
Emmanuel Macron a présidé, lundi à Paris, une cérémonie pour la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, qui est marquée cette année par les 20 ans de la loi Taubira de 2001.
Entouré par les plus hauts responsables politiques, Emmanuel Macron a commémoré lundi 10 mai à Paris le 20e anniversaire de la loi Taubira ayant reconnu l'esclavage comme crime contre l'humanité, une étape majeure mais qui reste incomplète dans la réparation de cette page sombre de l'Histoire.
Aucun politique n'a pris la parole au cours de la brève cérémonie devant le monument commémorant l'abolition de l'esclavage dans le Jardin du Luxembourg. Mais ils ont écouté des enfants et des jeunes raconter, en slam ou avec un chant guadeloupéen, le "long combat de douleur et de sang" qu'a été celui de près de quatre millions de femmes et d'hommes ayant vécu en esclavage dans les colonies françaises jusqu'à son abolition en 1848.
Une comédienne guyanaise, Yasmina Ho You Fat, a lu un extrait du discours prononcé en 1999 par la députée Christiane Taubira pour défendre le projet de loi qui avait finalement été adopté le 10 mai 2001.
Dans son article 1er, cette loi affirme que "la République reconnaît que la traite négrière (...) et l'esclavage (...) constituent un crime contre l'humanité". La France était ainsi devenue le premier pays à le faire.
"Cette inscription dans la loi, cette parole forte, sans ambiguïté, cette parole officielle et durable constitue une réparation symbolique, la première et sans doute la plus puissante de toutes. Mais elle induit une réparation politique en prenant en considération les fondements inégalitaires des sociétés d'outre-mer liées à l'esclavage", avait déclaré Christiane Taubira dans son discours, selon l'extrait lu.
Emmanuel Macron a ensuite respecté une minute de silence en présence de son prédécesseur François Hollande, des présidents des deux assemblées, Gérard Larcher et Richard Ferrand, de la maire de Paris Anne Hidalgo, de la présidente de région Valérie Pécresse, de l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, ainsi que de cinq ministres – Gérald Darmanin (Intérieur), Éric Dupond-Moretti (Justice), Jean-Michel Blanquer (Éducation), Roselyne Bachelot (Culture) et Élisabeth Moreno (Égalité entre les femmes et les hommes et Diversité).

Inauguration d'un jardin Toussaint-Louverture
Après avoir affirmé en 2019 que l'histoire de l'esclavage faisait partie de "notre Histoire", Emmanuel Macron avait brièvement abordé ce thème mercredi dernier lors du bicentenaire de la mort de Napoléon en estimant que la décision de l'empereur de rétablir l'esclavage en 1802 avait été une "trahison de l'esprit des Lumières".
L'historienne Myriam Cottias, directrice du Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages (Ciresc), a regretté sur Public Sénat le "silence" du président lundi, jugeant que "le parallèle était fâcheux, quelques jours après la commémoration de Napoléon".
D'autres cérémonies se sont tenues en métropole et outre-mer. À Paris, la maire PS Anne Hidalgo a inauguré un jardin Toussaint-Louverture, "figure de la lutte contre l'esclavage" et héros de l'indépendance d'Haïti.
Le maire LR du XVIIe arrondissement, Geoffroy Boulard, a par ailleurs demandé à l'État de s'engager à la reconstruction de la statue du père d'Alexandre Dumas – ancien esclave devenu général – fondue par les nazis.
Interrogé sur la question – qui reste épidermique – de la réparation financière de l'esclavage, le président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, Jean-Marc Ayrault, a estimé qu'elle n'était "pas forcément quantifiable" mais qu'elle devait se traduire dans des choix de politiques publiques "qui ne doivent pas être faits dans un esprit paternaliste mais de coopération et d'égalité".
Pour sa part, Marine Le Pen (RN) a dénoncé dans un communiqué les formes d'esclavage "moderne" comme "le trafic d'êtres humains" en Méditerranée "qu'encouragent sous couvert d'humanisme dévoyé des ONG" d'aide aux migrants.
Hasard du calendrier, la justice a jugé lundi un militant "antinégrophobie" qui avait tagué la statue de Colbert – ministre de Louis XIV et initiateur du Code noir sur l'esclavage dans les colonies françaises – devant l'Assemblée nationale le 23 juin 2020. Une amende de 800 euros a été requise à l'encontre de ce militant guadeloupéen, Franco Lollia.
Avec AFP