
Maintenue à un niveau élevé depuis les attentats du 13-Novembre, la menace terroriste est remontée à son niveau maximal, alors que la France fait face à une série d’attaques terroristes sur son territoire depuis plusieurs mois.
Après trois attentats en un mois en France, la menace terroriste, maintenue à un niveau élevé depuis les attentats de Paris et Saint-Denis en novembre 2015, vient d'être remontée à son niveau maximal.
"On a pu avoir l'impression que la menace était passée au deuxième plan parce que d'autres problématiques ont émergé, les Gilets jaunes, le Covid", explique à l'AFP une source sécuritaire, "mais en réalité, les chiffres montrent bien qu'elle est restée élevée depuis 2015".
En cinq ans, 20 attentats ont été commis sur le sol français, 19 ont échoué et 61 ont été déjoués. À cette série inédite s'ajoute, depuis la rentrée, une conjonction de facteurs ayant conduit les autorités à réévaluer le risque à la hausse "dès septembre".
Il y a d'abord l'ouverture d'une "séquence judiciaire" prévue pour durer jusqu'en 2022, avec le procès, en cours, des attentats de janvier 2015, puis celui à venir des attaques du 13 novembre. Ces audiences entretiennent "une espèce de bruit de fond" et font peser le risque "d'actions de soutien à ceux qui sont mis en cause", poursuit la source sécuritaire.
La republication des caricatures de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo vient aussi alimenter ce contexte, selon cette même source, tout comme l'"instrumentalisation" en France et à l'étranger des récents discours d'Emmanuel Macron et de l'action du gouvernement contre le "séparatisme islamiste".
Contrairement à 2015, la menace est aujourd'hui avant tout "endogène", expliquent les acteurs du renseignement.
Individus isolés
Souvent inconnus du renseignement, des individus isolés présents sur le territoire national, qui, inspirés par la propagande jihadiste, commettent des attaques à l'arme blanche nécessitant une faible préparation.
La France a vécu trois attentats en un mois avec une attaque à l'arme blanche qui a fait deux blessés près des anciens locaux de Charlie Hebdo fin septembre, la décapitation mi-octobre d'un enseignant pour avoir montré les caricatures de Mahomet, et enfin une attaque à l'arme blanche dans une basilique de Nice ayant fait trois morts.
Toutefois, la menace d'un attentat projeté depuis l'étranger, à l'instar de ceux du 13-Novembre, reste prise au sérieux. "Ce n'est pas parce que le groupe État islamique a subi une défaite militaire que ses capacités sont annihilées", confie un acteur de l'antiterrorisme.
Selon les estimations, entre 100 et 200 jihadistes français seraient établis dans la zone irako-syrienne, notamment dans la province d'Idleb, grand bastion jihadiste du nord-ouest de la Syrie. "Ils ont des armes, de l'argent, des moyens et par conséquent croire qu'ils ne sont pas capables de passer clandestinement les frontières pour atteindre le pays est illusoire", ajoute la même source.
Le récent attentat de Vienne, commis par un sympathisant de l'Organisation État islamique (OEI), est venu rappeler que la menace cible toute l'Europe.
Renforcement des effectifs et arsenal législatif
La coopération entre pays "fonctionne très bien", souligne auprès de l'AFP Laurent Nunez, le coordonnateur national du renseignement et de la lutte antiterroriste. Système d'information Schengen, registre des passagers aériens (PNR)... "Les services se rencontrent régulièrement, croisent leurs analyses et échangent des informations opérationnelles", explique-t-il.
Pour répondre à la menace, la France a aussi renforcé les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure – 1 250 agents supplémentaires sur le quinquennat – et son arsenal législatif.
Adoptée en octobre 2017 pour prendre le relais de l'état d'urgence, la loi sur la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste (Silt) doit être prorogée dans les prochaines semaines par le Parlement au-delà du 31 décembre 2020.
Elle comprend des mesures controversées, comme des perquisitions administratives ou les fermetures de lieux de cultes, qui ont été appliquées pour agir contre l'islamisme radical après la décapitation du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty.
Inquiétude sur les sortants
D'autres textes sont en préparation. Le projet de loi contre le "séparatisme islamiste" doit être présenté en conseil des ministres le 9 décembre. Une nouvelle loi renseignement est également attendue l'été prochain.
Enfin, sur l'épineux dossier des détenus terroristes sortant de prison, le gouvernement a promis d'ici la fin de l'année "l'extension des dispositifs existants" après la censure cet été par le Conseil constitutionnel d'une loi prévoyant des "mesures de sûreté" une fois la peine purgée.
Ces profils, comme celui de l'assaillant de Vienne, libéré fin 2019 après huit mois de prison pour une tentative de départ en Syrie, inquiètent beaucoup les services de renseignements français.
Une quarantaine de détenus ont été ou seront libérés d'ici la fin de l'année, ils seront environ 150 de plus d'ici la fin du quinquennat.
Avec AFP