
John le Carré, figure incontournable du roman d'espionnage, est décédé samedi à l'âge de 89 ans. Le Britannique, ancien espion lui-même, s'était fait connaître grâce à son roman culte "L'Espion qui venait du froid".
"Je ne suis pas un espion qui est devenu écrivain, je suis un écrivain qui fut, brièvement, espion." C'est ainsi que se définissait David Cornwell – nom de code pour ses livres : John le Carré –, maître britannique du roman d'espionnage, mort samedi 12 décembre d'une pneumonie.
"C'est avec une grande tristesse que je dois annoncer que David Cornwell, connu dans le monde sous le nom de John le Carré, est décédé après une courte maladie (non liée au Covid-19) en Cornouailles samedi soir, le 12 décembre 2020. Il avait 89 ans", a déclaré son agent, Jonny Geller, PDG du groupe Curtis Brown, dans un communiqué publié sur le site Internet de cette agence artistique basée à Londres.
With much sadness, I must announce the passing of one the world’s great writers - John le Carré.https://t.co/hpPFA5nA6D pic.twitter.com/HbC3WZzQFF
— Jonny Geller (@JonnyGeller) December 13, 2020John le Carré a écrit 25 romans et un volume de mémoires, "The Pigeon Tunnel" (2016). Il a vendu au total plus de soixante millions de livres dans le monde.
Parmi ses succès, plusieurs ont connu une adaptation sur grand écran ou pour la télévision, à l'image de "La Taupe" en 2011, avec l'acteur britannique Gary Oldman dans le rôle-titre.
"Ses personnages étaient profonds et habilement construits... Jouer le rôle de George Smiley a été un des sommets de ma carrière. Nous sommes nombreux à beaucoup lui devoir", a déclaré l'acteur dans un communiqué.
#GaryOldman pays tribute to his friend the novelist John Le Carre who has died ‘ George Smiley lives on ...” said Oldman. pic.twitter.com/VWkmzZSF0x
— Baz Bamigboye (@BazBam) December 13, 2020Il s'était inspiré de sa carrière d'agent secret, ruinée par l'agent double britannique Kim Philby, qui avait révélé sa couverture et celle de nombreux de ses compatriotes au KGB, le poussant à démissionner du MI6.
"Nous avons perdu une grande figure de la littérature anglaise", a déclaré son agent, louant son "grand esprit", sa "gentillesse", son "humour" et son "intelligence".
Le roi du roman d'horreur, l'américain Stephen King, a déploré sur Twitter la mort d'un "géant littéraire" et "esprit humanitaire". L'écrivain et historien britannique Simon Sebag Montefiore s'est dit sur le même réseau social "bouleversé" par la mort d'un "titan de la littérature anglaise".
John le Carre has passed at the age of 89. This terrible year has claimed a literary giant and a humanitarian spirit.
— Stephen King (@StephenKing) December 13, 2020Le Brexit, une "folie" pour cet europhile
John le Carré était devenu célèbre dans le monde entier après la parution de son troisième roman, "L'Espion qui venait du froid" (1964), qu'il écrivit à 30 ans, "mangé par l'ennui" que ses activités de diplomate à l'ambassade britannique de Bonn en Allemagne lui procuraient.
Le manuscrit avait été autorisé par les services secrets, qui avaient conclu qu'il s'agissait d'une œuvre de "pure fiction du début à la fin", avait écrit John le Carré en 2013 dans le quotidien The Guardian. Mais la presse avait eu une toute autre opinion, racontait-il, décidant que ce récit n'était "pas simplement authentique mais était une sorte de message révélateur venu de l'Autre Côté".
Le roman, vendu à plus de 20 millions d'exemplaires dans le monde, raconte l'histoire d'Alec Leamas, un agent double britannique, passé en Allemagne de l'Est. Son adaptation au grand écran, avec Richard Burton dans le rôle-titre, a marqué le début d'une longue collaboration avec le cinéma et la télévision.
Le romancier Robert Harris a décrit John le Carré comme "l'un de ces auteurs qui était non seulement un écrivain brillant mais qui a aussi pénétré la culture populaire – et c'est très rare".
"L'Espion qui venait du froid" est un "chef-d'œuvre", a déclaré Robert Harris à la chaîne de télévision SkyNews. "C'est une histoire incroyablement captivante et très profonde, et elle a transformé l'écriture du roman d'espionnage. C'était un brillant portrait psychologique de l'espionnage, de la trahison et du déclin du pouvoir britannique", a-t-il ajouté.
Dans son dernier roman, paru en octobre 2019, l'europhile John le Carré dressait un portrait sans concessions du Premier ministre Boris Johnson, dépeint en "porc ignorant" et qualifiait le Brexit de "folie".
Avec AFP