La colistière de Joe Biden entrera dans l'Histoire mercredi. Elle deviendra officiellement la première femme vice-présidente des États-Unis, lorsqu'elle aura prêté serment à Washington. De parents immigrés, Kamala Harris est souvent dépeinte comme une "Obama au féminin". Portrait.
Kamala Harris sera la première femme à accéder au poste de vice-présidente des États-Unis, mercredi 20 janvier, à l'issue de la cérémonie d'investiture du 46e président américain, le démocrate Joe Biden.
Cette métisse de mère indienne et de père jamaïcain est aussi la première Noire et la première Américaine d’origine asiatique à accéder à cette fonction. "La première, pas la dernière", avait-elle dit dans un tweet posté en parallèle de son discours, peu après l’annonce de la victoire de Joe Biden, dans la course à la Maison Blanche.
While I may be the first, I won’t be the last. pic.twitter.com/R5CousWtdx
— Kamala Harris (@KamalaHarris) November 8, 2020C’est tout de blanc vêtue, en hommage au mouvement des suffragettes, qu'elle avait fait son discours de victoire en novembre, rendant un vibrant hommage à sa mère et à toute une génération de femmes qui ont "ouvert la voie" à son élection.
Sa couleur de peau et son ascension rapide au sein du Parti démocrate – elle a été candidate aux primaires après seulement un mandat de sénatrice en Californie – lui ont valu de nombreuses comparaisons avec Barack Obama et le surnom d'"Obama au féminin". Il n’est d’ailleurs pas impossible que Kamala Harris occupe un jour le bureau ovale.
Âgé de 78 ans, Joe Biden a déjà laissé entendre qu’il ne se représenterait pas à un second mandat. Sa dauphine de 56 ans pourrait donc se lancer dans la campagne pour 2024, voire accéder à la Maison Blanche encore plus tôt s’il arrivait malheur au président.
Un parcours brillant
Née à Oakland, en Californie, Kamala – son prénom veut dire "fleur de lotus" – Harris est une enfant d’immigrés aisés. Son père arrive aux États-Unis pour étudier l’économie et finit par l’enseigner à l’université de Stanford, tandis que sa mère arrivée d'Inde aux États-Unis à l'âge de 19 ans, travaille dans la recherche sur le cancer du sein. Ses parents se séparent lorsqu’elle a 5 ans.
Avec sa mère et sa sœur Maya, elle grandit à Berkeley, en Californie, et à Montréal, au Québec, où elle suit un cursus francophone, avant de faire ses études à l’université de Howard – la faculté des élites noires américaines – à Washington. Elle retourne ensuite en Californie pour passer le barreau. Procureure de carrière, elle grimpe tous les échelons jusqu’à être élue procureure de San Francisco puis procureure générale de Californie et enfin sénatrice du même État en 2017, poste qu’elle occupait jusqu’à aujourd’hui.
Vice-présidente, elle ne quittera pas tout à fait la chambre haute puisque c'est elle qui, conformément à la Constitution, pourra faire pencher la balance en cas d'égalité prévisible, avec bientôt 50 sénateurs démocrates contre 50 républicains.
Côté privé, Kamala Harris, qui aime cuisiner pour ses proches pendant son temps libre, a épousé en 2014 Douglas Emhoff, un avocat de Los Angeles qui avait déjà deux enfants issus d’une première union.
Ce dernier, premier "vice-gentleman" des États-Unis, lui a apporté un soutien sans faille sur les routes de campagne lors des primaires. "Prêt à me mettre au travail ! Allons-y, Dr Biden !", avait-il tweeté le jour de la nomination de Kamala Harris comme colistière, dans un clin d’œil à Jill Biden, la future première dame.
Plus à gauche que Biden
Très appréciée des militants démocrates, Kamala Harris aura joué un rôle essentiel dans la campagne de l'ancien vice-président américain. Jouissant d’un charisme impressionnant, elle est aussi connue pour son opiniâtreté et son talent oratoire. L’ex-procureure s’est par exemple illustrée en 2018 en commission judiciaire du Sénat, où elle avait posé des questions dures et insistantes, notamment lors de l’audition de Brett Kavanaugh. Son échange musclé avec ce juge accusé d’agression sexuelle, qui sera tout de même confirmé à la Cour suprême, est resté dans les annales.
Durant la campagne, elle ne s’est pas laissé intimider par les attaques répétées de Donald Trump et du camp républicain, qui l’avait dépeinte comme un suppôt du communisme. Plus à gauche que Joe Biden, elle a sans doute motivé les troupes progressistes à voter pour le candidat démocrate et a permis de faire le lien avec l’électorat plus radical de Bernie Sanders.
Pour autant, Kamala Harris est loin des positions de la gauche du Parti démocrate. Plutôt centriste au départ, la future vice-présidente avait aussi été critiquée pour son ralliement jugé trop tardif à certains thèmes chers au socialiste Bernie Sanders et à la jeune garde menée par Alexandria Ocasio-Cortez, comme l’assurance santé universelle (elle a rétropédalé depuis) ou le salaire minimum à 15 dollars de l’heure. Certains l’avait perçue comme de l’opportunisme en vue de sa candidature à la Maison Blanche.
Sans filtre sur les questions de racisme à l’égard de la communauté afro-américaine, Kamala Harris a suscité beaucoup d’enthousiasme. Elle est moins policée qu’un Barack Obama à qui elle est fréquemment comparée. Toutefois, son passé de procureur sévère lui a parfois été reproché durant la campagne. À ce poste, elle a été peu encline à poursuivre les policiers ayant tué des civils noirs. L’histoire dira si elle a su agir au-delà des symboles qu’elle représente.