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Loi "sécurité globale" : des ONG alertent sur "les conséquences dangereuses pour les libertés individuelles"

Si l’article 24 interdisant de diffuser des images de policiers a beaucoup fait parler d’elle, d’autres aspects de la proposition de loi "sécurité globale" posent problème, comme la surveillance par des drones ou le recours massif à la sécurité privée.

La proposition de loi "sécurité globale" n’a pas fini de faire parler d’elle. Au lendemain de débats houleux à l’Assemblée nationale, de nouvelles manifestations sont prévues à Paris et dans toute la France, samedi 21 novembre, à l’appel d'organisations de journalistes, syndicats et collectifs de défense de droits humains.

Lors de la poursuite de l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, vendredi 20 novembre, le gouvernement a tenté de rassurer sur la liberté de la presse en modifiant l’article 24 visant à interdire la diffusion d’images de policiers permettant leur identification. Un amendement a été ajouté : il précise que "les dispositions envisagées ne feront nul obstacle à la liberté d’informer et que le délit créé par le texte visera uniquement le fait de diffuser des images dans le but qu’il soit manifestement porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique" d’un policier, d’un militaire ou d’un gendarme. Si l’opposition n’a pas été convaincue, l’article controversé a bien été adopté par 146 voix pour et 24 voix contre.

Le ministre @GDarmanin assure que "journalistes" comme "citoyens" pourront continuer à "filmer et diffuser" des opérations de police "sans floutage". En revanche, "diffuser un visage" en "commentant" avec "l'intention de nuire" pourra être poursuivi.#DirectAN #PPLSecuriteGlobale pic.twitter.com/OdYqJl6Hc5

— LCP (@LCP) November 20, 2020

Mais au-delà de l’article 24, c’est bien l’ensemble de la proposition de loi, portée par les députés La République en marche (LREM) Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ancien patron du Raid, qui est contesté par les défenseurs des droits de l’Homme.

"Nous dénonçons une loi liberticide qui menace la liberté d’expression, le droit à manifester et le droit à la vie privée, affirme Anne-Sophie Simpère, d’Amnesty International France, contactée par France 24. Cette loi propose de traiter l’ensemble de la société française à l’aune de la menace terroriste. Cela aurait des conséquences dangereuses pour les libertés individuelles."

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a elle aussi critiqué la proposition de loi "sécurité globale", soulignant, dans un avis publié le 5 novembre, que plusieurs articles étaient "susceptibles de porter atteinte à des droits fondamentaux", telles que "la vie privée" et "la liberté d’information". Elle a également réclamé, vendredi, "le retrait" de l’article 24 qu'elle juge "inutile" et potentiellement nuisible au contrôle de l'action des policiers et gendarmes.

Des accusations balayées par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Selon lui, le texte en cours d’examen au Palais Bourbon est utile car il vise à "améliorer très fortement les dispositions législatives qui permettent d’imposer la sécurité républicaine, c’est-à-dire l’ordre républicain, c’est-à-dire la condition des libertés publiques".

La #PPLSécuritéGlobale, c'est quoi ?
Un texte ambitieux et très attendu par le secteur, qui permettra :

1️⃣ De mieux faire travailler ensemble tous les acteurs de la sécurité.
2️⃣ De mieux protéger les policiers, les gendarmes, les pompiers, face aux menaces.

cc @AliceThourot pic.twitter.com/esCQ3aPkUZ

— Députés LaREM (@LaREM_AN) November 18, 2020

Surveillance de masse grâce aux drones

Indéniablement, la proposition de loi, sur laquelle les députés voteront le 24 novembre, propose d’accroitre considérablement les moyens de surveillance de la police. Or, c’est bien sur cet aspect que se concentrent les critiques. Pour ses opposants, une telle surveillance nuirait aux libertés individuelles.

Alors que les caméras piétons embarquées sur les policiers étaient jusqu’ici uniquement utilisées a posteriori pour éclairer des faits contestés, l’article 21 autorise la transmission des images "en temps réel au poste de commandement du service concerné" et leur exploitation.

De même, l’article 22 permet l’utilisation des drones avec caméras aéroportées et ainsi la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel.

"Cet article permet d’utiliser en toute circonstance les drones mais ne les encadre pas, déplore Anne-Sophie Simpere. Leur utilisation devrait être liée à une nécessité légitime par rapport à un objectif déterminé. C’est une surveillance qui menace le droit à la vie privée et qui fait craindre, avec l’utilisation des caméras piétons, l’arrivée prochaine de la reconnaissance faciale."

Montée en puissance de la sécurité privée

Sur ce dernier point, le gouvernement et la majorité ont évoqué des "fantasmes" de l’opposition, mais les amendements visant à interdire dans l’avenir toute utilisation de la reconnaissance faciale ont tous été rejetés vendredi matin.

La loi "sécurité globale" donnera également à la police municipale de nouvelles prérogatives, dont la possibilité de constater par exemple des infractions au code de la route ou des délits, de procéder à des contrôles d’identité et à des saisies.

✅Adoption par l'@AssembleeNat de l'article 1 de la #PPLSecuriteGlobale ! Il permet aux communes d'élargir le domaine d'intervention des policiers municipaux dans le cadre d'une expérimentation pendant 3 ans. pic.twitter.com/i9t5dxtMM0

— Alice Thourot (@AliceThourot) November 18, 2020

Elle consacre enfin, en prévision de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques de Paris en 2024, la montée en puissance du secteur de la sécurité privée. La députée Alice Thourot, qui estime que la sous-traitance était une "véritable plaie pour le secteur", entend mieux encadrer le recours à ce type de société. La future loi favorisera l’emploi d’anciens policiers à la retraite en permettant le cumul emploi-retraite et élargira leur périmètre d’intervention.

"L’extension des pouvoirs des agents de sécurité privés comme des policiers municipaux est inquiétante car elle ne s’accompagne pas d’une formation adéquate", juge pour sa part Anne-Sophie Simpere d’Amnesty International France.