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Qu’est-ce qu’être Français ? Telle est la question qui sera au centre du débat que lancera le ministre français de l'Immigration, le 2 novembre. Pour l’anthropologue Régis Meyran toutefois, la notion d'identité nationale n'est qu'un mythe. Interview.

Le ministre français de l’Immigration, Éric Besson, l’a annoncé lundi : le débat sur l’identité nationale sera lancé le 2 novembre, pour s'achever le 28 février. Parmi les questions qui y seront soulevées : "Qu’est-ce qu’être Français ?" et "Comment mieux faire partager les valeurs de l’identité nationale auprès des ressortissants étrangers ?" Dans les "100 préfectures de département et [les] 350 sous-préfectures d’arrondissement" du pays, des réunions seront organisées avec "l’ensemble des forces vives de la nation", indique le ministère sur son site Internet.

Pour Éric Besson, ce débat vise à "réaffirmer les valeurs de l'identité nationale". L'opposition dénonce, elle, un coup électoraliste. Afin d'y voir plus clair, FRANCE 24 a interviewé Régis Meyran, chercheur associé au Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture. Il est aussi l’auteur d'un ouvrage intitulé "Le mythe de l’identité nationale"*.

FRANCE 24 : Peut-on définir une identité nationale, l’identité française par exemple ?

Régis Meyran : L’identité nationale n’existe pas. Il faut plutôt parler "des" identités à l’intérieur de la nation. En outre, les identités ne sont pas fixes, elles évoluent constamment. L’identité nationale, unique et immuable, est une illusion. La France a depuis toujours été alimentée par les migrations - Gaulois, Romains, barbares, Italiens, Polonais, etc. L'identité nationale est un discours construit, un mythe.
  

Quelles en sont les origines ?

Un mythe est un récit fondateur qui se transmet de génération en génération. En France, l’idée qu’il existe un "pur Français" présentant des traits caractéristiques et une mentalité propre depuis la nuit des temps a commencé à circuler à la fin du XIXe siècle. Elle est liée à l’idéologie de la IIIe République, à celle d'une suprématie du peuple français de laquelle découlerait sa mission civilisatrice dans les colonies de l'Hexagone. À l'époque, on cherchait des caractéristiques physiques et des traits psychologiques communs aux Français. Par exemple, on mesurait les crânes de la population, afin de  montrer qu’il y avait une homogénéité du crâne français.
 

Pourquoi le concept d'identité nationale resurgit-il aujourd’hui ?

Il réapparaît souvent en période de crise économique, et est toujours lié à la question de l’immigration. L’idée qu’il existe un "vrai Français" est forcément dirigée contre l’Autre, elle est opposée à la figure menaçante de l’étranger. La recherche d’un socle commun dans lequel tout le monde peut se reconnaître est un exercice périlleux car on peut facilement tomber dans l’idéologie. Souvent, la réactivation de ce concept a été suivie de flambées de violence et de racisme.

Est-ce un concept davantage utilisé par certains partis ?

Il dépasse le cadre des partis. Dans les années 1930 par exemple, même les gens de gauche, anti-racistes et anti-fascistes, se sont engouffrés dans le mythe de l’identité nationale et s’intéressaient à la pureté de la race française. Ce mythe a atteint son apogée avec le régime de Vichy. Après les horreurs de la guerre, il est devenu moins visible, plus diffus, avant de réapparaître au sein des partis d’extrême droite, dans les années 1980. Aujourd'hui, avec la réactivation de ce concept par le gouvernement, on assiste à un changement notable. Il en fait un usage politique, car ce concept parle aux électeurs.
 

*Le mythe de l'identité nationale, Régis Meyran, Berg International, avril 2009.