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Loi sécurité globale : Castex instaure une commission pour "une nouvelle écriture" de l'article 24

Alors qu'une nouvelle affaire de violences policières a éclaté jeudi, Matignon a annoncé dans la soirée la création d'une commission indépendante pour réécrire l'article 24 de la proposition de loi "sécurité globale", provoquant un tollé à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé, jeudi 26 novembre dans la soirée, qu'il allait instaurer "une commission indépendante chargée de proposer une nouvelle écriture de l'article 24" de la proposition de loi "sécurité globale", a indiqué Matignon.

L'article litigieux, voté en première lecture par l'Assemblée nationale et qui doit être soumis au Sénat, prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l'image des policiers et des gendarmes.

La commission, créée sur proposition du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et qui verra à sa tête le président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), Jean-Marc Burguburu, doit rendre ses travaux "pour la fin du mois de décembre". L'objectif est de "nourrir utilement l'examen de la proposition de loi sur la sécurité globale en janvier au Sénat dans le respect des prérogatives de la représentation nationale", ont indiqué les services du Premier ministre.

Jean Castex a annoncé la création de cette commission, dénoncée comme une "opération de communication" par la coordination #StopLoiSécuritéGlobale, au terme d'une réunion avec une délégation de syndicats d'éditeurs de presse et représentants de collectifs de journalistes, dont Reporters sans frontières, mais boycottée par les syndicats de journalistes et les sociétés de journalistes.

L'article 24 de la proposition de loi "sécurité globale" est d'autant plus critiqué par les oppositions qu'une succession d'affaires présumées de violences policières ont soulevé l'émotion dans le pays ces derniers jours. Dernière en date : le passage à tabac par des policiers d'un producteur noir à Paris.

"Preuve terrible du caractère vital du droit à filmer l'action policière"

Les images publiées par le site Loopsider montrent un homme qui subit une volée de coups assénés par des policiers samedi dans l'entrée d'un studio de musique du XVIIe arrondissement de Paris.

Le chef de fil des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, y a vu la "preuve terrible du caractère vital du droit à filmer l'action policière", qualifiant les policiers de "milice barbare" et réclamant la démission du préfet de police de Paris, Didier Lallement.

Alors que le producteur de musique dit avoir été traité de "sale nègre", le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a jugé qu'il était "temps d'accepter de traiter le sujet du racisme dans la police, de retirer l'article 24 de la loi 'sécurité globale', de rendre l'IGPN absolument indépendante".

2/2 Sans cette vidéo, #Michel aurait été sur le banc des accusés et non sur celui des victimes. Avec l'#Article24 voulu par le gouvernement, cela n'aurait pas été possible.
@faureolivier #RTLSoir pic.twitter.com/s51QXSDMxq

— Parti socialiste (@partisocialiste) November 26, 2020

"L'État de droit n'est pas négociable", a tweeté la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, "profondément choquée par cet acte intolérable".

Le patron d'EELV Julien Bayou a souligné que "sans les vidéos, rien ne serait sorti".

"Pas d'image sur les réseaux, pas d'émoi public, pas d'embarras du pouvoir, pas de réaction du ministre, pas de sanction des policiers violents et racistes. Pas de justice. Pas de démocratie", a résumé l'eurodéputé de Place Publique, Raphaël Glucksmann.

Pas d’image sur les réseaux, pas d’émoi public, pas d’embarras du pouvoir, pas de réaction du ministre, pas de sanction des policiers violents et racistes. Pas de justice. Pas de démocratie.
La publicité des actions de la force publique est un fondement de la démocratie.
A samedi https://t.co/TZXAdxquU3

— Raphael Glucksmann (@rglucks1) November 26, 2020

Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a appelé à se joindre aux manifestations de samedi pour le retrait de l'article 24.

Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat opposés à la commission

Côté majorité, le chef de file des députés LREM, Christophe Castaner, accusé d'avoir réprimé violemment des manifestations de Gilets jaunes quand il était place Beauvau, a estimé qu'à "travers l'agression insoutenable de Michel […], c'est notre humanité qui est atteinte", et demandé une "tolérance zéro contre le racisme et contre cette violence".

En revanche, la ligne du groupe LREM ne bouge pas sur l'article 24 et les discussions en interne, jeudi, portaient davantage sur la création de la commission indépendante que les députés du parti jugent malvenue et irrespectueuse de leur travail. "J'ai fait part au Premier ministre de mon étonnement", a notamment écrit Christophe Castaner à ses députés.

De son côté, le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand (LREM), a déclaré vendredi au Premier ministre sa "vive émotion" et son "opposition" à la création d'une commission extérieure pour réécrire l'article 24 controversé, a-t-on appris auprès de son entourage.

Lors d'un entretien téléphonique, ce proche d'Emmanuel Macron lui "a indiqué que s'il était loisible au gouvernement de s'entourer des éclairages qu'il souhaite recueillir, il n'appartient pas au gouvernement de substituer aux prérogatives parlementaires les travaux d'une commission extérieure", a-t-on rapporté de même source.

Même son de cloche au Sénat, où le président (Les Républicains) Gérard Larcher a demandé vendredi à Jean Castex de "renoncer à sa décision de nommer une commission consultative". "Cela va à l'encontre du fonctionnement normal de nos institutions et c'est en totale contradiction avec les droits du Parlement", souligne le président du Sénat, rappelant que la proposition de loi "est en cours de discussion au Parlement".

"Si le Premier ministre persistait, le président du Sénat considérerait les travaux de cette commission comme nuls et non avenus", avertit Gérard Larcher.

Les réactions étaient toutefois plus rares à droite. Sollicité par l'AFP, le numéro 3 de LR, Aurélien Pradié, qui refuse "l'injonction à choisir son camp", juge les images "indignes, insupportables quand on est attaché aux fondamentaux républicains". Il fait partie des quatre députés LR à s'être abstenu mardi sur le texte, voté par le reste du groupe.

Représentant de l'aile souverainiste du parti, le député Julien Aubert a jugé ces violences "inexcusables".

Avec AFP