![Michel Barnier, négociateur en chef de l’Union européenne, raconte "son" Brexit Michel Barnier, négociateur en chef de l’Union européenne, raconte "son" Brexit](/data/posts/2022/07/26/1658813830_Michel-Barnier-negociateur-en-chef-de-l-Union-europeenne-raconte-son-Brexit.jpg)
Dans un entretien exclusif, Caroline de Camaret reçoit Michel Barnier, négociateur en chef de l’UE pour le Brexit depuis 2016. Celui qui fut commissaire européen et ministre français des Affaires étrangères et de l’Agriculture nous parle de son "journal secret du Brexit", de sa vision diplomatique de l'UE en 2021 et de sa volonté de revenir sur la scène politique française.
Sur la conclusion de l’accord
"Le mandat des 27 a été rempli, nous avons fait la totalité de ce qui était demandé. Une chose manque mais cela n’a pas été voulu par les Britanniques, c’est un accord sur la politique étrangère, le développement, la coopération avec l’Afrique, notamment. Les Britanniques n’ont pas voulu discuter de ça dès le début, je le regrette et je n’ai pas compris pourquoi car c’était séparé du commerce et de la sécurité intérieure. Mais c’est important qu’on ait un cadre de partenariat avec le Royaume-Uni, qui est un grand pays, avec une politique étrangère dynamique, une défense crédible, un siège au conseil de sécurité des Nations-Unies. Il y a un autre chapitre qui devra s’ouvrir plus tard avec d’autres négociateurs pour cette partie-là. Mais pour le reste, ce qui était convenu, un accord de commerce équilibré et équitable, un accord sur l’énergie, sur les transports, sur la sécurité intérieure, c’est ce que nous avons fait."
Sur la City et les services financiers
"Ils n’ont pas été oubliés dans l’accord, il n’était pas prévu d’en discuter dans cette négociation. Il y a des procédures que nous avons utilisées avec tous les pays tiers qui ont des services financiers, et nous ferons la même chose unilatéralement avec les Britanniques dans certains secteurs limités, en tenant compte de nos intérêts et en tenant compte de la stabilité financière. Et cette stabilité elle est liée à des conditions dont nous avons besoin : la supervision, la régulation, le respect des règles européennes. »
Sur les perdants et les gagnants du Brexit
"Je n’ai toujours pas compris la valeur ajoutée du Brexit, et pour le Royaume-Uni et pour nous, je pense que c’est lose/ lose. Nous sommes amputés d’un grand pays et ce grand pays se retrouve tout seul. Ça touche davantage le Royaume-uni évidemment, il y a plus de procédures de paperasseries, plus de contraintes pour commercer, puisqu’il a choisi de sortir de cet écosystème que nous formons avec les autres pays européens. Entre nous, nous harmonisons nos frontières, mais il y a des contrôles avec le Royaume-Uni maintenant. Le Royaume uni exporte beaucoup plus vers nous (50 %) que l’Europe vers le Royaume-Uni (8 ou 10 %). Il y a des contraintes mais comme le disait Theresa May "Brexit means Brexit".
Sur la sortie de l’UE vue par les autres pays
"Je pense que tout le monde a vu, au cours de ces longues années de négociations, que c’était compliqué et cela avait beaucoup de conséquences graves et négatives qui n’avaient pas été évoquées lors de la campagne du Brexit. Il y a eu des mensonges. Mr Farage et d’autres ont menti, ont fait de la démagogie je leur ai dit en face quand je les ai rencontrés. Je ne crois pas que d’autres pays aient envie de faire la même chose car ils sont instruits des conséquences. Un pays qui quitte l’UE c’est possible, l’UE n’est pas une prison on peut la quitter mais il faut prendre ses responsabilités. Les Britanniques doivent prendre leurs responsabilités car maintenant le Brexit est fait".
Sur la pandémie
"L’UE a réagi collectivement, a mutualisé les commandes de vaccins. Je pense que cette pandémie démontre qu’on a intérêt à être ensemble. Bien sûr il y a aussi des leçons à tirer, mais en terme économique on a réagi par l’unité avec ce budget sur 7 ans. Pour la première fois, on va mutualiser des emprunts, et décider un plan de relance de 750 milliards d’euros, c’est la première fois".
Sur son livre de mémoires à paraître au printemps
"J’ai voulu écrire ce que je vivais, rendre public ce journal, l’histoire de cette négociation, comprendre que c’est plus grave que la relation entre le Royaume-Uni et l’Europe, cela pose des questions aux européens eux-mêmes : pourquoi autant de Britanniques ont voté contre l’ Europe ? Que veut dire ce sentiment populaire, cette colère sociale ? Pour nous Européens, les 27, il faut écouter, comprendre, répondre? "
Sur son avenir politique en France
"J’ai simplement dit quelque chose qui a surpris, peut-être crée une attente, quelque espoir. Je reste un homme politique je ne suis pas un super technocrate bruxellois, je ne l’ai jamais été. Je reste un homme politique que je suis depuis très longtemps, et tant que je garde la même capacité d’indignation et d’enthousiasme, la même énergie, je vais mettre cette énergie au service de mon pays en revenant plus quotidiennement en France.
Je suis très heureux de retrouver les Français qui m’ont manqué, mon pays, et d’utiliser cette énergie dans ce pays qui en a besoin. Nous verrons bien. Ce n’est pas le moment des aventures individuelles, quand on voit ce qui se passe dans ce pays avec cette crise, les Français attendent autre chose en terme de responsabilité des hommes politiques, c’est le temps d’un travail collectif".
Une émission préparée par Céline Schmitt et Isabelle Romero