "intimider" sur la question migratoire.

La mer était calme et plus aucun migrant ne tentait, dans la soirée de mercredi 19 mai, d'atteindre à la nage l'enclave espagnole de Ceuta, à l'instar des milliers d'autres entrés illégalement ces dernières 72 heures en provenance du Maroc.

Depuis lundi, autour de 8 000 personnes, un chiffre sans précédent, ont rejoint Ceuta, profitant d'un relâchement des contrôles frontaliers côté marocain. Parmi eux, 5 600 ont déjà été expulsés vers le Maroc, selon un chiffre actualisé en début d'après-midi par la préfecture de Ceuta, qui n'a comptabilisé, mercredi, aucune "nouvelle entrée", assurant que les personnes tentant d'accéder à la plage étaient immédiatement reconduites au Maroc.

Cette vague migratoire inédite a pour toile de fond la crise diplomatique majeure entre Madrid et Rabat, qui ne décolère pas depuis l'arrivée, le mois dernier en Espagne, pour y être soigné, du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, ennemi juré du Maroc.

Soldats anti-émeutes

Se mettant à l'eau du côté marocain de la frontière, délimitée par une haute clôture sur une digue, des migrants, essentiellement des Marocains, avaient continué dans la journée, depuis l'aube au compte-gouttes, à rejoindre Ceuta à la nage. Mais interceptés dès leur arrivée sur la rive par des soldats espagnols, dans une ambiance parfois tendue, ils étaient ramenés de force vers la frontière.

Le long de la rive, des dizaines de soldats anti-émeutes espagnols étaient déployés et tiraient parfois des gaz lacrymogènes tandis qu'un bateau de la Garde civile patrouillait. En milieu de soirée, plus aucun nageur n'était en vue et le nombre de soldats sur la plage avait sensiblement diminué, selon les journalistes de l'AFP sur place.

"L'Espagne est actuellement défiée par un pays tiers, le Maroc", a déclaré, mercredi, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, fustigeant "le manque de contrôle des autorités marocaines". Il ne s'agit "pas seulement d'un manque de respect envers l'Espagne, mais envers toute l'Union européenne", a poursuivi le dirigeant.

Les migrants refoulés de Ceuta, Bruxelles durcit le ton

"Ceuta, c'est l'Europe"

Côté marocain, la police a bloqué dans la nuit de mardi à mercredi des dizaines de jeunes candidats à l'émigration, qui ont riposté en jetant des pierres.

Avec l'autre enclave de Melilla, située à 400 kilomètres à l'est sur la côte marocaine, Ceuta est la seule frontière terrestre de l'UE avec l'Afrique. Durcissant le ton, Bruxelles a assuré, mercredi, par la voix du vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, que "personne ne peut intimider ou faire chanter l'Union européenne (...) sur le thème migratoire", dans une allusion claire au Maroc. "Ceuta, c'est l'Europe, cette frontière est une frontière européenne et ce qui se passe là-bas n'est pas le problème de Madrid, c’est le problème de tous" les Européens, a-t-il ajouté.

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Le Maroc accusé de "jouer avec la vie des gens"

Rompant un long silence, par la voix du ministre des droits de l’Homme Mustapha Ramid, les autorités marocaines ont jugé "que l'Espagne a privilégié sa relation avec le Polisario et l’Algérie" qui soutient les indépendantistes sahraouis, "plutôt que sa relation avec le Maroc".

Mais mercredi, la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, a assuré, que malgré cette crise, Madrid ne changerait pas sa position sur le Sahara occidental et continuerait à rester neutre et à respecter les résolutions des Nations unies.

L'organisation de défense des droits basée à Londres Amnesty International a renvoyé dos à dos les deux pays. "Les demandeurs d'asile et les migrants sont utilisés comme les pions d'un jeu politique entre le Maroc et l'Espagne", a déclaré Amnesty, ajoutant qu'"environ 2 000 enfants non accompagnés" se trouvaient parmi la foule arrivée dans l'enclave. "Il semble, d'après son message sur Facebook, que le ministre marocain des droits de l'Homme considère que cette manière sélective de garder les frontières constitue des représailles", a déclaré Virginia Alvarez, d'Amnesty international, accusant le Maroc de "jouer avec la vie des gens".

Avec AFP